Michel Pintoin

Michel Pintoin[1], né vers 1349, mort le , est un moine de l'abbaye de Saint-Denis (dès 1368), prévôt de la Garenne (dépendance de l'abbaye) en 1394, chantre de la communauté à partir de 1400 environ. Dans un article de 1976, il a été identifié comme l'auteur principal de la chronique latine officielle du règne de Charles VI, dite Chronique du religieux de Saint-Denis.

Le « Religieux de Saint-Denis »

Il est mentionné avec la qualité de chantre à la date du [2]. Selon un obituaire rédigé en 1730, il l'était aussi en 1415[3]. En fait, il a probablement succédé directement dans cette fonction à Guillaume de Roquemont, chantre signalé en 1393, mort vers 1400. Sa mort est mentionnée dans un nécrologe conservé des moines de Saint-Denis[4] : « Michael Pintoin, quondam cantor hujus ecclesie, obiit XVIe die mensis februarii anno eodem 1420 » (1420 « vieux style », 1421 pour nous).

Sa qualité de chroniqueur apparaît dans une note marginale ajoutée par Jean de Montreuil sur une copie de son discours À toute la chevalerie de France[5] : « Combien que j'ay oy dire au chantre et croniqueur de Saint Denis, personne de grand religion et reverence, qu'il a trouvé par tres anciens livres que la dicte coustume et ordonnance, qu'il appelle la loy salica, fut faicte et constituee devant qu'il eust onques roy chrestien en France [...] ». Cette note daterait d'entre 1409 et 1414, probablement de 1413[6]. D'autre part, la date de sa mort correspond parfaitement à un changement de main observée dans le texte de la Chronique du religieux de Saint-Denis : à partir de XLI, 5 (milieu de l'année 1420), le relais est pris par Jean Chartier, autre moine chroniqueur de l'abbaye de Saint-Denis[7].

L'identification entre Michel Pintoin et l'auteur principal de la chronique étant admise, les autres informations sur lui viennent surtout du texte. Il écrit qu'il est septuagénaire en 1419[8]. Il habite déjà Saint-Denis en octobre 1368. C'est un homme cultivé qui a des modèles littéraires comme l'Historia rerum in partibus transmarinis gestarum de Guillaume de Tyr. Il séjourne en Angleterre en 1381 (pendant la révolte de Wat Tyler) pour y défendre les intérêts de l'abbaye de Saint-Denis[9]. Ensuite, ayant reçu la charge officielle de « chroniqueur de France » (confiée par l'abbé de Saint-Denis), il suit à plusieurs reprises le roi dans ses déplacements : il est avec lui à L'Écluse en 1386, au Mans en 1392 ; il est présent aux conférences de Leulinghen en 1393. Il signale sa présence à la cour pontificale à Avignon en 1387, et il y retourne en 1395 avec le duc de Berry (qu'il a connu particulièrement) et le duc de Bourgogne, envoyés du roi. Il avait accès à des documents confidentiels de la chancellerie royale[10]. Il participe aux campagnes contre le duc de Berry en juin 1412, contre le duc de Bourgogne en avril-mai 1414.

Œuvre

L'auteur de la Chronique latine de Charles VI n'avait pas seulement écrit l'histoire de ce règne, comme il le dit lui-même : dans son prologue, il écrit qu'il avait déjà « retracé d'une main malhabile la Geste » de Charles V ; en II, 6, rapportant la mort de la reine Jeanne de Naples (), il souligne qu'il avait auparavant raconté les circonstances de son avènement, en 1343[11]. Cela signifie que son récit du règne de Charles VI s'inscrivait dans une suite, rédigée de sa main, remontant au moins au règne de Philippe VI. Adrien But († 1488), moine chroniqueur de l'abbaye des Dunes, rapporte[12] que son prédécesseur Jean Brandon († 1428) avait connu à Paris un moine de l'abbaye de Saint-Denis, qualifié de « notarius regis » (ce qu'il faut comprendre comme « historiographe du roi ») qui était aussi versé dans l'histoire contemporaine (« quæ suis in diebus evenerant ») que dans l'histoire antérieure de nombreux pays (« de retroactis universaliter gestis per amplissimum orbis spatium »). Michel Pintoin avait sans doute composé (par compilation) une Chronique universelle dont subsistent d'autres parties dans des manuscrits[13].

