Lex Sempronia

La Lex Sempronia est une loi proposée par le tribun de la plèbe Tiberius Gracchus en -133 à Rome. L'objectif de la loi est de mettre en place une réforme agraire, en limitant la grande propriété sur l'ager publicus et en redistribuant à la plèbe les terres récupérées.

La loi agraire

En -133, le tribun de la plèbe Tibérius Sempronius Gracchus tente une réforme agraire à Rome (lex Sempronia) qui dispose qu’aucun citoyen ne peut occuper personnellement plus de 500 jugères (125 ha) de l'ager publicus (terres publiques), avec un maximum de 1000 (250 ha) s’il avait deux fils et interdit de faire paître sur les pâturages publics plus de cent têtes de gros bétail ou cinq cents de petit. Les terres, reprises par l’État aux grands propriétaires (indemnisés), devaient être distribuées en lots inaliénables de 30 jugères aux citoyens pauvres. Tibérius espérait inciter la plèbe inactive au retour à la terre et lutter contre la dépopulation.

Tibérius pense faire passer sa loi en s’appuyant sur la tradition (la limitation à 500 jugères est un retour à la loi agraire de Caius Licinius Stolon) et sur la fraction libérale du Sénat. La proposition est d’abord soutenue par le consul P. Mucius Scaevola, l’ancien consul Appius Claudius Pulcher, le grand pontife P. Licinius Crassus, Q. Metellus et quelques autres. Le tribun M. Octavius, qui s’oppose à la réforme, est déposé de sa charge à l’unanimité par les comices convoqués par Tibérius en violation de la constitution. La loi agraire passe dans une forme aggravée (Tibérius fait disparaître le principe d’indemnité).

Application de la loi agraire

Une commission triumvirale[1], qui a pour mission de faire appliquer la loi agraire, est élue. Cette commission triumvirale est composée de Ti. Sempronius Gracchus, C. Sempronius Gracchus et Ap. Claudius Pulcher. Les amis libéraux de Tibérius au Sénat, avant tout constitutionnels, l’abandonnent, ainsi qu’une grande partie de l’opinion. Tibérius, devant l’opposition du Sénat, préparait peut-être d’autres mesures concernant le recrutement des légions et la judicature, et une proposition de loi pour être autorisé à exercer un second tribunat. Il se fait massacrer le jour du vote au cours d’une émeute provoquée par les Sénateurs, sous la conduite de Publius Cornelius Scipio Nasica.

La commission chargée d’appliquer la loi continue de fonctionner. P. Licinius Crassus, beau-père de Caïus remplace Tibérius après son assassinat. Mais l’oligarchie gouvernementale multiplie les difficultés d’application. À la mort de P. Licinius Crassus et d’Appius Claudius en -130, ils sont remplacés à la commission par Marcus Fulvius Flaccus et Caius Papirius Carbo, tribun de la plèbe[2]. Les assignations reprennent.

En -129, Scipion Émilien, qui pense peut-être revêtir une dictature constituante, fait enlever, par une loi, les pouvoirs judiciaire des membres de la commission. Les pouvoirs sont transférés aux consuls qui refusent d’en user sous prétexte de partir en campagne. L’application de la loi agraire s’en trouve paralysée. Scipion meurt brusquement, la veille des Féries latines, jour où il devait proposer l’abrogation de la loi agraire. On pense qu'il a été assassiné par sa femme qui n'était autre que la sœur de Graccques.

La Lex sempronia de Caius Gracchus

Les années précédant la loi

Il semblerait que la loi frumentaire de 123 av. J.-C. établie par Caius Gracchus, frère de Tiberius Gracchus et élu tribun de la plèbe pour l’année 123 av. J.-C. fut influencée par différents problèmes survenus les dernières années avant son tribunat. En effet, outre les problèmes d’approvisionnement de la ville de Rome en blé, la cité est confrontée à un problème d’ordre social. Ces années sont marquées par différentes révoltes serviles survenues en raison des conditions de vie et de maltraitances des esclaves. Il est ainsi probable que les approvisionnements de Rome furent bousculés par ces rébellions et causèrent de graves préjudices.

De plus, il s’avère qu’une politique structurée de l’approvisionnement alimentaire de Rome n’ait pas été instaurée pendant la première moitié du IIe siècle av. J.-C.[3].

Lex sempronia

La Lex Sempronia est une loi frumentaire parmi un nombre relativement important durant la période 123-58 av. J.-C. En effet, une dizaine de lois sur le sujet furent établies pendant cette période de 65 ans.

