Lettres philosophiques
Les Lettres philosophiques ou Lettres anglaises sont une œuvre de Voltaire publiée en 1734.
Lettres philosophiques | |
Édition princeps | |
Auteur | Voltaire |
---|---|
Pays | France |
Genre | Essais |
Date de parution | 1734 |
Elles se composent de vingt-cinq lettres qui abordent des sujets assez variés : la religion, les sciences, les arts, la politique ou la philosophie (de Pascal notamment).
Cet ouvrage est destiné à un peuple plus ou moins cultivé, capable de lire mais nécessitant une certaine éducation poussée, par la façon dont il est écrit. Il s'agit d'une suite de lettres, et donc de destinataires.
Il apparaît que ces lettres ne sont pas des lettres personnelles qui auraient été envoyées à certaines personnes en particulier, mais que ce sont des lettres ouvertes, destinées à être lues par un plus grand nombre grâce à leur parution sous forme d’un livre.
La religion
Voltaire aborde tout d’abord le thème de la religion dans les lettres I à VII. Il passe en revue quelques-unes des religions qui l’entourent : les quakers (lettres I à IV), les anglicans (V), les presbytériens (VI), et enfin les sociniens (VII).
Dans les quatre premières lettres, Voltaire décrit les Quakers, leurs coutumes, leurs croyances et leurs histoires. Il apprécie la simplicité de leurs rites : point de baptême (« nous ne pensons pas que le christianisme consiste à jeter de l’eau froide sur la tête » (I)), ni de communion (« point d’autre que celle des cœurs » (I)), ni encore de prêtres (« Vous n’avez donc point de prêtres lui dis-je ? - Non, (...) et nous nous en portons très bien » (II)).
La lettre V est consacrée à la religion anglicane, qu’il estime meilleure que la catholique (« le clergé anglican est plus réglé que celui de France »), mais qu’il critique tout de même (« Le clergé anglican a retenu beaucoup des cérémonies catholiques, et surtout celle de recevoir les dîmes avec une attention très scrupuleuse. Ils ont aussi la pieuse ambition d’être les maîtres. »).
Sa lettre VI permet à Voltaire d’attaquer les presbytériens, selon lui intolérants (« un presbytérien d’Écosse (...) donne le nom de la prostituée de Babylone à toutes les églises où quelques ecclésiastiques sont assez heureux pour avoir cinquante mille livres de rente »), mais aussi trop stricts (« il est défendu ce jour-là de travailler et de se divertir, ce qui est le double de la sévérité des églises catholiques ; point d’opéra, point de comédies, point de concerts à Londres le dimanche ; les cartes même y sont si expressément défendues »)
Enfin, dans sa lettre VII "sur les Sociniens, ou Ariens, ou Antitrinitaires", il ne se prononce que peu sur l'unitarisme, pourtant proche de son idéal déiste. Il discute brièvement ces mouvements religieux tout en reconnaissant que sa société contemporaine n'est pas prête à renoncer à sa tradition pour s'adapter aux nouvelles philosophies : « Si le cardinal de Retz reparaissait aujourd'hui, il n'ameuterait pas dix femmes dans Paris ».
Les sciences
Voltaire dévoile dans les lettres XIV à XVII son opinion de Newton (→mélioratif), de Descartes(→ péjoratif), et de leurs lois.
Les arts
Il compare les arts en France et en Angleterre. Il dit qu'en Angleterre on donne aux artistes les moyens de créer et de s'épanouir dans l'art sans se soucier de quoi que ce soit. En revanche, en France il explique que malgré de nombreuses académies et organisations, les artistes sont pauvres et ne sont pas reconnus à leur juste valeur.
La politique
Ensuite, dans les lettres VIII et IX, Voltaire évoque le sujet de la politique.
Dans la lettre VIII : "Sur le Parlement". Voltaire évoque les grandes puissances en avance sur leur temps, Rome étant une référence pour l'organisation, Athènes pour la démocratie. L'impression de stabilité est associée à Rome. L'humanité des anglais est évoquée (ils font la guerre pour la paix). En France, le combat contre le pouvoir n'a fait qu'aggraver la situation, il y a eu des guerres civiles, et les membres du clergé ont tué le roi. Cette France s'oppose à l'Angleterre où malgré un long combat, il n'y a pas eu de prise de pouvoir despotique.
Lettre IX : "Sur le Gouvernement". La politique anglaise est mise en valeur, car elle correspond aux idées des Lumières. En France se pose le problème de la taxe, résolu en Angleterre, où les impôts sont fonction du salaire et non du rang social occupé. Voltaire fait aussi une critique des doléances.
