Ming Yongle

Ming Yongle (chinois simplifié : 永乐帝 ; chinois traditionnel : 永樂帝 ; pinyin : Yǒnglè Dì ; Wade : Yung³-lo⁴ Ti⁴ ; EFEO : Yung-lo Te ; litt. « Joie éternelle ») ( - ), de son nom personnel Zhu Di (chinois : 朱棣 ; pinyin : Zhū Dì ; Wade : Chu¹ Ti⁴ ; EFEO : Tchou Te), est le troisième empereur de la dynastie Ming et l'un des plus célèbres empereurs chinois. Fils d'un des meneurs de la révolte des Turbans rouges, il renverse son neveu Jianwen et règne de 1402 à 1424. Il mène une politique centralisatrice et expansionniste et transfère la capitale de Nankin à Pékin afin de surveiller plus facilement l'activité des Mongols. Il est l'initiateur de la construction de la Cité interdite de Pékin.

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Yongle 永乐

Portrait assis de l'empereur Yongle.
Titre
Empereur de Chine

22 ans et 26 jours
Prédécesseur Jianwen
Successeur Hongxi
Biographie
Titre complet Empereur de Chine
Dynastie Ming
Nom de naissance Zhu Di (朱棣)
Date de naissance
Lieu de naissance Yingtian
Date de décès
Lieu de décès Yumuchuan
Nature du décès il s'est fait renverser
Nationalité Chinois
Père Ming Hongwu
Mère Impératrice Xiao Ci Gao
Conjoint Impératrice Renxiaowen
Plusieurs concubines
Enfants Hongxi
Zhu Gaoxu
Zhu Gaosui
Liste des empereurs de la dynastie Ming

Prince de Yan

Lorsque Zhu Yuanzhang (1328-1398), fondateur de la dynastie des Ming (1368-1644), eut renversé les Yuan et fondé sa dynastie, la capitale de l'Empire chinois fut un temps à Nanjing. Dadu prit le nom de Beijing et échut au quatrième fils du vainqueur, Zhu Di, le futur Yongle. Quatrième fils de l'empereur Hongwu, il reçut le titre de « prince de Yan », du nom de la région autour de Běipíng (Pékin). Il quitta Nanjing, débarqua dans son fief à vingt ans et dut résister à des attaques-surprises des forces mongoles restantes de la dynastie des Yuan (1206-1368). Pour protéger cette métropole septentrionale, Zhu Di fut obligé de conduire à maintes reprises le gros de ses troupes dans des batailles acharnées. Après dix ans de batailles pénibles, il avait non seulement vaincu toutes ces forces restantes, mais encore enrichi ses capacités militaires dans la pratique. En 1390, avec la capitulation des ennemis, une puissante armée fut organisée. Mais Zhu Di ne se contenta pas de ce titre et amorça une lente ascension vers le trône.

La prise de pouvoir

En 1398, Hongwu mourut des suites d'une maladie et son petit-fils, Zhu Yunwen, lui succèda en prenant le nom de règne de Jianwen (« Le Lettré »).

Au moment de son accession au trône, le pays était divisé en fiefs où 25 princes régnaient en maîtres. L'empereur estima donc que cette situation constituait une grande menace pour sa domination. Ainsi, il accepta le conseil de ses ministres et décida de réduire les forces des princes vassaux. Après avoir détrôné cinq princes faibles durant la première année, il se préparait à le faire pour Zhu Di. Il envoya d'abord des généraux de confiance guetter Zhu Di et chercha ensuite une occasion favorable pour le mettre sous arrêt. Ce dernier, alors le prince le plus puissant, devance son arrestation et décide de contre-attaquer. Pour échapper au danger, Zhu Di fit l'imbécile[style à revoir]. Dès qu'il eut entendu parler de l'ordre secret d'arrestation, il décida de déclencher aussitôt une offensive à Beiping, sous prétexte d'éliminer les traîtres de la cour impériale. Après quatre ans de combats, son armée occupa Nankin. Dans la panique le palais de l'empereur prit feu et Jianwen et sa femme disparurent, probablement morts brûlés. On raconta cependant très vite que Jianwen avait réussi à s'enfuir, déguisé en moine ; Zhu Di le fit longtemps rechercher, en vain. Puis Zhu Di se proclama empereur et prit le nom de règne de Yongle, en jouissant du soutien de tous les princes.

Il lui fallut quelques années pour mettre au pas la haute administration, majoritairement originaire du Sud et hostile à l'autorité de celui qui était souvent vu comme un usurpateur, par surcroît originaire des lointaines terres du Nord. Cette « pacification du Sud » coûta la vie à des dizaines de milliers de fonctionnaires.

Construction de Beijing

L'empereur Yongle.

