Loi sur les mesures de guerre

Au Canada, la Loi sur les mesures de guerre (« War Measures Act » en anglais) était une loi qui accordait au gouverneur en conseil des pouvoirs spéciaux lui permettant de gouverner par décret lorsqu'il percevait la menace d'une guerre, d'une invasion ou d'une insurrection, réelle ou appréhendée[1]. Elle est adoptée le par la 12e législature du Canada dans la foulée de la Première Guerre mondiale.

La loi donnait à la police des pouvoirs d’appréhender et de chercher les personnes sans justification et de retenir les citoyens durant 90 jours sans donner de raisons[2]. Elle est déclarée en vigueur lors des deux Guerres mondiales ainsi que pour gérer une crise intérieure : la crise d'Octobre[1].

Cabinet de guerre impérial. Le premier ministre canadien Robert Laird Borden est assis au premier rang, troisième à partir de la droite.

Historique

Contexte d’adoption de la loi

La Première Guerre mondiale commence officiellement le 28 juillet 1914 après qu’un jeune nationaliste serbe ait assassiné le couple héritier du trône austro-hongrois un mois plus tôt, le 28 juin. L’Autriche-Hongrie fournit alors un ultimatum à la Serbie, qui refuse, face aux demandes qu’elle considère exagérées. Aussitôt, cela marque le début d’une compétition d’alliances entre les différentes puissances mondiales. Le Canada se joindra à la guerre le 4 août 1914, date marquant l’expiration d’un ultimatum lancé par la Grande-Bretagne à l’Allemagne. La Grande-Bretagne avait alors demandé à l’Allemagne de se retirer de la Belgique. L’Empire britannique, dont fait partie le Canada, rejoint alors la Grande Guerre. Le gouvernement fédéral, dirigé par le parti conservateur de Robert Borden, adopte alors rapidement une nouvelle loi fédérale, la Loi sur les mesures de guerre, le 22 août 1914[3]. Malgré de nombreuses oppositions, le gouvernement Borden assume la nécessité de cette loi et la conserve en place jusqu'au 10 janvier 1920, soit à la date officielle où la guerre prend fin avec l'Allemagne[1].

Composantes de la loi

Cette loi procure alors des pouvoirs importants au gouvernement. Ce dernier peut alors déployer des forces, incarcéré et expulser des personnes sans preuve, censurer et intervenir dans le privé lorsqu’il y a situation de guerre, d’invasion ou d’insurrection. Le gouvernement peut déployer des forces armées sur le territoire quand elle le considère comme nécessaire.  Elle permet aussi de suspendre les libertés civiles des citoyens canadiens. Il est alors possible d’arrêter et d’incarcérer une personne sans accusations ni procès. Le gouvernement a même le pouvoir d’expulser des personnes hors du pays. Il est également permis pour le gouvernement de censurer et supprimer des éléments considérés comme néfastes. Finalement, le gouvernement peut se permettre de contrôler le transport, l’industrie, le commerce et la fabrication industrielle, même au niveau du privé[4].  

Censure

Lorsqu’elle est mise en place par le gouvernement Borden, le 22 août 1914, la Loi sur les mesures de guerre permet déjà une certaine censure. Elle offre la liberté au gouvernement de censurer toute information publiée dans la presse qui pourrait alors nuire aux intérêts militaires du Canada. Ernest J. Chambers, un lieutenant-colonel canadien, devient le responsable de la censure au sein de la presse canadienne, le 15 juillet 1915. Au départ, Chambers désire interdire tous les journaux qui critiquent la conscription. Ses supérieurs l’en empêcheront, par peur des possibles répercussions. Il s'attaque par la suite aux différentes publications de gauche. Après la révolution russe de 1917, on considère les mouvements de gauche comme une menace. C’est ainsi que les principaux journaux socialistes de langues étrangères seront censurés. Les journaux de langue yiddish, finlandaise et ukrainienne sont alors interdits[5]. Par la suite, plusieurs journaux en langue anglaise provenant principalement des États-Unis seront également bannis. La Loi, à la fin de la guerre, aura alors permis la censure de 253 publications au total[1].

