Loi sur la transaction pénale (Belgique)

La loi sur la transaction pénale (minnelijke schikking in strafzaken en flamand) est une procédure dans le droit belge qui permet au procureur du Roi de mettre fin à des poursuites en contrepartie d’une somme d’argent[1]. Cette procédure est souvent utilisée pour accélérer les procès pour lesquels l’issue est incertaine, qui pourraient s’annoncer trop longs[1] ou qui encourent le risque d’être repoussés[2].

Cet accord ne fait pas office de condamnation et n’apparaît pas sur le casier judiciaire de la personne qui l’accepte[3]. En vertu de l’article 2046 du Code civil belge[1], la possibilité de recourir à la transaction pénale dépend exclusivement du procureur du Roi, qui peut y avoir recours à tout moment de la procédure[3].

Histoire

Version antérieure 1930 – 1980

Les origines de la loi sur la transaction pénale remontent à [4] alors que le parlement belge souhaite créer un nouveau mécanisme pour accélérer les procédures et désengorger les tribunaux[5]. Originellement cantonné aux petites infractions, le champ d’application de cette procédure va petit à petit s’élargir au fil des années[4].

Le , la loi connaît son amendement le plus significatif avec l’ajout de l’article 216bis dans le Code d'instruction criminelle qui régit la transaction pénale aujourd’hui. Cet article permet d’étendre le champ d’application de la loi aux infractions dont la peine maximale pouvait aller jusqu’à cinq ans[4].

Amendement majeur 2011 – 2017

L’idée d’amender la loi est d’abord discutée en sous l’initiative du Antwerp World Diamond Center (AWDC)[6], une organisation privée représentant les intérêts de l’industrie du diamant. A l’époque, la suggestion est rejetée par les législateurs[6].

Le débat refait surface en quand Servais Verherstraeten, Secrétaire d’Etat aux Réformes institutionnelles et vice-président du « club du diamant »[7], un groupe informel de parlementaires, propose « d’amender le Code d’instruction criminelle afin de permettre la cessation des procédures criminelles en échange d’une somme d’argent »[8]. Par la suite, la loi sur la transaction pénale est réformée de façon significative le , avec des amendements à l’article 216bis donnant lieu à des modifications procédurales et matérielles fortes. Par le passé, une procédure de transaction pénale ne pouvait pas être proposée par le procureur du Roi si les poursuites avaient déjà été engagées. Dès lors, une transaction pénale n’était possible que si l’affaire était au stade de l’information (c’est-à-dire au stade de l’enquête, dirigée par le procureur du Roi). Depuis l’amendement, cependant, une transaction peut désormais être proposée par le procureur du Roi si l’affaire est au stade de l’instruction[5] ou alors que le tribunal ou la cour a déjà été saisi du fait[3].

En , l’article 216bis est amendé pour étendre le champ d’application aux affaires financières et fiscales[9]. Les partisans de cet amendement y voient une opportunité de lutter contre l’engorgement des tribunaux, particulièrement dans le cas des affaires financières, tout en permettant à l’Etat de récupérer de fortes sommes d’argent qui auraient, autrement, été perdues[9].

Mise en place d’une commission d’enquête

En 2017, une commission d’enquête est mise en place dans le but d’enquêter sur les circonstances ayant abouti à la réforme de la loi pénale en 2011. Il est établi que le vote de cette loi est le fruit d’un accord donnant-donnant entre le PS et le parti libéral de l’époque : le PS essayait de faire passer une loi sur la levée du secret bancaire tandis que les libéraux recherchaient un nouvel accord sur la transaction pénale[10]. Un accord entre les deux partis est finalement trouvé le à la suite de la médiation du cabinet d’Yves Leterme (CD&V)[10].

Le , Dirk Van der Maelen (SP.A), le président de la commission d’enquête, déclare à l’hebdomadaire belge Knack que son sentiment est que le secteur du diamant et le Collège des Procureurs généraux sont les « parents » de la loi sur la transaction pénale, sous la responsabilité politique de CD&V[11]. Il justifie ce point de vue en arguant que la version préliminaire de la loi en 2007 a été rédigée par deux avocats d’Antwerp World Diamond Center, dans le but de permettre au secteur de lutter contre les accusations de fraude fiscale[11].

Il a été suggéré qu’une loi similaire, adoptée en France en , pourrait servir d’inspiration aux législateurs belges[2] du fait de l’introduction d’une convention de compensation d’intérêt public « à l’américaine »[12] dans le but de moderniser l’action du procureur et de le rendre plus « réformateur » de l’entité délinquante dans un but de prévention pénale[2].

Controverses

Les détracteurs de la loi arguent que l’amendement est le premier jalon d’une justice de classe et d’un système judiciaire à deux vitesses qui favoriseraient ceux qui sont capables de payer de fortes sommes d’argent[13].

La cour constitutionnelle de Belgique juge en 2016 que certaines parties de cette loi sont anticonstitutionnelles, à l’image de la cessation des poursuites après un accord financier, sans contrôle effectif du juge. La cour juge qu’il s’agit d’une violation des principes d’égalité et de non discrimination inscrits dans la Constitution[14]. En conséquence, la loi est annulée[15]. Pourtant, certains tribunaux continuent de prononcer des jugements que la Cour constitutionnelle accepte, dans la mesure où ces jugements restent dans les limites énoncées dans son arrêt.

En , le Collège des Procureurs Généraux décide de réinstaurer la loi sur la transaction pénale[16].

Références

  1. « La transaction penale : Actualités du droit belge », sur www.actualitesdroitbelge.be (consulté le )
  2. « La France adopte une transaction pénale à l'anglo-saxonne pour les personnes morales. La Belgique pourrait-elle s'en inspirer? », Echo.be, (lire en ligne, consulté le )
  3. « La transaction pénale de droit commun », sur asm-be.be,
  4. (en) Michaël Fernandez-Bertier, « The Extension of the Belgian Criminal Transaction as a New Mean to Fight Economic and Financial Crime: Towards the Establishment of Plea Bargaining? », Infrações Económicas e Financeiras: Estudios de Criminologia e Direito, Porto, Coimbra Editora, (lire en ligne, consulté le )
  5. « La Justice propose des transactions dans les affaires Ecclestone et Bois Sauvage : comment fonctionne la transaction pénale en droit belge ? », Justice en ligne, (lire en ligne, consulté le )
  6. « Jeu judiciaire autour du diamant anversois », les documents du Soir, (lire en ligne, consulté le )
  7. « Relations troubles diamantaires - politiques », Le Vif, (lire en ligne, consulté le )
  8. « De afkoopwet is het monster van Frankenstein », sur Apache, (consulté le )
  9. « Transaction pénale : aucune transparence », Le Vif, (lire en ligne, consulté le )
  10. « Kazakhgate: donnant-donnant entre transaction pénale et levée du secret bancaire », RTBF Info, (lire en ligne, consulté le )
  11. « Kazachgate: Dirk Van der Maelen haalt stevig uit naar CD&V », Knack, (lire en ligne, consulté le )
  12. « Fraude fiscale en France, ce que dit la loi Sapin 2 », Le Temps, (lire en ligne, consulté le )
  13. « Transaction pénale : aucune transparence », Le Vif, (lire en ligne, consulté le )
  14. « La transaction pénale viole la Constitution », La Libre, (lire en ligne, consulté le )
  15. « Transaction pénale recalée: Koen Geens promet que la loi sera adaptée », RTBF Info, (lire en ligne, consulté le )
  16. « La transaction pénale élargie à nouveau autorisée », Le Vif, (lire en ligne, consulté le )
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