Après avoir pris le pouvoir, il décida de re-déplacer la capitale de l'empire à Beiping (北平), l'ancienne Dàdū (大都), là où elle avait été sous les Yuan[1]. Deux facteurs motivèrent son choix. Premièrement, la ville et ses environs se trouvaient dans sa sphère d'influence, y compris en ce qui concernait la puissance politique, économique et militaire ; deuxièmement, la position géographique de la ville jouait un rôle extrêmement important dans sa défense militaire, puisqu'elle était proche de la frontière du nord. Elle pouvait résister à l'attaque d'ennemis et éviter l'encerclement des envahisseurs. Yongle lui donna le nom de Beiping. Le , il déclara officiellement que le nom de Le Běipíng « paix du Nord » allait être changé en celui de Beijing (北京) « la capitale du Nord ». Depuis lors, le nom de cette ville fut transmis de génération en génération parmi le peuple chinois. Sous son règne, le plan de Beijing subit des changements notables.

En 1406, sous l'ordre de Yongle, on compte que plus de 230 000 artisans, ainsi que des milliers de terrassiers et de soldats, travaillèrent durant quinze ans à l'édification urbaine de Beijing. Grâce à leurs efforts, une nouvelle capitale magnifique se déploya. Sous la domination de Yongle, les guides anciens avaient coutume de diviser la ville emmurée en trois villes distinctes : au centre, la ville pourpre interdite (Zijincheng ou Gongcheng), constituée par le Palais impérial de trois kilomètres de circonférence ; entourant celle-ci, la cité impériale (Huangcheng) ; entourant la cité impériale et le palais, la ville intérieure (Neicheng ou Jingcheng). Les cours et les constructions s'ordonnaient selon trois axes parallèles nord-sud et l'axe central était le plus important. Au sud, se trouvaient les édifices destinés à la vie officielle, au nord, les plus importants des édifices réservés à la vie privée. Les axes latéraux étaient occupés par des appartements secondaires et des annexes.

La première ville avait un plan sensiblement carré : 6,5 km du sud au nord et 5,7 km de l'est à l'ouest. Le Palais impérial occupait un rectangle de 960 m sur 750 m, soit une superficie de 720 000 m². Il était entouré d'une douve de 50 m de large remplie d'eau et d'une muraille continue de 7,9 m de haut.

La ville pourpre interdite était entourée de la cité impériale. Sur neuf km de ses environs se trouvaient des annexes : le Temple des ancêtres impériaux (太庙, tàimiào, aujourd'hui situé dans le parc de la Culture du peuple), l'autel du Dieu du sol et des moissons (Shejitan, aujourd'hui situé dans le parc Sun Yat-sen) et le siège du gouvernement central (Zhongnanhai).

Dès que l'empereur Yongle eut décidé d'installer sa capitale à Beijing, il fit aussi construire les remparts de la ville intérieure : 22,5 km de circonférence et 12 m de haut. En 1437, ceux-ci furent recouverts de briques et entourés d'une large douve aux eaux profondes; au cours du temps, ces remparts furent restaurés et consolidés à plusieurs reprises. Au sommet, un chemin de ronde permettait aux cavaliers de faire le tour de la ville ; de loin en loin, le mur était ou bien renforcé par des tours, notamment aux angles, ou bien percé de neuf portes. Chacune livrait passage à une circulation particulière.

La ville pourpre interdite se trouvait au centre de la ville. Un axe central nord-sud de 6,5 km reliait la tour de la Cloche (au nord) et la porte Yongding (au sud) en traversant le centre du Palais impérial. Sur ses deux côtés, des boutiques et des maisons étaient rangées en une disposition rationnelle.

En plus de l'édification urbaine, l'empereur Yongle pratiqua encore une série de politiques pour transformer Beijing en une ville prospère. En 1403, sous son ordre, plus de 136 000 foyers de la province du Shanxi emménagèrent à Beijing. En 1408, il donna encore l'ordre d'une exemption d'impôts de trois ans. Il concentra plus de 200 000 artisans habiles du pays pour participer aux travaux de construction de la capitale, à la création des ateliers et des marchés. Il réunit également plus de 300 000 terrassiers pour draguer le Grand Canal. Ainsi, la circulation était fluide sur cette grande artère allant du sud au nord du pays, et de grandes quantités de céréales du Sud pouvaient immédiatement être transportées à Beijing. Après des années de guerres, l'économie de la capitale connut un développement rapide et les citadins purent enfin mener une vie tranquille. Yongle est également à l'origine de sites qui font maintenant partie du patrimoine mondial : Palais impérial, Temple du ciel, Treize Tombeaux des Ming à Beijing, sans oublier la restauration et l'agrandissement du complexe de monastères taoïstes du mont Wudang, dans la province du Hubei.