Camps d’internement

Dès le début de la guerre, on remarque une hausse importante de la xénophobie. La Loi sur les mesures de guerre aura un impact important sur les étrangers en sol canadien. La première étape sera d’obliger l’enregistrement des étrangers et de leur imposer un couvre-feu. Durant la guerre, l’opinion publique se positionne de plus en plus contre les étrangers, en particulier les Allemands. On voit naître en 1916, la ligue Anti-Allemande à Toronto[6]. Des milliers d’entre eux seront internés durant la Première Guerre mondiale. Lorsqu’un civil était déclaré citoyen d’un pays ennemi, la Loi sur les mesures de guerre permettait alors son arrestation. C’est ainsi que 8579 personnes se retrouvent dans 24 centres et camps d’internements durant la guerre. Il s’agit surtout de personnes provenant de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie ou de l’Empire ottoman ayant immigré récemment. Les personnes internées se voient confisquer leur propriété et leurs biens. Il était également rare qu’ils les retrouvent à la fin du conflit. Durant leur internement, ils se devaient de travailler dans la construction, le labourage ou les industries minières et forestières[1].

Crise de la conscription

Lorsque la Première Guerre mondiale débute le 28 juillet 1914, l’idée que l’on a concernant l’implication du Canada dans ce conflit est assez divisée. Rapidement, des gens s’opposent à la politique de recrutement des soldats. C’est le cas d’Henri Bourassa, fondateur et directeur du Devoir en 1914, qui entreprend une campagne contre le gouvernement central. On a alors une crainte que l’on en arrive à la conscription au moment où plus personne ne se portera volontaire[7]. Déjà, au début de 1915, le gouvernement fédéral ainsi que des officiers militaires préviennent qu’une conscription serait peut-être souhaitable[8]. Henri Bourassa et Armand Lavergne, avocat et homme politique du Québec, réaliseront de nombreuses campagnes durant la guerre, s’opposant vivement à la conscription, au grand mécontentement du Canada anglais. Henri Bourassa était d'un nationalisme canadien-français et il était un ardent défenseur de l'indépendance du Canada face au Royaume-Uni, ce qui explique son opposition face à la participation du Canada à la Guerre des Boers et la conscription des Canadiens français à la Grande Guerre. On peut expliquer la difficulté de recruter les francophones par leur manque de sentiment d’appartenance. On tentait de convaincre les Canadiens de s'engager en utilisant le slogan de combattre pour l’empire et la civilisation. Les Québécois, en particulier ceux des régions rurales, étaient déjà habités par un certain sentiment nationaliste et n’étaient guère tentés de combattre pour « L’Empire »[8].

Après la bataille d’Ypres, en Belgique, les tensions entre le Canada anglophone et le Québec augmentent. Au Canada, on considère que la province ne fait pas sa part. Malgré tout, les campagnes persistent et le recrutement volontaire ne connaît pas de hausse. En 1916 et 1917, plusieurs manifestations et émeutes surviennent à Montréal, Shawinigan et Québec, entre des militaires, des recruteurs et les foules québécoises. En février 1917, Robert Borden, le premier ministre du Canada, se rend à Londres pour une conférence impériale. Lors de son retour, au mois de mai 1917, la conscription semble de plus en plus probable, alors que les Britanniques lui auraient demandé de fournir un plus grand effort de guerre. Le 29 mai, Borden propose un vote à la Chambre des communes concernant la conscription. Celle-ci est approuvée avec 102 voix contre 44. Des émeutes importantes auront alors lieu au Québec[8]. Entre le 28 mars 1918 et le 1er avril 1918, des émeutes d’envergure se passèrent au Québec pour la semaine de Pâques. De nombreux locaux et bâtiments furent saccagés par ceux qui s’opposaient à la conscription qui s’était déjà amorcée. On assiste alors à plusieurs rassemblements, parfois violents[9]. Le gouvernement fédéral décrète la loi martiale dans le but d’endiguer ces émeutes. 6000 soldats sont déployés au Québec. Des échanges violents se produisent alors. Les émeutiers s’attaquent aux soldats avec des armes à feu, de la glace et des briques. Environ 150 personnes sont blessées durant les émeutes de Pâques[10],et on recense 4 décès[9].

Contexte d’application de la loi

La Seconde Guerre mondiale fut déclarée par la France et le Royaume-Uni contre le Troisième Reich le 3 septembre 1939 à la suite de l’invasion de la Pologne par l’armée nazie, le 1er septembre 1939. Une semaine plus tôt, le 25 août 1939, le Canada, sous le gouvernement de William Lyon Mackenzie King et du gouvernement libéral canadien, met en vigueur la Loi sur les mesures de guerre afin de se donner les leviers nécessaires à l’effort de guerre.  Le Canada déclara ensuite la guerre à l’Allemagne nazie, et ses alliées, le 10 septembre 1939.

