McDonnell Douglas DC-X

Le DC-X, abréviation pour Delta Clipper ou Delta Clipper Experimental, était un prototype de lanceur orbital monoétage non habité, à décollage et atterrissage vertical, réutilisable, construit par McDonnell Douglas en collaboration avec l'Initiative de défense stratégique du Département de la Défense des États-Unis de 1991 à 1993. Après cette période, il a été donné à la NASA, qui en a amélioré la conception pour une meilleure performance, créant le DC-XA. Le projet a été abandonné en 1997[1].

McDonnell Douglas DC-XA, concept de lanceur réutilisable

Historique

Selon l'écrivain Jerry Pournelle : « Le DC-X a été conçu dans mon salon et vendu au président du National Space Council Dan Quayle par le général Graham, Max Hunter et moi. » D'après Max Hunter, cependant, il s'était efforcé de convaincre Lockheed-Martin de la valeur du concept pendant plusieurs années avant de prendre sa retraite[2]. En 1985, il écrit un article intitulé The Opportunity (L'opportunité), précisant le concept d'un lanceur mono-étage construit à moindre coût à l'aide de pièces disponibles sur le marché et de techniques déjà développées[3], mais Lockheed-Martin n'est suffisamment intéressé pour financer un tel programme.

Le , Pournelle, Graham et Hunter parviennent à rencontrer le vice-président Dan Quayle. Ils vendent l'idée à l'IDS, argumentant que tout système d'armes basées dans l'espace devrait pouvoir être desservi par un engin spatial beaucoup plus fiable que la navette spatiale, offrant des coûts de lancement plus bas avec de bien meilleurs temps de rotation. Ils font valoir qu'un tel engin devrait être mono-étage, toute autre conception de lanceur requérant une reconstruction entre chaque lancement, opération longue et coûteuse, sauf si les éléments éjectés sont très simples ou jetables. L'utilisation de pièces non-réutilisables de moindre coût est certainement possible, comme en témoigne le réservoir externe de la navette spatiale américaine, mais cela implique des mesures de sécurité au moment du tir pour s'assurer que les parties ne tombent pas sur des zones habitées. Seule une conception Single-stage-to-orbit (SSTO) permet d'éviter tous ces problèmes, bien que la construction et la phase de test nécessaire pour obtenir des engins de faible poids soient plus coûteuses.

Compte tenu des incertitudes de la conception, le plan de base était de produire un véhicule d'essai « simple » en vue d'acquérir de l'expérience avec un engin rapidement réutilisable. Une fois l'expérience acquise avec le premier véhicule, un plus grand prototype serait construit pour les essais sub-orbitaux et orbitaux. Enfin un véhicule commercialement acceptable serait développé à partir de ces prototypes. Conformément à la terminologie générale de l'aéronautique, on a proposé que le petit prototype devrait être appelé le DC-X, « X » pour « expérimental ». Cela serait suivi par le DC-Y[4], « Y » se référant à des prototypes de pré-exécution des aéronefs commercialisables. Enfin, la version de production serait connue sous le nom DC-1. Le nom « Delta Clipper » a été choisi délibérément pour aboutir à l'acronyme « DC », un hommage au célèbre avion DC-3, qui rendit le prix des voyages aériens abordable.

Concept

Le Delta Clipper Advanced

Le DC-X n'a jamais été conçu pour atteindre une altitude orbitale ou une grande vitesse, mais plutôt à démontrer le concept de décollage et d'atterrissage à la verticale. Le concept de décollage et d'atterrissage à la verticale était populaire dans la science-fiction des années 1950 (Vingt-quatre heures chez les Martiens, Destination... Lune !, Objectif Lune, etc.), mais n'existait pas dans les conceptions du monde réel mais DC-X s'est servi des travaux de l'ingénieur Philip Bono (en) qui a proposé plusieurs gros lanceurs pouvant transporter des passagers d'un point à un autre de la Terre.

Il décolle verticalement comme une fusée standard, mais atterrit aussi à la verticale, pointe en haut. Cette conception utilise des propulseurs de contrôle d'attitude et des rétrofusées pour contrôler la descente, l'engin commence à redescendre le nez en avant, puis se retourne et se pose sur les montants d'atterrissage à la base. L'engin peut être ravitaillé en carburant là où il a atterri, et prendre un nouvel envol à partir de la même position - une caractéristique permettant des délais entre utilisations sans précédent.

