Mausolée de Lanuéjols

Le mausolée de Lanuéjols est situé sur la commune de Lanuéjols, dans le département français de la Lozère.

Il est construit sur le modèle d'un mausolée-temple dans la seconde moitié du IIe siècle par une riche famille à la mémoire de ses deux fils ; il est aussi appelé mausolée des Pomponii, du nom de cette riche famille et, en occitan « Lou Mazelet ». Si ce monument est le plus connu de Lanuéjols, il fait partie d'un complexe funéraire qui comprend également un autel où se déroulaient probablement des cérémonies ainsi qu'un troisième bâtiment non visible mais sans doute encore plus grand que le mausolée des Pomponii et qui pourrait être le tombeau de leurs parents.

Sa localisation particulière a entraîné à plusieurs reprises, par le passé, son ensevelissement partiel par les éboulis des reliefs avoisinants, obligeant à chaque fois à le dégager. Ce mausolée, qui fait partie de la liste des monuments historiques protégés en 1840, a été l'objet de plusieurs campagnes de fouilles aux XIXe et XXe siècles.

Contexte géographique et historique

La civitas des Gabales (en rouge) et son réseau routier antique.

Aujourd'hui commune de la banlieue sud-est de Mende, Lanuéjols semble être dans l'Antiquité une agglomération secondaire de petite taille[1] dans la civitas des Gabales[2]. Lanuéjols est peut-être traversée par une voie antique allant de Javols en passant par le site de Mende jusqu'à Bagnols-les-Bains, un secteur riche en mines de plomb argentifère qui sont exploitées dès cette époque[3]. Outre l'ensemble funéraire et son mausolée, les vestiges antiques de Lanuéjols sont une nécropole utilisée depuis le Haut-Empire romain jusqu'au Haut Moyen Âge, plusieurs vestiges de bâtiments non identifiés et un mobilier important (éléments architecturaux dont certains en remploi dans des bâtiments plus récents, monnaies, tessons de céramique) éparpillé sur plusieurs sites[4].

Le site antique du Pré de Clastres, au bord du ruisseau de la Gravière, occupe le fond de la vallée du Valdonnez entre le causse de Mende au nord et le mont Lozère au sud-est[5]. La présence du cône de déjection du ruisseau et la situation du site funéraire, en contrebas, expliquent l'envahissement périodique du mausolée par les sédiments[6],[7].

Le grand mausolée de Lanuéjols est parfois dénommé localement, en langue occitane, « Lou Mazelet »[8].

Études, fouilles et restauration

Lanuéjols et son « tombeau romain » sur la carte de Cassini.

Le mausolée principal de Lanuéjols est cité dans un acte notarié de 1254 qui s'accompagne d'une description très sommaire du bâtiment[9] dont la construction est attribuée aux Sarrasins[10]. Au XVIIIe siècle il est reconnu comme un tombeau romain supposé être celui de Lucius Munatius Plancus et c'est sous cette appellation qu'il figure, vers 1750, sur la carte de Cassini[11]. Une première transcription de l'inscription gravée sur le linteau de la porte est faite en 1784 ; elle démontre le caractère funéraire du monument mais infirme son attribution à Plancus[9].

Alignement de blocs issus des monuments du complexe funéraire.

En 1805, face au risque de démantèlement du mausolée par le propriétaire du terrain, l'État achète la parcelle et l'édifice. L'ensemble funéraire est dégagé en 1813 des éboulis de pente épais de m qui le recouvrent[12] et en 1840, le monument dit « le tombeau romain » figure sur la liste des monuments historiques classés[13]. Laissé en l'état, le mausolée est à nouveau enseveli sous les colluvions jusqu'en 1855 où des fouilles ont lieu. Un plan de 1860 fait état d'un autre édifice, rapidement ré-enseveli. En 1881, les fondations d'un troisième monument sont mises au jour à quelques dizaines de mètres au sud-ouest du mausolée principal[14].