L’instauration de la Loi sur les mesures de guerre permettra au gouvernement canadien de créer la Commission des prix et du commerce en temps de guerre et de mettre en place les mesures touchant à la défense du Canada. La Commission des prix et du commerce en temps de guerre a été créée afin de ne pas reproduire la forte inflation de l’économie et les troubles sociaux qui avaient eu lieu lors de la Première Guerre mondiale. Cette entité fut placée sous la gouverne du ministère du Travail jusqu’en août 1941, moment auquel la Commission des prix et du commerce en temps de guerre passa sous l’autorité du ministère des Finances, qui avait plus de pouvoirs pour contrôler l’économie et le marché, et de l’éminent banquier Donald Gordon[11].

La Loi sur les mesures de guerre donne aussi beaucoup de pouvoirs au gouvernement canadien quant à la défense du Canada. La Loi donna donc, au gouvernement canadien, le pouvoir de censurer des médias et de faire de la propagande, de bannir des organisations, de détenir toute personne qui représenterait un risque pour la sécurité de l’État, de confisquer les biens de ces personnes, de déposséder et  de déporter des populations[1].

Le gouvernement du Canada remplaça la Loi sur les mesures de guerre le 31 décembre 1945 par des lois d'urgence et de pouvoir transitoire afin de coordonner l'après-guerre[1].

Commission des prix et du commerce en temps de guerre

La Commission des prix et du commerce structure ses interventions autour de concepts comme le prix maximum et aux subventions, mais la ligne directrice de toutes les mesures adoptées est la lutte à l’inflation. Le rationnement fait aussi partie des moyens adoptés pour assurer la stabilité des prix[12]. Au début de la guerre, la Commission imposa principalement des limites aux prix des loyers, du charbon, du sucre, du bois de charpente, de l’acier, du lait, et d’autres biens. Il y eut cependant une augmentation de l’inflation en 1941, ce qui força Mackenzie King d’imposer un gel des prix et l'établissement de niveaux pour les salaires. C’est à cette période que Donald Gordon, l’homme à la tête de la Commission des prix et du commerce, devient présent dans la vie des Canadiens. Il annonçait de nouvelles mesures aux citoyens par la radio, son message était que si les Canadiens voulaient que leur argent conserve sa valeur, ils devaient accepter des contrôles sévères du prix des produits et de l’économie[13].

La population canadienne a soutenu les efforts et les mesures de la Commission jusqu’en 1943, mais plusieurs voix s’élevèrent contre l'arbitraire des mesures. Des chefs syndicaux se mirent à les critiquer, les fermiers se plaignent de discrimination et les entreprises privées veulent mettre fin aux plafonds des prix afin d’augmenter leur profit. Le gouvernement de King et la Commission réussirent cependant à conserver le contrôle des prix et du marché grâce à des subventions, à des programmes de sécurité sociale et à la promesse de réformes après la guerre[11].

La Commission prit aussi part à la déconstruction des mesures lorsque la guerre prit fin. Les efforts et mesures imposées par la Commission des prix et du commerce ont permis au Canada de parvenir à ses objectifs de contrôle de l’inflation. Bien qu’il y eût des pénuries de certains produits et des produits de moins bonne qualité sur le marché, l’inflation passa de 17,8% pour la période 1939-1941 à seulement 2,8% pour la période 1941-1945, moment auquel la Commission passa sous l’autorité du ministère des Finances et de Donald Gordon. Ce taux fut le plus bas de toutes les grandes nations en guerre pour la même période[13].

Défense du Canada

La Loi sur les mesures de guerre donna de nombreux pouvoirs au gouvernement canadien. Dès l’instauration de la Loi, le 3 septembre 1939, le gouvernement de King censura près de 325 journaux et périodiques[1]. L’objectif était de diffuser son message et de tenter de contrôler l’opinion publique. Le gouvernement se servait des journaux, de la radio, de la cinématographie et de la télévision pour atteindre le plus de gens possible. Tous les diffuseurs publics participaient à cet effort de guerre et cela causa quelques anicroches. On peut, par exemple, citer le cas de la Société Radio-Canada qui censura le camp du NON lors du plébiscite de 1942 ou lorsque le dirigeant de cette société refusa de diffuser le discours du chef sortant du Parti conservateur, Arthur Meighen, prononcé lors du congrès du parti[14]. La Commission d’information en temps de guerre avait pour objectif d’utiliser tous les médias disponibles afin de maintenir le moral de la population et d’encourager le patriotisme, deux choses primordiales pour conserver une stabilité sociale en temps de guerre[13]. La Loi sur les mesures de guerre permit aussi au gouvernement canadien de bannir des organisations religieuses, culturelles et politiques qui représentaient un danger pour l’effort de guerre canadien, on peut citer le cas des Témoins de Jéhovah et du Parti communiste du Canada[1].