La loi frumentaire de Caius Sempronius Gracchus prévoyait que l’État réalisât des achats de blés massifs, construise des silos et vende mensuellement aux citoyens une ration de blé à prix réduit, fixe, soit 6-1/3 as[4] par modius.[5] L’État évitait ainsi les spéculations saisonnières et pouvait se permettre une telle politique grâce à l’Afrique et la Sicile.[6]

Une distribution de blé à Rome

Il est légitime de se poser la question de l’organisation de ces distributions dans la ville de Rome. En effet, il serait raisonnable de penser qu’il n’apparaît pas possible de distribuer une aussi grande quantité de blé, entre 2.6 à 5 millions de modii, en une journée. (On estime que les bénéficiaires de la lex sempronia de 123 av. J.-C. sont entre 45000 et 86000) Cependant, il apparaît que l’hypothèse admise est qu’il faut séparer le sujet en deux périodes. Avant la Porticus Minucia frumentaria, les bénéficiaires recevaient leur ration de blé le même jour dans plusieurs lieux de la ville, différents portiques et greniers étaient utilisés à cet effet. Sous le règne de Claude, la porticus minucia frumentaria change le fonctionnement de la distribution. Désormais, elles ne se feront plus que dans un seul lieu, les bureaux de la porticus. C‘est un système rigoureux qui se met en place basé sur un document prouvant le statut de bénéficiaire, les distributions sont ainsi réparties à différents jours du mois.[7]

Relance de la loi agraire

En -124, le tribun de la plèbe Caius Sempronius Gracchus, frère de Tiberius, restitue à la commission triumvirale chargée d’appliquer la loi agraire ses prérogatives (droit de délimitations) ralentie par la loi de -129. Il renforce la loi agraire en redistribuant l’ager publicus (domaine public) aux Romains comme aux Italiens, en Italie comme en Afrique ; il institue des distributions de blé à prix réduit (pour lutter contre la corruption électorale), décide la fondation de nouvelles colonies à Tarente, Capoue, Carthage et Corinthe, fait construire des routes, des greniers en Italie, mesures destinées à soulager la misère du petit peuple. Caius Gracchus, qui se heurte à l’oligarchie et aux Sénateurs, s’appuie sur la plèbe, les Italiques et l’ordre équestre dont la puissance économique et politique s’accroît.

Échec final

En -121, le Sénat, invoquant des prétextes religieux, tente de faire abroger la loi Rubria sur la colonie de Carthage. Fulvius Flaccus et Caius Sempronius Gracchus tentent de résister et rassemblent leurs partisans. Lors d’une rixe au Capitole entre leurs partisans et ceux du consul Opimius, représentant de l’oligarchie, un licteur d’Opimius est tué. L’aristocratie se hâte d’exploiter ce meurtre. Le Sénat vote le « sénatus-consulte ultimum », la loi martiale qui donne aux consuls le droit de condamner sans appel des citoyens.

Caius Sempronius Gracchus et Fulvius sont tués avec 3 000 de leurs partisans au cours d’une bataille sur l’Aventin contre les troupes du consul Opimius. Ses lois, ainsi que celles de son frère, sont abrogées. L’oligarchie triomphante garde le pouvoir jusqu’en -108. Elle abroge la loi coloniale : la colonie de Carthage est supprimée et celle de Capoue n’est pas fondée. Celle de Tarente subsiste, mais perd de son importance.

Notes et références

  1. M.Christol et D.Nony, Rome et son Empire, Hachette supérieur, edition 2015/2016, 304 p. (ISBN 978-2-01-140320-9), p. 89/90
  2. Appien, Histoire des guerres civiles de la république romaine, Livre premier, XVIII
  3. François Thomas, L’approvisionnement alimentaire de la ville de Rome à la fin de la république (123-36 av. J.-C.), Louvain-la-Neuve, 2011.
  4. « L’as de bronze, divisé en douze onces pesait à l’origine une livre romaine (environ 325 g). L’as a été par étapes considérablement diminué jusqu’à peser une once et se voir substituer au Ier siècle comme monnaie de compte le sesterce. LECLANT Jean (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, Presses universitaires de France, Paris, 2005, p. 1435.
  5. Cette information est extraite d’un commentateur anonyme des œuvres de Cicéron qui écrit au VIe siècle apr. J.-C., il s’agit là que d’une unique source car ni Cicéron, ni Plutarque ou Encore Appien n’y font référence. François Thomas, L’approvisionnement alimentaire de la ville de Rome à la fin de la république (123-36 av. J.-C.), Louvain-la-Neuve, 2011, p. 55.
  6. Nicolet Claude, Les Gracques. Crise agraire et révolution à Rome, Julliard, Paris, 1980.
  7. Virlouvet Catherine, Tessera frumentaria. Les procédures de distribution du blé public à Rome à la fin de la république et au début de l’empire, Ecole française de Rome, Rome, 1995.

Voir aussi

Article connexe

Lien externe

Bibliographie

  • Claude Nicolet, Les Gracques, crise agraire et révolution à Rome, Folio Histoire
  • Virlouvet Catherine, Tessera frumentaria. Les procédures de distribution du blé public à Rome à la fin de la république et au début de l’empire, Ecole française de Rome, Rome, 1995.
  • François Thomas, L’approvisionnement alimentaire de la ville de Rome à la fin de la république (123-36 av. J.-C.), Louvain-la-Neuve, 2011.
  • Nicolet Claude, Les Gracques. Crise agraire et révolution à Rome, Julliard, Paris, 1980.
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