Loi de Morrie

La loi de Morrie est l'identité trigonométrique suivante :

.

Le nom de cette « curiosité » est dû au physicien Richard Feynman.

Cette identité est intrigante parce qu'aucun des facteurs du produit n'est rationnel, mais que le produit l'est[MAA 1],[Van Brummelen 1].

Histoire

C'est un des camarades de Richard Feynman, nommé Morrie Jacobs, qui lui a fait connaître cette égalité durant sa scolarité ; il s'en est ensuite souvenu toute sa vie, de même que les circonstances dans lesquelles il en a appris l'existence (dans le magasin de cuir du père de Morrie). Il y fait référence dans une lettre à Morrie datée du [Gleick 1].

En 1992, James Gleick raconte cet épisode dans la biographie qu'il a écrite de Feynman, intitulée Genius[Gleick 2].

En 1996, Beyer et al. appellent cette égalité « Morrie Jacob's identity »[MAA 2]. En 1998, Ernest C. Anderson l'appelle « Morrie's Law » (littéralement « loi de Morrie »)[Anderson 1].

En 2011, Paul J. Nahin (en) l'appelle « Jacobs-Feynman equality »[1].

Généralisation

La loi de Morrie est le cas particulier, où et , de l'identité plus générale[MAA 2] :

avec et [2].

La curiosité tient au fait que, si on choisit , le membre de droite vaut 1 (on le montre en remplaçant par au dénominateur), et l'égalité devient alors[3] :

.

Il existe diverses autres généralisations de cette identité, citées notamment dans un livre de trigonométrie de 1930[MAA 3],[4].

Identités similaires pour les autres fonctions trigonométriques

Il existe une identité similaire pour la fonction sinus[5] :

.

Naturellement, en divisant l'identité pour la fonction sinus par celle pour la fonction cosinus, une troisième identité se dégage pour la fonction tangente[5] :

.

Démonstrations

Preuve algébrique

En utilisant la formule de l'angle double pour la fonction sinus :

on trouve l'expression de , et par suite, de , ... :

En multipliant toutes ces expressions les unes avec les autres, on obtient :

.

Dans la partie droite de l'expression, les numérateurs et dénominateurs intermédiaires s'annulent, ne laissant que le premier dénominateur et le numérateur final (on dit qu'il s'agit d'un produit télescopique), ainsi qu'une puissance de 2 au dénominateur ( car il y a termes) ; il vient alors :

,

ce qui est équivalent à la généralisation de l'identité.

Preuves géométriques

Preuve géométrique utilisant un ennéagone.

Pour démontrer la loi de Morrie, une preuve géométrique utilisant un ennéagone régulier a été publiée en 2008[6], puis une autre en 2015[7].

Cette dernière s'appuie sur l'ennéagone ci-contre, de côté 1. Soient , , et les milieux de, respectivement, , , et .

On montre que , , et .

est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :

est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :

est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :


Or car ce sont des côtés de l'ennéagone, et en remplaçant et par les expressions ci-dessus, on obtient :

.

Les auteurs de cette preuve ont par la suite publié, en 2016, une preuve géométrique d'un autre cas particulier de la généralisation de la loi de Morrie, celui où et [MAA 4].

Références

  1. Gleick, op. cit., p. 450 : « [p. ]47 IF A BOY NAMED MORRIE JACOBS: Feynman to Morris Jacobs, 27 January 1987, CIT [California Institute of Technology Archives]. ».
  2. Gleick, op. cit., p. 47 : « If a boy named Morrie Jacobs told him that the cosine of 20 degrees multiplied by the cosine of 40 degrees multiplied by the cosine of 80 degrees equaled exactly one-eighth, he would remember that curiosity for the rest of his life, and he would remember that he was standing in Morrie's father's leather shop when he learned it. ».
  1. (en) Gaston Brouwer, « A Generalization of the Angle Doubling Formulas for Trigonometric Functions », Mathematics Magazine, vol. 90, no 1, , p. 12–18 (DOI 10.4169/math.mag.90.1.12).
  2. (en) William A. Beyer, James D. Louck et Doron Zeilberger, « Math Bite : A Generalization of a Curiosity that Feynman Remembered All His Life », Mathematics Magazine, vol. 69, no 1, , p. 43–44 (DOI 10.2307/2691393, lire en ligne).
  3. (en) Garry J. Tee, « Math Bite : Further Generalizations of a Curiosity that Feynman Remembered All His Life », Mathematics Magazine, vol. 72, no 1, , p. 44 (JSTOR 2691313, lire en ligne).
  4. (en) Samuel G. Moreno et Esther M. García-Caballero, « A Geometric Proof of a Morrie-Type Formula », Mathematics Magazine, vol. 89, no 3, , p. 214–215 (DOI 10.4169/math.mag.89.3.214).
  1. Anderson, op. cit., p. 86 : « I have therefore called Equation (1) “Morrie's Law” ».
  1. Van Brummelen, op. cit., p. 79.
  • Autres références :
  1. (en) Paul J. Nahin (en), Number-Crunching : Taming Unruly Computational Problems from Mathematical Physics to Science Fiction, Princeton et Oxford, Princeton University Press, , 376 p. (ISBN 978-0-691-14425-2), p. 12, Challenge Problem 1.2 [lire en ligne].
  2. (en) Dennis S. Bernstein, Scalar, Vector, and Matrix Mathematics : Theory, Facts, and Formulas, Princeton et Oxford, Princeton University Press, , 1547 p. (ISBN 978-0-691-15120-5 et 978-0-691-17653-6), p. 244–245, fact 2.16.17 [lire en ligne].
  3. (en) Philip Feinsilver, « Numeration, Trigometric Identities, and Cantor-Type Distributions », 28th Annual Mathematics Symposium Western Kentucky University Bowling Green, Kentucky, Southern Illinois University Carbondale, -, p. 6.
  4. (en) Clement V. Durell et Alan Robson, Advanced Trigonometry, George Bell & Sons, (lire en ligne), Exercice XII, 24, 25, 29, 30 et 31, p. 225–226, et réponses p. 322.
  5. (en) Eric W. Weisstein, CRC Concise Encyclopedia of Mathematics (en), Boca Raton/London/New York etc., Chapman & Hall / CRC, , 2e éd., 3242 p. (ISBN 1-58488-347-2), « Trigonometry Values Pi/9 », p. 3057–3058 [lire en ligne] et (en) Eric W. Weisstein, « Trigonometry Angles--Pi/9 », sur MathWorld.
  6. (en) David Miles et Chris Pritchard, « Three Trigonometric Results from a Regular Nonagon », Mathematics in School, vol. 37, no 5, , p. 12–13 (JSTOR 30212315).
  7. (en) Samuel G. Moreno et Esther M. García-Caballero, « A Geometric Proof of Morrie's Law », The American Mathematical Monthly, vol. 122, no 2, , p. 168 (DOI 10.4169/amer.math.monthly.122.02.168).

Voir aussi

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