Médaille de Sainte-Hélène

La médaille de Sainte-Hélène a été instituée par décret de Napoléon III, le , sous le Second Empire. Elle est dédiée aux « compagnons de gloire » de Napoléon 1er dans les « campagnes de 1792 à 1815 », afin de satisfaire en partie les dernières volontés de Napoléon Bonaparte telles que rédigées dans son testament à Sainte Hélène. Elle est considérée comme la première « médaille commémorative » française[1].

Médaille de Sainte-Hélène
Médaille de Sainte-Hélène.
Conditions
Décerné par France
Type Médaille
Décerné pour Tous les combattants français et étrangers sous les drapeaux français de 1792 à 1815 vivants au jour de sa création.
Éligibilité Militaires
Statistiques
Création
Total Entre 350 000 et 405 000
Ordre de préséance

Ruban de la médaille de Sainte-Hélène.

Genèse

Avant cette date, la France ne possédait pas de médaille remise à tous les participants d'une campagne donnée. Pendant la guerre de Crimée, les médailles commémoratives britanniques pour la campagne de Crimée et l'expédition en mer Baltique furent attribuées aux militaires français, avec l'autorisation de l'empereur Napoléon III. Depuis lors, les différents régimes politiques de la France ont créé de nombreuses médailles commémoratives à l'occasion des expéditions militaires et des guerres de la fin du XIXe et du XXe siècle.

Création

En , lors de son exil à Sainte-Hélène, Napoléon dicte un testament comportant trois parties. La troisième est un acte de reconnaissance à l'égard de ceux qui, de 1792 à 1815, ont combattu « pour la gloire et l'indépendance de la France ». Dans ce but, il lègue la moitié de son patrimoine privé, qu'il estime alors à près de 204 millions, montant qu'il considère avoir économisé sur sa liste civile  28 millions par an, à des villes et à tous les soldats de la Grande Armée, ce que le gouvernement royal refuse, d'où les multiples procès intentés par ces légataires[2].

Pour mettre en œuvre la disposition du testament impérial alors que la clause testamentaire ne pouvait être respectée (les 204 millions ayant été reversés au Trésor public), Louis-Napoléon Bonaparte « voulant honorer par une disposition spéciale les militaires qui ont combattu sous les drapeaux de la France dans les grandes guerres de 1792 à 1815 »[3], accorde une médaille commémorative et une petite pension attribuées à tous les anciens compagnons d'armes de l'Empereur, soit près de 405 000 survivants[4]. Il appelle cette nouvelle décoration « Médaille de Sainte-Hélène »[5].

Cette médaille créée par décret le , est dessinée et réalisée par le sculpteur Désiré-Albert Barre.

À l'avers se trouve le profil de l'empereur Napoléon Ier, et au revers ce texte : « Campagnes de 1792 à 1815. À ses compagnons de gloire, sa dernière pensée, Ste Hélène 5 mai 1821 ».

Elle était présentée dans une boîte de carton au couvercle recouvert d'un papier blanc glacé portant en relief l'Aigle impérial et l'inscription « Aux compagnons de gloire de Napoléon 1er - Décret du 12 août 1857 ».

Cette médaille de bronze est portée à la boutonnière, suspendue à un ruban vert et rouge framboise à raies très étroites. En raison de la patine du bronze, elle est surnommée « la médaille en chocolat[6] ».

L'Association des médaillés de Sainte-Hélène est fondée en décembre 1859 par le préfet Sencier. Tous les membres payent une modeste cotisation annuelle[7].

Récipiendaires

On estime qu’environ quatre cent cinq mille soldats[8] de la Grande Armée de Napoléon (Français, Allemands, Belges, Polonais, Danois, Irlandais, etc.) en bénéficièrent. Les chiffres sont approximatifs du fait de la disparition des archives dans l'incendie du palais de la Légion d'honneur durant la Commune. Seuls les documents contenus dans chaque dépôt d'archives départementales françaises sont conservés, quand ceux-ci n'ont pas été eux-mêmes détruits, généralement dans les séries M, concernant les distinctions honorifiques, ou R concernant les archives militaires. Des bénévoles transcrivent les informations qui sont mises en ligne dans la base de données. Les données recueillies sont très variables d'un département et d'un individu à un autre : elles peuvent porter sur les campagnes militaires, les blessures, la situation familiale, etc. Les données sur les médaillés originaires de Belgique, du Luxembourg et du Danemark sont également recueillies. Ce projet bénévole, débuté en 1999, est toujours en cours. Ainsi en , le dépouillement est terminé dans environ la moitié des départements français, il est terminé pour la Belgique, le Luxembourg ; il est en cours pour le Danemark et une trentaine de départements français. La base de données comporte 207 385 médaillés[9].