En théorie, une rentrée « pointe en l'air » serait plus facile à réaliser. La base de l'engin ayant déjà besoin d'un certain niveau de protection pour supporter la chaleur dégagée par les propulseurs, ajouter un bouclier serait assez facile à concevoir. Plus important encore, la base de l'engin est beaucoup plus grande que la zone du nez, ce qui conduit à des pics de températures inférieurs puisque la charge de chaleur est répartie sur une zone plus vaste. Enfin, ce profil ne nécessite pas que le vaisseau spatial se retourne pour l'atterrissage.

La fonction militaire de l'engin a rendu cela impossible. Une exigence de sécurité voulue pour les engins spatiaux est la capacité à abandonner une mission, c'est-à-dire atterrir, après seulement une orbite. Une orbite basse typique prend environ 90 à 120 minutes, la Terre tournera vers l'est d'environ 20 à 30 degrés pendant cette période, soit pour un lancement à partir du sud des États-Unis, d'environ 1 500 miles (2 400 km). Si l'engin est lancé vers l'est ce n'est pas un problème, mais pour les orbites polaires requise pour les satellites militaires, lorsque l'orbite est complétée, l'engin survole un point loin à l'ouest du site de lancement. Afin de retourner au site de lancement, l'engin doit avoir une grande maniabilité, ce qui est difficile à gérer avec une grande surface lisse. La conception du Delta Clipper utilise donc un nez de rentrée à faces planes sur le fuselage et de grands volets (« flaps ») pour contrôler sa trajectoire et sa descente. L'expérience d'une telle rentrée, élément majeur du projet, n'a jamais été tentée.

Un autre objectif du projet DC-X était de minimiser l'entretien et le soutien au sol. À cette fin, l'opération était fortement automatisée et ne nécessitait que trois personnes au centre de contrôle (deux pour les opérations de vol et l'autre pour le soutien au sol). D'une certaine manière le projet DC-X a moins porté sur la recherche technologique que sur les opérations.

Essais[1]

Premier vol
Premier atterrissage

La construction du DC-X commence en 1991 à l'usine de montage McDonnell Douglas d'Huntington Beach. Le bouclier de protection est construit par Scaled Composites, mais la majorité de l'engin spatial est construit à partir de pièces déjà testées (dans d'autres programmes), y compris les moteurs et les systèmes de contrôle de vol.

Le DC-X effectue son premier vol, qui dure 59 secondes, le . Il effectue deux autres vols, le 11 et le , lorsque le financement est stoppé, effet secondaire de la liquidation du programme Initiative de défense stratégique. L'astronaute Pete Conrad est au centre de contrôles au sol pour certains vols[5].

Un financement supplémentaire est cependant accordé et le programme d'essais redémarre le avec un vol de 136 secondes. Le vol suivant, le , connaît une explosion (mineure), mais l'engin exécute avec succès un arrêt de mission et un atterrissage automatique. Les tests redémarrent après la réparation des dommages et trois autres vols sont effectués : le , le , et le . Lors du dernier vol, un atterrissage brutal endommage le bouclier de l'engin, le financement pour le programme est coupé et il n'y a pas de fonds pour effectuer les réparations nécessaires.

À ce stade, la NASA accepte de reprendre le programme. Au concept original du démonstrateur DC-X, la NASA applique une série de mises à jour majeures pour tester de nouvelles technologies. En particulier, le réservoir d'oxygène est remplacé par une citerne légère Al-Li russe (soudée par friction-malaxage), et le réservoir de carburant est remplacé par une nouvelle conception en matériaux composites. Selon Bob Hartunian (ancien spécialiste de cryo-citernes McDonnell Douglas et Boeing), le réservoir de fabrication russe était de qualité médiocre, avait « des défauts de soudure de 16 pouces (41 cm) de long, et il y avait d'autres questions qui, selon les normes américaines, pourraient l'empêcher de voler»[6]. Le système de contrôle est également amélioré. Le véhicule est appelé le DC-XA, rebaptisé Clipper Advanced/Clipper Graham, et les vols reprennent en 1996.

Lors du premier vol du , un incendie mineur se déclare lorsque l'atterrissage, volontairement lent, entraîne une surchauffe du bouclier. Les dommages sont rapidement réparés et le véhicule peut voler encore deux fois, les 7 et , à un intervalle de 26 heures. Lors du second de ces vols, le , le véhicule vole à 3 140 mètres et pendant 142 secondes, les meilleures performances jamais réalisées par l'engin. Le vol suivant, le , s'avérera être son dernier. À l'atterrissage, un pied ne s'est pas déployé à cause d'une ligne hydraulique déconnectée, le DC-XA tombe et un des réservoirs d'oxygène liquide se fissure, entraînant une fuite qui alimentera un incendie qui a gravement brûlé le DC-XA, causant des dommages tels que les réparations étaient inapplicables[1].