Politique

Site où se trouve la tombe de Yongle.

Son règne, comme celui du fondateur de la dynastie, fut globalement épargné par les accidents climatiques et les épidémies, si l'on excepte celle de 1411, créant ainsi des conditions favorables à la stabilisation de l'empire et à son expansion économique[2]. Pour mieux affirmer sa puissance et sécuriser son pouvoir, Yongle mena des offensives au Nord contre les Mongols et en Mandchourie, ainsi qu'au Sud contre le Dai Viet où une nouvelle province fut fondée, avant que la domination chinoise ne commençât à s'effriter dès la fin de son règne face à l'insoumission des populations locales qui menèrent une guerre de résistance très efficace[3].

Il commandita aussi la monumentale Encyclopédie de Yongle.

Échanges avec l'extérieur

Dans la société féodale, Li Shimin (599-649), empereur Taizong des Tang (618-907) et Zhu Di, empereur Yongle des Ming, sont les deux empereurs qui attachèrent une grande importance au développement des relations avec les pays étrangers. Au début des Ming, le gouvernement limita sérieusement les échanges et le commerce avec l'extérieur. Sous son règne, Yongle mena plutôt une politique commerciale officielle, en supprimant l'interdiction imposée à la population sur les échanges et le commerce avec l'extérieur. Trois mois après avoir monté sur le trône, Yongle dépêcha une série d'envoyés dans les pays de l'Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie, Viet Nam, etc.).

L'une des grandes entreprises d'affirmation de la puissance de l'empire des Ming qui eut lieu à l'instigation de Yongle fut les expéditions maritimes de 1405 à 1433. Zheng He (鄭和, 1371-1435), eunuque originaire du Yunnan et navigateur célèbre, fut chargé, de 1405 à 1433, de conduire sa grande flotte de commerce vers les mers de l'Ouest, en Asie du Sud et du Sud-Est, dans un but diplomatique et politique. En 28 ans, il se rendit dans une trentaine de pays en Asie et en Afrique. Pour établir des relations politiques, économiques et culturelles, il fit un voyage de plus de 50 000 km. Lors de son premier voyage, il fut équipé d'une flotte de plus de 200 bateaux et de plus de 20 000 suites (y compris ses équipages, ses soldats, ses techniciens, ses interprètes, ses médecins, etc.) À l'exception de l'or et de l'argent, ses marchandises comprenaient de la soie, de la porcelaine, des objets en bronze, en fer, etc. À chaque endroit, où il arrivait, Zheng He offrait des cadeaux au roi ou au chef de tribu au nom de l'empereur Yongle. Par des échanges commerciaux avec des locaux, Zheng He acheta des pierres précieuses, des perles, des aromates, du bois et des spécialités locales. Des pays occidentaux envoyaient aussi des messagers amicaux en Chine avec le retour de sa flotte. Les grandes expéditions furent brutalement stoppées en 1421, sans doute jugées trop onéreuses[4],[5]. L'histoire de ces explorations entretient l'hypothèse très controversée d'une circumnavigation chinoise, popularisée en 2002 par l’œuvre de Gavin Menzies[6].

En 1417, trois rois des îles des Philippines conduisirent une délégation de plus de quatre cents personnes en Chine. Ils avaient apporté des cadeaux (poires, carets et spécialités locales) pour offrir à la cour impériale. Parallèlement, le gouvernement des Ming leur réserva un accueil chaleureux. Après un séjour de 27 jours, la délégation prit la route du retour. Le gouvernement des Ming leur offrit de l'or, de l'argent, des soieries et des broderies et envoya des eunuques pour les accompagner. Malheureusement, un des trois rois tomba malade en route et mourut à Dezhou (Shandong). Après avoir appris cette nouvelle, l'empereur Yongle, affligé, envoya un fonctionnaire pour rendre hommage à ce roi. L'empereur Yongle écrivit en personne l'inscription de la stèle qui fit grand éloge de la contribution du roi aux relations amicales entre les deux pays.

La plus grande encyclopédie de l'histoire chinoise

On ne peut passer sous silence la Yongle Dadian (Grande Encyclopédie de Yongle), rédigée sous son règne. Yongle était non seulement un militaire qui savait mener des soldats au combat, mais il lisait aussi énormément. En tant que politicien, il aimait tirer les leçons de l'histoire ; en tant qu'empereur, il savait bien qu'un fonctionnaire civil peut gouverner un pays et qu'un fonctionnaire militaire peut pacifier les pays voisins.