Une autre disposition de la Loi permettait aux autorités canadiennes, sous l’aval du ministère de la Justice, de détenir toute personne agissante « d’une quelconque manière préjudiciable à la sécurité publique ou à la sécurité de l’État ». En concordance avec la propagande du gouvernement, la liberté d’expression fut brimée et toute personne qui critiquait les décisions du gouvernement était passible d’internement sans procédure judiciaire régulière. On peut, par exemple, citer le cas du maire de Montréal, Camilien Houde, qui fut arrêté à l’hôtel de ville de la métropole québécoise en 1940 et interné en Ontario jusqu’en 1944 parce qu’il avait dénoncé les mesures gouvernementales qui ont mené à la conscription[1]. Cependant, la majorité des personnes internées étaient des descendants ou bien des immigrants provenant des pays ennemis. On dénombre près de 600 Italo-Canadiens, 800 Germano-Canadiens, ainsi que des réfugiés juifs d’Europe[1].

La Loi sur les mesures de guerre a aussi permis au gouvernement canadien de s’approprier les terres des nations ojibwées de Kettle et Stony Point en Ontario, sur les rives du lac Huron. Le gouvernement prit possession de ces terres, pour la compensation de 50 000 dollars canadiens, et délocalisa ces nations à la réserve de Kettle Point. Ce qui était au départ une relocalisation temporaire, qui avait pour objectif de construire un camp militaire à cet endroit, dura jusque dans les années 1990[1].

Déportation des Japonais canadiens

Au même titre que les Italo-Canadiens ou les Germano-Canadiens, des Canadiens d’origine japonaise furent internés durant la Seconde Guerre mondiale. On en dénombre environ 22 000, en 1942, dans l’ouest du Canada[1]. Le gouvernement confisqua leurs biens et leurs propriétés pour ensuite les vendre aux enchères. Grâce à la Loi sur les mesures de guerre, le gouvernement canadien offrit le choix au Nippo-Canadiens de retourner au Japon ou d’être relocalisé en Colombie-Britannique. Le nombre de personnes qui furent déportées au Japon s’élève à environ 3964 personnes.

Contexte d’application de la loi

À la fin des années 1950, plusieurs regroupements indépendantistes voient le jour au Québec. Le mouvement prend de plus en plus d’ampleur au fil des années. En 1963 naît alors le Front de libération du Québec. Le FLQ est alors un groupe indépendantiste se tournant vers des méthodes violentes afin d’accélérer l’objectif d’indépendance. L’utilisation de bombes est fréquente, si bien qu’une première victime est déjà enregistrée le 21 avril 1963. La situation continuera de se dégrader au fil des années. Les deux années précédant l’utilisation de la Loi sur les mesures de guerre, en 1968 et 1969, sont marquées par plusieurs mouvements et plusieurs crises politiques et sociales qui touchent le Québec. Mis à part les bombes du FLQ, de nombreuses manifestations et émeutes caractérisent la fin des années 1960. On atteindra cependant un point culminant en 1970, alors que deux militants, Paul Rose et Jacques Lanctôt, ainsi que les groupes qui les entourent, commencent à envisager des enlèvements[15].

Le 5 octobre 1970, le FLQ enlève le diplomate britannique James Richard Cross. Le groupe fait alors 7 demandes, dont la diffusion de leur manifeste, la libération de 23 prisonniers « politiques », un demi-million de dollars et un passage sûr vers l’Algérie ou Cuba[16].  Les 7 et 8 octobre 1970, le manifeste sera lu à la radio, depuis la station CKAC, puis à la télévision, à Radio-Canada.

