Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson

Le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson (HOS) est le « modèle standard » de la théorie du commerce international[citation nécessaire]. Fondé sur l’avantage comparatif de David Ricardo, le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson vise à expliquer la présence d’échanges internationaux par les différences de dotations en facteurs de production de chaque pays. À travers ce modèle, les auteurs entendent prouver la supériorité du libre-échange et les bénéfices de la spécialisation[citation nécessaire].

Pour les articles homonymes, voir Heckscher, Ohlin, Samuelson et HOS.

Ce modèle est connu sous plusieurs noms. Il fut d'abord publié sous une forme plus littéraire par Bertil Ohlin, qui en attribua la copaternité à son directeur de thèse, Eli Heckscher, en 1933. En 1941, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper en déduisirent un théorème important sur la rémunération des facteurs, qui fut systématiquement incorporé dans la présentation du modèle, désormais connu sous l'abréviation HOS.

Définition

Le théorème Heckscher-Ohlin-Samuelson est appelé aussi loi des proportions des facteurs : chaque pays tend à se spécialiser dans la production et l'exportation de biens incorporant de façon intensive les facteurs de production relativement abondants sur le territoire, et à importer les produits nécessitant le recours à des facteurs de production relativement rares dans le pays.

Histoire

Une origine classique

La théorie d’Heckscher-Ohlin prend sa source dans les analyses des Classiques, notamment celle de l’avantage comparatif de David Ricardo. Ce dernier montre que les pays ont intérêt à ouvrir leurs frontières et à spécialiser leur production. Le modèle HOS se différencie toutefois du modèle ricardien par le fait que deux facteurs de production sont considérés alors que Ricardo n’en voyait qu’un, ainsi que par son objectif d’expliquer l’origine de l’avantage comparatif (là où Ricardo ne faisait que le constater).

Une autre différence tient à la spécialisation des pays, qui est souvent incomplète : les pays ne cessent pas totalement la production des biens qu’ils importent, mais ils les produisent en quantité moindre.

D’autres analyses classiques portaient sur les conditions de l’équilibre international, mais aucune ne traitait des causes profondes du commerce international : pourquoi les pays s’échangent-ils des biens et des services et pourquoi le commerce bénéficie-t-il à toutes les parties ?

Un modèle récent

Les économistes suédois Eli Heckscher (en 1919) et Bertil Ohlin (en 1933) répondent à ces questions en élaborant un modèle (HO), complété dans les années 1940 par Paul A. Samuelson et Wolfgang S. Stolper.

Le théorème de ces derniers est systématiquement présenté avec le modèle HO, l’abréviation devient HOS pour Heckscher-Ohlin-Samuelson. Celui-ci est le modèle néoclassique de base pour l’échange international.

Le modèle HO complète la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, le libre-échange y est aussi vu comme la meilleure politique possible. Heckscher et Ohlin intègrent les facteurs de production à l’analyse. Ils montrent que ce sont les différences de dotations initiales en facteurs de production qui sont à l’origine des avantages spécifiques de chaque pays.

Hypothèses

Le cadre d'analyse est un modèle « 2x2x2 » : deux pays, A et B, deux biens, 1 et 2, deux facteurs de production, K et L, en quantités , , et .

Note : Il est possible de sortir du cadre 2x2x2. La complexité mathématique de la résolution du modèle augmente alors considérablement, même s'il est possible de prouver que ses résultats essentiels restent valables dans la plupart des cas.

  • Les deux pays ont accès à la même technologie. Ils ont donc les mêmes fonctions de production, et , à rendements factoriels décroissants ;
  • Les pays ont des dotations relatives en facteurs de production différentes. On suppose ici que (A a relativement plus de K par unité de L que B) ;
  • La production se fait à rendements d'échelle constants :  ;
  • Les facteurs de production ont une productivité marginale décroissante ;
  • L'intensité en facteurs de production doit être différente entre les deux biens. Nous supposerons ainsi que . Cela signifie que la production du bien 2 utilise relativement plus de facteur K que la production de bien 1 ;
  • Il n'y a pas d'inversion possible de l'intensité en facteurs de production car la fonction de production prime sur l'évolution des prix ;
  • Les facteurs de production sont mobiles sans coût à l'intérieur d'un pays ;
  • Les facteurs de production sont immobiles internationalement ;
  • Les biens produits sont mobiles sans coût internationalement (pas de barrières douanières, transport sans coût) ;
  • Le concept d'équilibre interne des deux pays est celui de la concurrence parfaite ;
  • Le plein-emploi des facteurs de production (tout le capital et tout le travail disponibles sont utilisés).

La différence entre les facteurs de production de chaque pays est une hypothèse importante : il faut que la proportion capital-travail soit différente dans chacun des pays. C’est à cette condition qu’il peut y avoir spécialisation. Plus la différence de la proportion capital-travail est grande entre les pays, plus la spécialisation est intéressante pour tous.