Dans la lettre X, intitulée « Sur le Commerce », Voltaire fait l’éloge du commerce anglais, de ses bienfaits et de ce qu’il a apporté à la nation anglaise. Selon lui, le commerce a contribué à la liberté du peuple anglais, et cette liberté a elle-même contribué à l’essor du commerce. C’est également le commerce qui a donné à l’Angleterre sa très grande richesse, et sa très grande puissance navale (« C’est le Commerce qui a établi peu à peu les forces navales par qui les Anglais sont les maîtres des mers. »), malgré son apparence plutôt pauvre (« qui n’a de soi-même qu’un peu de plomb, de l’étain, de la terre à foulon et de la laine grossière »). Mais dans cette lettre, Voltaire en profite aussi pour faire la satire des nobles allemands et français, qui manquent d’intérêts pour ce type d’entreprise. Pour Voltaire, la noblesse n’a pas forcément un grand rôle à jouer, contrairement aux négociants qui « contribuent au bonheur du monde ».
"Le commerce qui a enrichi les citoyens en Angleterre, a contribué à les rendre libres, et cette liberté a étendu le commerce qui a établi peu à peu les forces navales par qui les Anglais sont les maitres des mers. Ils ont à présent près de deux cents vaisseaux de guerre;la postérité apprendra peut-être avec surprise qu'une petite ile, qui n'a de soi-même qu'un peu de plomb, de l'étain, de la terre à foulon, et de la laine grossière, est devenue par son commerce assez puissante pour envoyer en 1723 trois flottes à la fois extrémités du monde, l'une devant Gibraltar conquise et conservée par ses armes, l'autre à Porto-Bello pour ôter au roi d'Espagne la jouissance des trésors des Indes, et la troisième dans la mer Baltique pour empêcher les puissances du Nord de se battre. Quand Louis XIV faisait trembler l'Italie, et que ses armées déjà maitresses de la Savoie et du piémont étaient près de prendre Turin, il fallut que le prince Eugène marchât du fond de l'Allemagne au secours du duc de Savoie; il n’avait point d’argent, sans quoi on ne prend ni ne défend les villes ; il eut recours à des marchands anglais ; en une demi-heure, on lui prêta cinquante millions. Avec cela il délivra Turin, battit les Français, et écrivit à ceux qui avaient prêté cette somme ce petit billet: « Messieurs, j'ai reçu votre argent et je me flatte de l'avoir employé à votre satisfaction.»
Tout cela donne un juste orgueil à un marchand anglais, et fait qu'il ose se comparer, non sans quelque raison, à un citoyen romain. Aussi le cadet d'un pair du royaume ne dédaigne point le négoce:milord Townhend, ministre d'état, a un frère qui se contente d'être marchand dans la Cité. Dans le temps que Milord Oxford gouvernait l'Angleterre, son cadet était facteur à Alep, d'où il ne voulut pas revenir et ou il est mort..."
Cette coutume, qui pourtant commence trop à se passer, paraît monstrueuse à des Allemands entêtés de leurs quartiers; ils ne sauraient concevoir que le fils d’un pair d’Angleterre ne soit qu’un riche et puissant bourgeois, au lieu qu’en Allemagne tout est prince; on a vu jusqu’à trente altesses du même nom n’ayant pour tout bien que des armoiries et une noble fierté.
En France, est marquis qui veut; et quiconque arrive à Paris du fond d’une province avec de l’argent à dépenser, et un nom en ac ou en ille, peut dire: Un homme comme moi, un homme de ma qualité, et mépriser souverainement un négociant. Le négociant entend lui-même parler si souvent avec dédain de sa profession qu’il est assez sot pour en rougir; je ne sais pourtant lequel est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, à quelle heure il se couche, et qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministre, ou un négociant qui enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres à Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde.
La philosophie
Dans la lettre XXV, la dernière, Voltaire critique certaines idées de Pascal en prenant des citations de ses Pensées et en donnant à la suite son propre point de vue sur le même sujet. La différence majeure entre ces deux philosophes est leur conception de l’homme : Pascal insiste sur l’aspect misérable et malheureux de l’homme qui comble son vide intérieur par le divertissement, tandis que Voltaire affiche en véritable philosophe des Lumières une foi optimiste en l’homme.
Bibliographie
- Lettres philosophiques. Derniers écrits sur Dieu. Présentation par Gerhardt Stenger, Paris, Flammarion, 2006 (coll. GF n° 1224) (ISBN 9782080712240)
- Portail des Lumières
- Portail de la littérature