Après avoir étudié, il apprit par l'expérience que toutes les choses de l'univers sont multiples et variables et que toutes les connaissances humaines sont enregistrées dans les livres. Mais il était difficile de les chercher pour les employer. Il pensa donc que si on traitait toutes les connaissances humaines dans un ordre alphabétique ou méthodique en rédigeant un recueil ou un ensemble de toutes les connaissances, il serait plus facile de les chercher. Sous la direction de Yongle, une centaine de lettrés travaillèrent pendant un an et rédigèrent un grand livre intitulé « Réussite complète des documents ».

Après avoir lu ce grand livre, l'empereur Yongle n'en fut pas satisfait, car le recueil de connaissances était trop simple. Ainsi, il demanda aux lettrés de rédiger une édition augmentée, en fonction de son principe : « Il faut rédiger une série de livres qui collectionnent les connaissances d'une centaine de familles, y compris l'astronomie, les annales des districts, les principes féminin et masculin, la médecine, la divination, les huit trigrammes, les religions et les technologies. » Il ajouta : « Des lecteurs ont de l'argent pour acheter des livres ; pourquoi la cour impériale ne pourrait-elle pas aussi le faire ? » Dès lors, il envoya des gens acheter à prix unique de bons livres dans toutes les provinces du pays. Le contingent de travailleurs à cette fin passa d'une centaine à 2 169 personnes. Grâce à leurs efforts, un ensemble de grands ouvrages furent finalement rédigés durant l'hiver 1408. L'empereur Yongle donna le nom de Yongle Dadian et préfaça lui-même ce grand ouvrage.

Ce dernier comprend plus de 8 000 livres de différentes catégories. Son contenu concerne des classiques et des légendes populaires. Cette grande encyclopédie de 370 millions de caractères est la plus grande encyclopédie de Chine, et elle comprend 11 095 tomes et 22 877 volumes. Rien que son sommaire couvre 60 volumes.

Après sa rédaction, l'exemplaire unique du Yongle Dadian fut transporté à Beijing par Yongle, lors du transfert de la capitale de Nanjing à Beijing, et conservé dans le pavillon Wenlou (Wenzhaoge). À ce moment-là, quelqu'un conseilla d'en faire une impression typographique, mais ces travaux gigantesques connurent des difficultés terribles. Plus tard, un incendie se déclara, et l'ouvrage frôla la destruction. Dans ce contexte, l'empereur Jiajing (1522-1567) prit la résolution d'en faire une copie collationnée avec l'original.

Ces travaux gigantesques occupèrent une centaine d'intellectuels qui travaillèrent consciencieusement. Pour réaliser la copie manuscrite de la Yongle Dadian, chaque personne devait copier textuellement trois pages par jour. Après avoir fini la copie d'un tome, le copieur et le correcteur devaient signer. Cette glorieuse mission historique fut accomplie en six ans.

Par la suite, l'original de ce grand recueil fut conservé au pavillon Wenyuan (Wenyuange) ; maintenant, on ignore où se trouve ce recueil ancien. Des savants estiment qu'il a été possiblement brûlé dans les années où la guerre faisait rage. Parallèlement, sa copie, conservée par les Archives impériales (Huangshicheng), a aussi été victime de catastrophes. Au XVIIIe siècle, la grande collection Siku Quanshu comprenant 79 070 volumes fut rédigée sous le règne de l'empereur Qianlong (1736-1796) des Qing. À cette époque-là, 2 400 volumes du Yongle Dadian avaient disparu. Au milieu du XIXe siècle, alors que la guerre faisait rage en Chine, il n'en restait que 64 tomes. Ces dernières années, on a retrouvé plus de 150 tomes. Tous ces livres sont des mines de renseignements.

Mort

En 1424, à 65 ans, Yongle mourut des suites d'une maladie pendant la bataille de Yumuchuan. Il est enterré dans la tombe de Changling (長陵), le mausolée central et le plus important des tombeaux des Ming, il en comprend treize. Après son inhumation, chaque jour, un flot de visiteurs se pressait pour rendre hommage à sa dépouille.

Notes et références

  1. Brook 2012, p. 122-125.
  2. Brook 2012, p. 104.
  3. Gernet 2005, p. 136-137.
  4. Gernet 2005, p. 139-150.
  5. Brook 2012, p. 125-127.
  6. Gavin Menzies, 1421, the year China discovered the world, Bantam Books, 2002.

Bibliographie

  • Timothy Brook (trad. de l'anglais par Odile Demange), Sous l’œil des dragons : La Chine des dynasties Yuan et Ming, Paris, Payot, , 421 p. (ISBN 978-2-228-90804-7).
  • Jacques Gernet, Le Monde chinois, t. 2 : L’époque moderne XeXIXe siècles, Paris, Armand Colin, coll. « Pocket », , 378 p. (ISBN 2-266-16133-4).

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