De nouveaux travaux de dégagement doivent, une fois de plus, être entrepris avant et après la Première Guerre mondiale. Dans les années 1970 et 1980, des fouilles démontrent l'absence de crypte funéraire dans les deux monuments accessibles et permettent d'affiner la chronologie de construction du site[9]. À partir de 1992, le projet de mise en valeur touristique du site entraîne de nouvelles études d'archéologie préventive ; entre autres, un recensement exhaustif des blocs de pierre épars sur le site démontre l'existence du monument entrevu au milieu du XIXe siècle et permet de le localiser[15]. En 1999 et 2000, l'escalier conduisant au pronaos est reconstitué[16]. Les linteaux, dont celui qui porte l'épitaphe, sont étayés en 2013[17].

Le complexe funéraire

Description

Mausolée d'Ummidia Quadratilla.

Construit en grand appareil de pierre calcaire jurassique certainement extraite localement[18], ce mausolée est typique du modèle architectural du « mausolée-temple » qui se répand dans les provinces de l'Empire romain, à l'exception de la Gaule, dès la fin du Ier siècle[19]. Sa morphologie rappelle celle des temples de tradition latine, avec cella et pronaos. Le mausolée d'Ummidia Quadratilla de construction plus ancienne, sur le site archéologique italien de Cassino, peut lui être comparé, tout au moins pour le plan cruciforme de la cella[20].

La cella
Plan schématique du mausolée principal.

La cella est construite sur un plan presque carré (5,40 × 5,20 m de dimensions intérieures) mais elle est pourvue au nord, à l'est et au sud de trois niches profondes de 1,30 m qui font saillie vers l'extérieur[21]. Les niches, exérieurement, sont terminées par un fronton triangulaire supportant une toiture à deux pans ; la niche septentrionale, en outre, est voûtée intérieurement en un berceau donc l'archivolte est décorée[15]. La hauteur de la cella est connue jusqu'à la base de sa toiture : les corniches de la chambre centrale s'élèvent à 4,50 m au-dessus du podium, celles des niches sont situés à une hauteur d'environ 2,20 m[22]. Des pilastres corniers d'ordre toscan ornent chaque angle de la cella et de ses niches[15]. Ses murs, épais d'environ 0,60 m[18], sont constitués de grands blocs assemblés à joints vifs solidarisés par des crampons métalliques[23]. Certains de ces blocs sont taillés en équerre pour prendre place dans les angles du monument[24].

Le sol de la cella est pavé de grandes dalles[21], mais celles-ci ne recouvrent pas une crypte ayant pu accueillir les tombeaux. Il faut donc envisager que les corps des défunts étaient conservés dans des sarcophages ou des urnes s'ils ont été incinérés, peut-être disposés dans les niches latérales, suffisamment vastes pour les accueillir, de la cella ou chambre mortuaire. La niche axiale, de dimensions plus réduites, pouvait receler des statues à l'effigie des Pomponii[19].

La porte, large de 2,08 m et haute de 2,55 m, est surmontée, au-dessus de son linteau, par un tympan en demi-cercle ; ce dernier comporte une feuillure destiné à recevoir un châssis peut-être vitré et qui assure l'éclairage de la cella[19].

Le pronaos et le podium

La façade du pronaos est ornée de quatre colonnes corinthiennes ; deux autres colonnes sont disposées sur les retours vers la cella, une de chaque côté. les colonnes de la façade supportent, à l'origine, une entablement composé d'une architrave, d'une frise et d'une corniche décorée de modillons. Un tympan surmonte l'ensemble[15].

Le monument est construit sur un podium précédé d'un escalier de huit marches, bordé par deux murs d'échiffre. Un caniveau de drainage creusé dans l'épaisseur des dalles qui le composent entoure le podium, l'évacuation se faisant du côté de la façade[15]. L'escalier est restauré en 1999[16].

