Lois somptuaires

Les lois somptuaires (en latin : sumptuariae leges) sont des lois qui réglementent ou imposent des habitudes de consommation (alimentation, mobilier et notamment la manière de se vêtir spécifique en fonction de la catégorie sociale à laquelle un individu appartient).

Le Courtisan suivant le Dernier Édit par Abraham Bosse montre un courtisan remisant ses dentelles, rubans, broderies et manches crevées pour un habillement plus sobre et conforme à l'édit de 1633.

Elles servent principalement à rendre visible l'ordre social et, généralement, à interdire la consommation ostentatoire, l'usage de produits de luxe ou d'importation, dans une optique mercantiliste de protection des industries nationales et de protection de la balance commerciale. Cette interdiction frappe en priorité les membres du commun et vise à les empêcher d'imiter l'aristocratie.

À la fin du Moyen Âge, en particulier, elles ont pour objet de limiter la bourgeoisie urbaine qui s'enrichit alors, de faire concurrence aux nobles.

Exemples de lois somptuaires

En Grèce

L'un des premiers codes de lois de la Grèce antique, attribué au législateur Zaleucos, disposait que « nulle femme libre ne doit être accompagnée de plus d'une suivante, à moins qu'elle soit ivre, nulle femme libre ne doit arborer des bijoux d'or sur elle ni porter une robe brodée à moins qu'elle soit établie comme prostituée ; nul homme ne doit porter de bague en or ni de ces toges efféminées qui sont produites par la ville de Milet. »

À Rome

Dans la Rome antique, les sumptuariae leges (telle la Lex Oppia) limitent les dépenses excessives (sumptus) dans les banquets et les costumes, en particulier en ce qui concerne l'usage de la pourpre de Tyr. On considère alors qu'il revient au gouvernement de mettre un terme aux excès des dépenses privées et ce, dès la loi des Douze Tables de la République romaine. Un censeur romain est chargé du contrôle de l'application de ces lois morales (cura morum) et publie une liste (nota censoria) des personnes coupables d'infraction aux limites imposées par la loi en termes de dépenses et d'ostentation.

Vers la fin de la République romaine, ces lois tombent graduellement en désuétude.

Au Moyen Âge

En 1294, Philippe IV de France institue des lois somptuaires pour réprimer l'extravagance des costumes.

À la Renaissance

Entre les règnes de François Ier et d’Henri IV, on enregistre, en France, onze édits somptuaires. Ces édits et règlements tentent d'enrayer le phénomène de surenchérissement. Ils spécifient quels tissus doivent être portés, prohibent broderies, dentelles, ornements en or ou en argent. Pour illustration, un règlement indique que les bourgeois ne doivent pas avoir plus d'un laquais habillé de bure brune et non de drap teint. Le velours est interdit aux laboureurs et aux gens de basse condition. Toutefois, les lois somptuaires sont très rarement suivies par la société parisienne, car les bourgeois préfèrent payer des amendes plutôt que de se plier aux interdits.

Michel de Montaigne publie (Les Essais, I, XLIII) Des lois somptuaires, où il note :

« La façon dequoy nos loix essayent à régler les foles et vaines despences des tables et vestements, semble estre contraire à sa fin. Le vray moyen, ce seroit d’engendrer aux hommes le mespris de l’or et de la soye, comme des choses vaines et inutiles; et nous leur augmentons l’honneur et le prix, qui est une bien inepte façon pour en dégouster les hommes; car dire ainsi, qu’il n’y aura que les Princes qui mangent du turbot et qui puissent porter du velours et de la tresse d’or, et l’interdire au peuple, qu’est-ce autre chose que mettre en credit ces choses là, et faire croistre l’envie à chascun d’en user. »

En Bavière

Au XVIIIe siècle, le prince Maximilien-Joseph III de Bavière imposa des lois somptuaires interdisant ce qu'il considérait comme des excès de l'art baroque.

Au Japon de l'ère Tokugawa

Dans le but de restaurer les finances publiques, Yoshimune Tokugawa édicte des lois somptuaires : un moratoire gèle les plaintes pour impayés portés par les fournisseurs devant l’administration contre les samourais impécunieux. Ces mesures reposent sur une morale de type confucéen, qui méprise le négoce pour porter aux nues les vertus de la société et la production agricole.

Aujourd'hui

Dans une société de consommation qui valorise la dépense, les lois somptuaires ne semblent plus de mise mais n'en survivent pas moins : les produits de luxe sont plus taxés (TVA par exemple) que les produits de consommation courante. Les propriétaires de voitures de luxe (grosses cylindrées) devaient payer une vignette automobile plus élevée. Ces règles s'apparentent toutefois plus à une redistribution des richesses qu'à une codification des usages notamment vestimentaires. Les lois somptuaires survivent plus dans les codes culturels non formalisés mais sont absentes du code juridique contemporain.

Les prescriptions vestimentaires survivent dans le "code vestimentaire" (en anglais: dress code ) imposé au sein de certaines entreprises à leurs employés.

On peut aussi dire que les injonctions de la mode fonctionnent comme des lois somptuaires puisqu'elles imposent un type de vêtement à toutes et tous et qu'elles « écrasent » les catégories sociales et d'âge.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Marcel Gatineau, Le luxe et les lois somptuaires. Caen : E. Lanier, 1900.
  • Etienne Giraudias, Étude historique sur les lois somptuaires. Poitiers : Société française d'imprimerie et de librairie, 1910.
  • Pierre Kraemer-Raine, Le luxe et les lois somptuaires au moyen âge. Paris : Ernest Sagot, 1920.
  • Marthe Lériget, Des lois et impôts somptuaires. Montpellier : L'Abeille, 1919.
  • de Vertot, L'abbé. Mémoire sur l'établissement des lois somptuaires. Paris : Académie des inscriptions, 1766.
  • Montesquieu, De l'esprit des lois, livre VII, Conséquences des différents principes des trois gouvernements, par rapport aux lois somptuaires, au luxe et à la condition des femmes. (texte disponible sur wikisource).
  • Nicolas Baudeau, Principes de la science morale et politique sur le luxe et les lois somptuaires, 1767.
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