Après le refus d'obtempérer à leurs demandes, le FLQ frappe plus fort, le 10 octobre 1970, en enlevant le vice-premier ministre et ministre du Travail et de l'Immigration de Bourassa, Pierre Laporte. Les principaux responsables dans cet enlèvement sont Paul Rose, Jacques Rose, Francis Simard et Bernard Lortie. Laporte est enlevé devant sa maison, alors qu’il jouait avec son neveu. Une certaine crainte s’installe alors au sein des milieux gouvernementaux.

Le 15 octobre, Bourassa ainsi que le maire de Montréal Jean Drapeau demandent l’intervention de l'armée et de pouvoir user de pouvoirs supplémentaires. Le gouvernement fédéral répondra à la demande, en proclamant la Loi sur les mesures de guerre, le 16 octobre 1970, à 4h du matin[15].

Déploiement de l’Armée canadienne

Le 16 octobre 1970, 12 500 soldats sont déployés au Québec, en majorité à Montréal. Le FLQ est déclaré illégal et rejoindre l’organisation devient criminel. Les soldats alors en territoire québécois peuvent agir selon la Loi sur les mesures de guerre. Ils peuvent arrêter sans raison n’importe quelle personne étant considérée comme suspecte. Les libertés civiles sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Dans les 48 suivant l’instauration de la Loi, près de 250 personnes sont arrêtées, et ce chiffre double dans les quelques jours qui suivent. Pour la grande majorité de ces personnes, elles sont relâchées sans qu’aucune accusation ne soit appliquée contre elles. Et pourtant, certaines ont été détenues pendant des mois. Après la découverte du corps de Pierre Laporte, le 17 octobre, à 22h50, le nombre de raids augmente rapidement et de nombreux mandats d’arrêt sont mis en place contre les membres du FLQ.

Détention de citoyens

L’instauration de la Loi sur les mesures de guerre permit aux autorités d'incarcérer toutes personnes soupçonnées de participer à l’insurrection d’Octobre 1970. C’est ainsi que les autorités arrêtèrent 497 citoyens québécois. De ce nombre, 435 ont été libérés sans qu’aucune accusation n’ait été porté contre eux, plusieurs d’entre eux ont été emprisonnés jusqu’à 21 jours avant d’être libérés[17]. Des 62 personnes restantes, 44 furent acquittées et 36 de ces derniers bénéficièrent d’un arrêt des procédures à la suite de leur accusation, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, d’appartenance au FLQ et de conspiration séditieuse en vue de renverser le gouvernement du Canada par la force. Il y eut finalement seulement 18 personnes, sur les 497 emprisonnées, qui ont été condamnées. Treize étaient de réels membres du FLQ et cinq étaient des sympathisants du FLQ[17].

Opinion publique

Des groupes comme le Comité québécois pour la défense des libertés et la Ligue des droits de l’homme ont été très critiques de l’utilisation de la Loi des mesures de guerre. Ces groupes ont dénoncé les mesures disproportionnées des autorités fédérales pour faire face à la crise et l’abolition des droits et des libertés des citoyens québécois[18]. D’autres groupes, comme la Chambre de commerce de Montréal et le corps de police de la ville de Montréal ont appuyé la forte réaction du gouvernement fédéral et l’instauration de la Loi afin que l’ordre soit ramené et pour que les forces de l’ordre aient plus de pouvoirs pour contrôler la crise[18].

Opinion politique

Les opinions politiques, quant à l’application de la Loi des mesures de guerre, ont été très divergentes. Le Parti libéral de Robert Bourassa, qui était au pouvoir lors de la crise d’Octobre, justifia son désir que le fédéral applique la Loi en disant que les ressources policières de la province n’étaient plus en mesure d’assurer la protection de la population et des édifices publics[18].

Le Parti québécois, avec René Lévesque à sa tête, et un groupe de seize personnalités (intellectuels, syndicalistes, journalistes), ont toujours fortement dénoncé le recours à la Loi des mesures de guerre. Pour eux, le conflit devait être réglé de façon pacifique et le recours à la Loi n’était absolument pas justifié puisqu’il ne s’agissait pas d’une insurrection selon eux. Le gouvernement fédéral n’a d’ailleurs jamais dévoilé les preuves qui démontrent une insurrection. Ils ont également dénoncé l’ampleur du déploiement militaire dans la métropole[18].

Loi Turner

Le ministre John Turner a rédigé en octobre/ ce qui s'appelait alors le projet de loi Turner et qui a été adopté le sous le nom Public Order Temporary Measures Act, laquelle a expiré le [19]. Cette loi remplaçait l'activation de la loi des mesures de guerre pour l'occasion de la crise d'Octobre, mais n'abolissait pas la loi elle-même.