Le linteau gravé

Le linteau de la porte d'entrée de la cella mesure 2,20 × 0,60 × 0,60 m. Porté latéralement par des génies ailés, il est gravé, côté extérieur, de l'inscription en forme d'épitaphe :

« HONOR[I] ET MEMOR[I]AE LVCI(I) POMPON(II) BASSVL(I) ET L(VCII) POMP(ONII) / BALBIN(I) FILIORVM PI(I)SS[I]MORVM LVCIVS IVL[I]VS BASSIANVS PATER / ET POMPONIA REGOLA MATER AEDEM A FVNDAMENTO VS- / QUE CONSVMMAT[I]ONEM EXSTRVXERVNT ET DEDICAVERVNT / CVM AEDIFICIIS CIRCVMIACENTIBVS[25]. »
« En l'honneur et à la mémoire de Lucius Pomponius Bassulus et de Lucius Pomponius Balbinus, fils très respectueux, Lucius Iulius Bassianus leur père, et Pomponia Regola, leur mère, ont construit ce monument, ainsi que les édifices avoisinants, depuis la fondation jusqu'à son achèvement et l'ont dédié [à leurs enfants].[26] »

Cette épitaphe donne au monument son surnom de mausolée des Pomponii.


Datation

Émile Espérandieu, en 1908, fait remonter ce monument au Ier siècle apr. J.-C.[27] En 1941, Fernand Benoit se base sur des comparaisons entre le mausolée de Lanuéjols et d'autres monuments du même style pour déterminer que le mausolée est « d'une époque postérieure à Dioclétien » et en tout cas « plus près des édifices syriens des IVe et Ve siècle que ceux de l'Empire »[28]. Les notices de la base Mérimée proposent une construction au IIe siècle[16] ou au IIIe siècle[29]. Les fouilles réalisées dans les années 1990 livrent du mobilier attestant en définitive d'une construction dans la seconde moitié du IIe siècle, voire dans le troisième tiers de ce même siècle[26]. L'ensemble du site funéraire semble cesser d'être fréquenté vers la fin du IIIe ou le début du IVe siècle[14].

L'autel cérémonial

Une structure arasée au niveau de la première assise de son élévation est découverte en 1881 à 35 m au sud-ouest du monument principal, dégagée dans les années 1970 et fouillée jusque dans les années 1990. Mesurant 10,50 × 8 m, elle est construite en grand appareil de calcaire. Elle se compose vraisemblablement d'un portique à colonnes en façade, précédé par une cour. De nombreux blocs épars sur le site peuvent lui être attribués mais il est certain que les fouilles ont révélé l'intégralité de son emprise au sol. L'hypothèse d'un autel servant à la célébration des cérémonies en l'honneur des défunts est posée[14].

Le second tombeau

« Bloc aux guirlandes » provenant d'un possible second tombeau.

Au sud du supposé autel, un autre monument est dégagé en 1856 sans qu'aucune description précise n'en soit faite et il presque aussitôt ré-enseveli par les alluvions. Sa localisation est attestée par les fouilles des années 1990. Deux blocs, faussement attribués à l'autel et présentant un décor à base de guirlandes ainsi qu'un troisième retrouvé sur place sont les seuls qui peuvent lui appartenir. La taille de ces blocs, qui ne concorde pas avec celle des blocs des autres éléments du site, suggère qu'il était encore plus imposant que le mausolée principal. Il pourrait s'agir du tombeau des parents, Lucius Julius Bassianus et Pomponia Regola[14].

Les commanditaires du mausolée : un famille riche

Lucius Iulius Bassianus est certainement citoyen romain puis qu'il adopte le nom à trois composantes. Habitant dans les environs, c'est sans doute un riche propriétaire foncier  sa villa n'est pas localisée  qui a les moyens de faire élever ce mausolée monumental à la mémoire de ses deux fils. Il est possible qu'une partie de sa fortune provienne des mines de plomb argentifère proches de Lanuéjols[30].

Le style du mausolée, parfois rapproché des monuments funéraires de la Syrie romaine, et le nom de « Bassianus » que portait également l'empereur Héliogabale ont pu conduire à attribuer une origine syrienne à la famille de Lanuéjols[29], ce que rien de tangible ne permet d'attester[31].