Selon le théorème d’Heckscher-Ohlin chaque pays produit et exporte le bien pour lequel son facteur de production est le plus abondant relativement. En effet, plus le facteur de production est abondant, plus son prix relatif est bas. Le produit qui nécessite ce facteur de production est donc relativement peu coûteux. Autrement dit, un pays se spécialise dans les biens « à forte intensité de capital », s’il a plus de capital, ou dans les biens « à forte intensité de main-d’œuvre », s’il a plus de travail.

Démonstration

On considère d'abord la situation où chaque pays produit et consomme en autarcie.

Situation d'autarcie dans un pays

La situation étant symétrique dans les deux pays, on allège ici les notations en omettant l'indice (A, B) du pays.

On définit les grandeurs suivantes :

  • et sont les quantités de biens produites à l'équilibre ;
  • et les quantités de facteurs employées à la production du bien i ;
  • coefficients technologiques : à l'équilibre, et  ;
  • coefficient capitalistique : . La production de bien 1 est plus intensive en facteur K que la production de bien 2 si et seulement si .

On a ainsi : et

Le concept d'équilibre de la concurrence parfaite nous dit que la rémunération des facteurs est la même dans les deux industries, égale à leur productivité marginale. On note w la rémunération du facteur L, r celle du facteur K, p le prix d'équilibre du bien 2, p, w et l étant exprimés en unités de bien 1.

.

Le choix de la technique de production se fait ainsi par minimisation des coûts de production. Le coût unitaire est ainsi :

La théorie du producteur nous dit qu'on a alors :

Rémunérations relatives des facteurs

Comme le pays B est moins doté en K par unité de L que le pays A et les rendements factoriels étant décroissants,

D'où :

Si on compare les pays à l'autarcie, le facteur ayant la meilleure rémunération relative est le facteur relativement le plus rare dans le pays considéré.

Prix relatifs

Toujours en raison de l'équilibre de concurrence, les prix sont égaux aux coûts unitaires, et on a normalisé le prix du bien 1 à la valeur 1. On a donc :

d'où on déduit :

Ainsi, si le prix relatif du facteur K augmente, diminue, et p augmente. On en déduit donc que l'augmentation du prix relatif d'un facteur augmente le prix relatif du bien utilisant le plus intensément ce facteur.

Ouverture à l'échange : passage en économie ouverte

Supposons maintenant que les pays peuvent échanger des biens. Comme ,  : les entreprises produisant du bien 2 dans le pays A ont donc intérêt à exporter, et réciproquement pour les entreprises produisant du bien 1 dans le pays B.

On a alors plusieurs résultats :

  1. On a spécialisation partielle de chaque pays dans le bien relativement le plus intensif dans le facteur dont ce pays est relativement le mieux doté ;
  2. On a égalisation des prix relatifs des biens avec  ;
  3. En raison de la relation entre prix relatifs et rémunérations relatives, la rémunération relative du facteur relativement le plus rare dans chaque pays diminue tandis que celle du facteur relativement le plus abondant augmente.

Répartition des revenus

Heckscher et Ohlin disent qu’en se spécialisant et en échangeant, les pays augmentent globalement leurs revenus. Stolper et Samuelson ajoutent qu’au sein d’un pays, il y a des différences dans la rémunération des facteurs. Si un pays se spécialise dans les produits « à forte intensité de main-d’œuvre », les salaires des travailleurs sont augmentés et les profits des détenteurs de capital diminuent et inversement si le pays se spécialise dans les produits « à forte intensité de capital ».

Le modèle HOS propose donc une vision bien spécifique des relations Nord-Sud: les pays en développement disposant souvent de main-d’œuvre plus que de capital, leur spécialisation dans les produits à faible valeur ajoutée se trouve ainsi justifiée.

Limites

Si ce modèle occupe une place centrale dans la littérature, c'est avant tout du fait des intuitions qu'il souligne, et de la richesse des résultats qu'il propose.

Il est cependant contestable sur plusieurs points. La plupart de ses prédictions sont infirmées par les flux du commerce international :

  • Alors que les États-Unis ont un taux de capital par tête parmi les plus élevés, ils exportent des produits relativement intensifs en travail (paradoxe de Leontief), pourtant, les recherches de Keesing en 1966 ont montré que le travail qualifié pouvait être considéré comme du capital. C'est la Théorie du capital humain de Becker : le travail intègre du capital sous forme humaine. La recherche de Leontief ne remet finalement pas en cause le modèle,
  • L'égalisation des prix relatifs n'est que rarement observée, même au sein d'une union monétaire comme la zone euro. Cette observation amène à étudier les conséquences de différences de demande entre les pays.

Références

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Bertil Ohlin, Interregional and International Trade, Cambridge, Harvard University Press, .
  • (en) Stolper, Wolfgang et Samuelson, Paul, "Protection and Real Wages", Review of Economic Studies, IX, , p. 58-67.
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