La médaille n'a pas été décernée à titre posthume et son attribution reposait sur des critères stricts, tout en concernant de nombreuses personnes. On devait avoir servi aux armées de terre ou de mer françaises entre 1792 et 1815, sans aucune durée de service requise, ni aucune participation à une campagne. Il fallait obligatoirement pouvoir justifier de son service durant cette période à l’aide de tout document émanant des autorités militaires. Si l’ancien militaire possédait encore son livret militaire, son congé définitif ou de réforme, son mémoire de proposition à la retraite, il y avait droit. Ceux qui avaient perdu tous ces documents ne pouvaient pas y prétendre.

La première distribution eut lieu le . Ce jour-là, à treize heures, l'empereur Napoléon III remit lui-même la Médaille à Jérôme Bonaparte alors âgé de 75 ans. Les maréchaux Vaillant (ministre de la Guerre), Magnan, Pelissier, Baraguey d'Hilliers, l'amiral Hamelin (ministre de la Marine) sont parmi les tout premiers médaillés. Ornano, Gouverneur des Invalides, ainsi que bon nombre de généraux de division et de brigade, d'amiraux, de vice-amiraux et de contre-amiraux la reçurent aussi. Le capitaine Jean Plumancy fut également l'un d'entre eux.

Les quatre Grands Chanceliers de la Légion d'honneur en exercice pendant la période d'attribution de la médaille de Sainte-Hélène furent :

La commission chargée de la répartition des legs décida de choisir parmi eux 5 000 des plus méritants, qui recevraient chacun 400 francs en plus de la médaille. Parmi ceux-ci, cent quarante-quatre Belges purent se dire héritiers de l'Empereur. Les autres ne reçurent que la médaille et le diplôme l’accompagnant.

Ci-après, galerie de photographies de récipiendaires de la médaille de Saint-Hélène, prises entre 1857 et 1858.

La médaille de Sainte-Hélène et la Belgique

175 000 Belges servirent dans les armées de la République et de l'Empire.

Recensement des récipiendaires

La décoration pouvait aussi être attribuée à l'étranger, où s'étaient formées bon nombre de sociétés de frères d'armes. Des bijoux furent envoyés en Hollande, en Pologne, en Allemagne, en Italie. Les anciens militaires de la République et de l'Empire susceptibles de recevoir la médaille devaient s'adresser au bourgmestre de leur commune et remettre les pièces à l'appui de leur demande. Ainsi par exemple, à Mons (Belgique), les bourgmestres et échevins avisent la population qu'il résulte du décret impérial du qu'une médaille commémorative est donnée à tous les militaires des armées de terre et de mer qui ont combattu sous les drapeaux français de 1792 à 1815.

Les édiles préviennent en conséquence ceux des habitants de la ville que la chose intéresse qu'ils doivent remettre au bureau militaire de l'administration communale les demandes qu'ils seraient disposés à adresser au gouvernement français à l'effet d'obtenir la médaille dont il s'agit. Chaque demande devra être accompagnée d'une copie certifiée des états de service des pétitionnaires (Mons, le ).

Une liste nominative des ayants droit est adressée à l'autorité supérieure par chaque commune. La Légation de France à Bruxelles se charge de réclamer les brevets et les médailles au nom des bénéficiaires. En outre, l'Office des Correspondances fait paraître l'avis suivant dans plusieurs journaux :

« L'Office des Correspondances, qui compte à Bruxelles plus de dix années d'exercice, vient de fonder à Paris un bureau spécial pour hâter à la vérification des titres à l'obtention de la médaille créée par l'Empereur en faveur des militaires qui ont servi de 1792 à 1815 inclusivement, sous les drapeaux français. L'administration de l'Office, s'empresse d'informer les ayants droit qu'elle se charge, au prix le plus modéré, de la recherche et de la copie des états de service, de la rédaction des pétitions et des mémoires, ainsi que des démarches auprès des autorités compétentes et de tous renseignements nécessaires tant en Belgique qu'en France. L'Office, essentiellement belge, se rendra gratuitement utile aux anciens militaires dont l'indigence sera constatée. S'adresser en personne ou par lettre affranchie, 7 rue des Éperonniers à Bruxelles.[réf. nécessaire] »

Effectifs en Belgique

Environ quinze mille Belges reçurent cette autorisation. Des listes de médaillés (environ 14 162 noms, selon le général Couvreur) ont paru dans le Moniteur belge des , , et et du (annexes A, B). Les décorations furent envoyées aux administrations communales qui les distribuèrent avec plus ou moins de faste. Des cérémonies solennelles eurent lieu dans de nombreuses communes du pays.

Des femmes (qui avaient été employées dans les armées du premier Empire) ayant également réclamé la médaille, Napoléon III ordonna de faire suite à leurs demandes, pour autant qu'elles puissent présenter des titres en règle. La Fourragère, no 7, 12e série, en cite quelques-unes : Marie Somers, 70 ans, de Cruybeke, avait fait la guerre d'Espagne dans le 9e hussards, où elle avait servi pendant dix ans ; Philippine Charlotiaux, veuve Bailly, 70 ans, de Namur, fut faite prisonnière étant vivandière à la 22e batterie du 9e d'artillerie (campagne de Russie 1812) ; également, Sophie Timmermans et Anne-Thérèse Burniaux.