Notes et références

  1. Trintignac 2012, p. 76.
  2. Florian Baret, Les agglomérations « secondaires » dans le Massif Central (cités des arvernes, vellaves, gabales, rutènes, cadurques et lémovices) : Ier siècle av. J.-C. - Ve siècle apr. J.-C. : thèse pour obtenir le grade de docteur d'université en archéologie, vol. 1, Clermont Université, , 498 p. (lire en ligne), p. 115 et 272.
  3. Trintignac 2012, p. 294.
  4. Fabrié 1989, p. 89.
  5. Joulia 1975, p. 275.
  6. « Définition de l'aléa inondations sur la commune de Lanuéjols (48) » [PDF], sur lozere.gouv.fr (consulté le ), p. 10.
  7. Benoit 1941, p. 119.
  8. Adrien Blanchet, « Monuments de la Lozère », Bulletin Monumental, t. LXVI, , p. 260 (lire en ligne).
  9. Trintignac 2012, p. 296.
  10. François Germer-Durand, « Note sur le monument de Lanuéjols », Bulletin de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts du département de la Lozère, t. XXXII, , p. 177 (lire en ligne).
  11. Jean-Baptiste L'Ouvreleul, Mémoire historique sur le pays de Gévaudan et la ville de Mende, Mende, 1724-1726, 77 p., p. 129.
  12. Balmelle 1937, p. 25.
  13. Notice no PA00103833 et Notice no IA48000382, sur la base Mérimée, ministère de la Culture.
  14. Trintignac 2012, p. 300.
  15. Trintignac 2012, p. 297.
  16. Notice no IA48000382, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  17. « Les cahiers du pétrimoine lozérien. no 10, septembre 2013 » [PDF], sur lozere.gouv.fr (consulté le ), p. 44.
  18. Balmelle 1937, p. 27.
  19. Trintignac 2012, p. 298.
  20. Joulia 1974, p. 278.
  21. Benoit 1941, p. 120.
  22. Joulia 1975, p. 281.
  23. Benoit 1941, p. 122.
  24. Benoit 1941, p. 123.
  25. CIL XIII, 1567.
  26. Trintignac 2012, p. 299.
  27. Émile Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine, t. II : Aquitaine, Paris, Imprimerie nationale, , 478 p. (lire en ligne), p. 472.
  28. Benoit 1941, p. 125 et 130.
  29. Notice no PA00103833, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  30. Trintignac 2012, p. 301.
  31. Renaud Camus, Le département de la Lozère, Pol éditeur, , 276 p. (ISBN 978-2-8468-2977-9, lire en ligne), p. 57.

Voir aussi

Bibliographie

  • Fernand Benoit, « Un monument « préchrétien » du Bas-Empire : le mausolée de Lanuéjols (Lozère) », Bulletin Monumental, t. C, nos 1-2, , p. 119-132 (DOI 10.3406/bulmo.1941.8555). 
  • Frédérique Blaizot (dir.), Pratiques et espaces funéraires dans le centre et le sud-est de la Gaule durant l'antiquité : Gallia, t. LXVI - fasc. 1, CNRS, (lire en ligne).
  • Dominique Fabrié, Carte archéologique de la Gaule - La Lozère. 48, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, , 144 p. (ISBN 2-8775-4007-3), p. 71-72. 
  • Jean-Jacques Hatt, La tombe gallo-romaine, Picard, , 419 p..
  • Jean-Claude Joulia, « Ensemble monumental de Lanuéjols (Lozère) », Revue archéologique de Narbonnaise, t. VIII, , p. 275-294 (DOI 10.3406/ran.1975.982). 
  • (de) Wolfgang Spickermann (de), Religion in den germanischen Provinzen Roms, Tübingen, Mohr Siebeck, , 447 p. (ISBN 978-3-16-147613-6, présentation en ligne)
  • Jean-Charles Moretti et Dominique Tardy, « Inventaire des monuments funéraires de la France gallo-romaine », dans Christian Landes (dir)., La mort des notables en Gaule romaine, Musée archéologique Henri-Prades, , 256 p. (ISBN 9782951667907), p. 27-102.
  • Alain Trintignac (dir.), Carte archéologique de la Gaule - La Lozère. 48, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, Maison des Sciences de l'Homme, , 533 p. (ISBN 978-2-8775-4277-7), p. 413-416. 

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