Bibliographie

  • Henri-François Delaborde, « La vraie chronique du Religieux de Saint-Denis », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 51, 1890, p. 93-110, lire en ligne.
  • Charles Samaran, « Études sandionysiennes. II. Un nécrologe inédit de l'abbaye de Saint-Denis (XIVe – XVIIe siècle) », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 104, 1943, p. 27-100, lire en ligne.
  • Nicole Grévy-Pons et Ezio Ornato, « Qui est l'auteur de la Chronique latine de Charles VI, dite du Religieux de Saint-Denis ? », Comptes-rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1976, p. 7-11 ; Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 134, n°1, 1976, p. 85-102, lire en ligne.
  • Bernard Guenée, Un roi et son historien : vingt études sur le règne de Charles VI et la Chronique du religieux de Saint-Denis, Paris, Institut de France / diffusion de Boccard, coll. « Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Nouvelle série » (no 18), , 538 p. (ISBN 2-87754-102-9, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Bernard Guenée, L'opinion publique à la fin du Moyen Âge : d'après la « Chronique de Charles VI » du religieux de Saint-Denis, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », , 270 p. (ISBN 2-262-01845-6, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • Bernard Guenée, « Un royaume et des pays : la France de Michel Pintoin », dans Rainer Babel et Jean-Marie Moeglin (dir.), Identité régionale et conscience nationale en France et en Allemagne du Moyen Âge à l’époque moderne, Sigmaringen, Jan Thorbecke Verlag, (Beihefte der Francia, 39), 1997, p. 403-412, lire en ligne.
  • Hélène Millet, « Michel Pintoin, chroniqueur du Grand Schisme d'Occident », dans Françoise Autrand et alii, Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, membre de l'Institut, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 213-236.
  • Nicole Grévy-Pons, « Michel Pintoin et l'historiographie orléanaise », dans Françoise Autrand et alli, Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, membre de l'Institut, Paris, Publications d la Sorbonne, 1999, p. 237-259.
  • Idelette de Bures, Charles VI, sa folie, ses médecins, ses traitements et le Religieux de Saint-Denis, Les sœurs Noires, 2 rue de la prison 62770 Viel-Hesdin XXIV N°1 2000 .

Notes et références

  1. Des documents tardifs donnent les variantes Pintons et Pitouin, fautives, mais le nom a pu être orthographié Pintouin.
  2. Arch. nat. LL 1192, p. 525. Avec deux autres moines, il a été élu par ses confrères pour administrer à titre provisoire les biens de l'abbaye pillée par les Armagnacs.
  3. Bibl. nat., ms. fr. 8599, p. 154 : « Ce meme jour 16 fevrier, selon notre second necrologe, mourut Michel Pintons, chantre en 1415, religieux de ce monastère ».
  4. Arch. nat. LL 1320, fol. 10 r°.
  5. Manuscrit 10306-307 de la Bibliothèque royale de Bruxelles, folio 14 v°.
  6. Nicole Grévy-Pons et Ezio Ornato, art. cit..
  7. Charles Samaran, « La Chronique latine inédite de Jean Chartier (1422-1450) et les derniers livres du Religieux de Saint-Denis », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 87, 1926, p. 142-163.
  8. « Septuagenarius eram cum scriptis hoc commendabam » (éd. Bellaguet, t. VI, p. 367).
  9. « Michi causam ecclesie nostre in hoc regno promoventi » (t. I, p. 134).
  10. Cf. en 1396, à propos d'une lettre de l'Université d'Oxford présentée au roi Charles VI : « Ad manus meas pervenit prefata epistola ».
  11. « [...] dignum est ut, sicut domine Johanne, Jerusalem et Sicilie regine ac comitisse Provincie, [...] regnandi scripsi principium, sic et terminum attingam ».
  12. Chroniques relatives à l'histoire de la Belgique sous la domination des ducs de Bourgogne, textes latins publiés par Joseph Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, chez F. Hayez, 1870, t. I, Introduction, p. XIII, note 1.
  13. Voir Henri-François Delaborde, art. cit..

Liens externes


  • Portail du royaume de France
  • Portail du Moyen Âge tardif
  • Portail du monachisme
  • Portail de l’historiographie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.