Dans un rapport après l'accident, la Brand Commission de la NASA pointera la responsabilité de l'accident sur une équipe qui rencontrait de gros problèmes de financement. Nombre d'entre d'entre eux venaient du programme SDIO et se montraient très critiques du manque d'enthousiasme de la NASA pour le programme. La NASA avait pris le projet à contrecœur. Issu de l'Initiative de défense stratégique, un programme militaire, celui-ci était devenu le sujet de manœuvres et d'affrontements « politiques » au sein de la NASA, à cause notamment de sa concurrence avec leur projet « maison » X-33 / VentureStar. Pete Conrad fixe alors le prix d'un nouveau DC-X à 50 millions de dollars, mais la NASA décide alors de ne pas reconstruire l'engin à la lumière des contraintes budgétaires[1].

La NASA axera plutôt son travail sur le développement du VentureStar de Lockheed Martin qui, selon elle, répond à certaines critiques du DC-X ; de nombreux ingénieurs de la NASA préféraient notamment le principe de l'atterrissage horizontal du VentureStar à l'atterrissage vertical du DC-X.

  • Hauteur : 12 mètres
  • Diamètre : 4,1 m
  • Masse à sec : 9 100 kg
  • GLOW : 18 900 kg
  • Propergols : oxygène et hydrogène liquides
  • Moteurs : quatre moteurs-fusée RL-10A-5
  • Poussée des moteurs : 6 100 kgf
  • Contrôles de réaction: quatre propulseurs à oxygène et hydrogène gazeux de 2 000 N de poussée

L'avenir du DC-X

Plusieurs ingénieurs ayant travaillé sur le DC-X ont depuis été embauché par Blue Origin. Leur véhicule New Shepard, un programme de vol suborbital basé sur le design DC-X, ne nécessite pas les performances du DC-X et utilise un principe de rentrée « debout ». En outre, le DC-X est une source d'inspiration pour de nombreux éléments des engins spatiaux d'Armadillo Aerospace, de Masten Space Systems, et de TGV Rockets.

Le retour de la conception du DC-X au portefeuille de recherche active de la NASA a été considéré depuis un certain temps maintenant. Certains ingénieurs de la NASA estiment que le DC-X pourrait constituer une solution pour l'atterrissage d'un équipage sur Mars. Si un vaisseau spatial de type DC fonctionnant en gravité terrestre, même avec seulement une capacité limitée à un équipage de 4 à 6 personnes, pouvait être mis au point, les variantes de celui-ci pourraient se révéler viables pour des missions sur Mars ou sur la Lune. Le programme d'une telle variante devrait être inversé : du décollage/atterrissage à un atterrissage d'abord, puis décollage.

Quelques modifications de conception proposées comprennent l'utilisation d'une combinaison oxydant/combustibles qui ne nécessite pas le soutien au sol relativement important requis pour les ergols classiques (hydrogène liquide et oxygène liquide), et ajouter un cinquième pied pour une meilleure stabilité pendant et après l'atterrissage. Récemment, le programme Centennial Challenges de la NASA a annoncé un Northrop Grumman Lunar Lander Challenge suborbital, prix pour la première équipe à construire une fusée à décollage et atterrissage vertical (Vertical Takeoff, Vertical Landing ou VTVL) qui ait la même delta-v qu'un véhicule capable d'atterrir sur la lune et l'exploiter dans des conditions de concurrence.

Notes et références

  1. (en) The Delta Clipper Experimental: Flight Testing Archive - NASA, 6 janvier 1998
  2. Statement by Max Hunter, White Sands, May 16, 1995 in conversation with Dave Klingler
  3. The Rise and Fall of the SDIO's SSTO Program, From the X-Rocket to the Delta Clipper", Andrew J. Butrica, NASA
  4. http://www.astronautix.com/lvs/dcy.htm
  5. Klerkx, Greg: Lost in Space: The Fall of NASA and the Dream of a New Space Age, page 104. Secker & Warburg, 2004
  6. http://www.silverengineers.com/uploads/HPCJUL06.pdf

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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