Simon Charles Isidore, baron de Cerf, reçut la médaille de Sainte-Hélène pour sa dévotion à l'empereur Napoléon Ier, en plus de la Légion d'honneur qui récompensa ses nombreux services à l'Empire.

Le plus jeune décoré belge fut probablement Auguste-Joseph Dereume, né à Maestricht le et admis comme enfant de troupe au 20e dragons le .

Le dernier médaillé belge est sans doute François-Ange-Joseph Thiery, né à Tournai le  ; officier de santé dans la Grande Armée, prisonnier de guerre des Russes en 1814, licencié en , il mourut à Halen le .

Source historiques

On trouve énormément de détails sur le parcours militaire des volontaires belges de la Grande Armée (pays traversés, blessures reçues au combat…), sur leur physique (taille, couleur des yeux…), leur condition de vie en 1857 (secours, indigence…), leur santé, leur situation familiale, leurs sentiments par rapport aux événements auxquels ils ont participé. Le musée royal de l'armée à Bruxelles possède quelques dossiers de médaillés belges.

Exemples de correspondances

« À l'Empereur des Français à Paris.

Bruges, le 26 7bre 1857. Sire! J'ai l'honneur de vous adressée la conger ci-après et de vous priée de bien me donnée les médailles de Ste Hélène pour les services rendus à la Belgique et à la France. Recevez, Sire!, les pression de mes civilités a le empressement en bien cordial ami.

P. J. Simon
Rue des pierres, 27

À Bruges. »

Lettre adressée au Ministre des Affaires Étrangères par le président de la Société des Anciens Frères d'Armes de Saint-Nicolas
« À Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères à Bruxelles.
Monsieur le Ministre,
En ma qualité de Président des anciens frères d'armes de l'Empire français, j'ai l'honneur de vous adresser ci-joint la liste dûment certifiée par Monsieur le Bourgmestre de cette ville désignant les noms des militaires qui ont obtenu la Médaille de Sainte-Hélène décernée par Napoléon III.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, au nom de mes compagnons d'armes, de vouloir provoquer l'autorisation nécessaire pour qu'ils puissent porter cette marque de distinction. Agréez, Monsieur le Ministre, l'assurance de mon respect.
Le Président,
Hébert . »

Les Belges, en application de la loi du , devaient en effet obtenir l'autorisation (ce règlement est toujours d’application aujourd’hui) de porter cette décoration étrangère en Belgique. Les bourgmestres durent, par l'entremise des gouverneurs de provinces, faire parvenir les listes des médaillés belges de moralité notoire. Si leur demande était acceptée, les décorés recevaient en plus du brevet français, une autorisation ainsi libellée :

« Léopold, Roi des Belges.

À tous, présents et à venir, salut.

Vu la requête du sieur ……… demandant à être autorisé à porter la Médaille de Sainte-Hélène qui lui a été décernée par Sa Majesté l'Empereur des Français.

Vu l'article 9 de la loi du .

Sur le rapport de notre Ministre des Affaires Étrangères, Nous avons arrêté et arrêtons :

Art. 1 : le sieur … est autorisé à porter la susdite médaille sans pouvoir la détacher du ruban. Art. 2 : notre Ministre des Affaires Étrangères est chargé de l'exécution du présent arrêté. »

Galerie

Notes et références

  1. Décret du 12 août 1857 publié au Moniteur Impérial du 13 août 1857
  2. Jean Lemaire, Le Testament de Napoléon. Un étonnant destin, 1821-1857, Plon, , 247 p.
  3. Décret du 12 août 1857, publié au Bulletin des lois de l'Empire français 535 n°4893
  4. Bertrand Galimard Flavigny, Histoire des décorations, Place des éditeurs, , p. 162
  5. Décret du 12 août 1857, publié au Bulletin des lois de l'Empire français 535 n°4893
  6. Trésor de la langue française informatisé, « Médaille » (consulté le )
  7. Sudhir Hazareesingh, « La légende napoléonienne sous le Second Empire : les médaillés de Sainte-Hélène et la fête du 15 août », Revue historique, no 627, , p. 552
  8. « Les médaillés de Ste-Hélène - Généalogie » (consulté le )
  9. « Les médaillés de Ste-Hélène - Généalogie » (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Yves Moerman, Yann Deniau, Les grognards centenaires de Napoléon. Les derniers soldats médaillés de Sainte-Hélène, Memogrames, , 432 p.
  • Philippe Ramona, La médaille de Sainte-Hélène en Haute-Loire : in Cahiers de la Haute-Loire 2001, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire,

Articles connexes

Liens externes

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