Loi sur les mesures d'urgence

La Loi sur les mesures d'urgence, adoptée le , a remplacé la Loi sur les mesures de guerre[20]. Elle est similaire mais est plus limitée dans l'atteinte aux droits individuels[21].

La Loi sur les mesures d'urgence[22] a été utilisée lors de la lutte contre la propagation rapide de la COVID-19 en 2020[23] et son application a été envisagée lors de l'épidémie de grippe A (H1N1) de 2009-2010[24]

Notes et références

  1. Denis Smith, « Loi sur les mesures de guerre », sur thecanadianencyclopedia.ca, L'Encyclopédie canadienne,
  2. http://archives.radio-canada.ca/politique/premiers_ministres_canadiens/clips/12891/
  3. Desmond Morton, « Première Guerre mondiale », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté le )
  4. Denis Smith, « Loi sur les mesures de guerre », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté le )
  5. Mathieu Houle-Courcelles, « Censure et surveillance de la presse socialiste au Québec (1918-1920) : Le cas du journal Labor et son éditeur Isidore Boltuck », Bulletin d'histoire politique, , p. 34-50 (lire en ligne)
  6. Université de Sherbrooke, « Imposition de la Loi des mesures de guerre par le gouvernement canadien » (consulté le )
  7. Roch Legault et Jean Lamarre, La Première Guerre mondiale et le Canada: contributions socio-militaires québécoises, Montréal, Éditions du Méridien, , 269 p.
  8. Jean Provencher, Québec sous la Loi des mesures de guerre, Montréal, Boréal Express, , 146 p.
  9. Gérard Filteau, Le Canada et la guerre, 1914-1918, Montréal, Éditions de l'Aurore, , 231 p.
  10. J.I. Granatstein et Richard Jones, « Conscription au Canada », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté le )
  11. John R. English, « Commission des prix et du commerce en temps de guerre », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté le )
  12. Yves Tremblay, « La consommation bridée. Contrôle des prix et rationnement durant la Deuxième Guerre mondiale », Revue d'histoire de l'Amérique française, , p. 569-604 (lire en ligne)
  13. « Le Canada et la guerre. L’économie de guerre et les contrôles des prix et des salaires », sur Musée canadien de la guerre (consulté le )
  14. Alain Canuel, « La censure en temps de guerre : Radio-Canada et le plébiscite de 1942 », Revue d'histoire de l'Amérique française, , p. 217-242 (lire en ligne)
  15. Anthony Beauséjour, « Démesures de guerre. Abus, impostures et victimes d’Octobre 1970 », IRAI, , p. 202 (lire en ligne)
  16. C. Cooper et A. McIntosh, « Crise d'Octobre », sur L'Encyclopédie Canadienne, (consulté le )
  17. « Libre opinion - Qu'est-il arrivé aux prisonniers d'Octobre 70 ? », sur Le Devoir (consulté le )
  18. Sébastien Campeau, « L’intervention militaire en octobre 1970 et la Loi sur les mesures de guerre : Modalités et réactions », Mémoire de maîtrise en histoire, Université du Québec à Montréal, , p. 162 (lire en ligne)
  19. http://www.archipel.uqam.ca/2207/1/M10984.pdf (p.2)
  20. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loi-sur-les-mesures-de-guerre
  21. (1985, ch. 22 (4e suppl.))
  22. Marc Godbout, « La Loi sur les mesures d’urgence, c’est quoi au juste? », sur canada.ca, Radio-Canada, (consulté le ).
  23. « Le gouvernement du Québec déclare l’état d’urgence sanitaire, interdit les visites dans les centres hospitaliers et les CHSLD et prend des mesures spéciales pour offrir des services de santé à distance », sur www.quebec.ca (consulté le )
  24. Amélie Daoust-Boisvert, « Ottawa pourrait devoir proclamer la Loi sur les mesures d'urgence », Le Devoir,

Annexes

Bibliographie

  • Jean Provencher, Québec sous la loi des mesures de guerre : 1918, Montréal, Boréal, , 200 p. (ISBN 9782895961925)
  • Denis Smith, « Loi sur les mesures de guerre », L'encyclopédie canadienne, (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du droit
  • Portail du Canada
  • Portail de l’histoire militaire
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.