Les Deux Vérités

Les Deux Vérités ou Les Deux Réalités, (sanskrit: satyadvaya), l'une relative ou conventionnelle (sanskrit : saṃvṛti-satya) et l'autre ultime ou radicale[1] (paramārtha-satya), est une notion fondamentale du bouddhisme qui interprète la réalité (satya) sous deux perspectives[2]. Ainsi, certaines vérités ou désignations sont utilisées dans le cadre d'enseignements par le Bouddha, mais ceci uniquement dans un but conventionnel, afin de les rendre accessibles[3]. L'école Mādhyamaka utilisera ces deux vérités dans sa doctrine.

Pour l’article homonyme, voir Les Deux Vérités (film).

Origine

D’après Alexis Lavis :

« La “vérité”, telle qu’on la trouve exemplairement employée dans les Quatre Nobles Vérités (catvarya-satya) – il y a mal-être ; il y a origine du mal-être ; il y a cessation du mal-être ; il y a chemin vers cette cessation –, est vérité du chemin, c’est-à-dire, ce à quoi il est “bon” de se fier, comme l’est l’étoile Polaire pour le marin. […] Les Quatre Nobles Vérités n’en sont pas moins évacuées dans le Soutra du cœur de la Prajñāpāramitā où figurent les vers suivants : “il n’y a ni mal-être, ni origine du mal-être, ni cessation du mal-être, ni chemin vers cette cessation.” Comment ne pas y voir une contradiction ? La seule manière de l’éviter est de recourir à différents ordres de vérité, un peu à la manière de Russell dans sa théorie des types logiques. Si les Quatre Nobles Vérités sont vraies et si leur contraire l’est aussi, ils ne peuvent pas l’être au même niveau ou selon la même acception. C’est précisément pour résoudre ce point qu’intervient la distinction entre paramārthasatya et saṃvṛtisaya – comme principe herméneutique de l’enseignement bouddhique. Elle suggère donc qu’il existe au moins deux perspectives dans l’enseignement qu’il ne faudrait pas confondre à moins de tomber dans une contradiction[1]. »

Selon Guy Bugault :

« La distinction de deux vérités n'est pas une invention de Nagarjuna. On la trouve déjà dans les textes anciens sous les termes [ palis ] de sammuti-sacca ou vohāra-desanā » d'une part, paramattha-sacca d'autre part. Le Bouddha lui-même ne cesse de répéter, à propos de sa doctrine et discipline [...] : « Je l'enseigne comme double » (dvayam vadāmi, Majjhima-nikāya, III)[4]. »

Vérité relative ou conventionnelle

La réalité relative ou réalité d'enveloppement, réalité de surface, ou réalité conventionnelle se rapporte au mode d'apparence des phénomènes et de l'existence. Elle décrit non seulement comment apparaissent les choses aux yeux des êtres, mais aussi les mécanismes de la causalité, les interactions entre les phénomènes (interdépendance), bref l'efficience de l'existence phénoménale[5].

Vérité absolue, ultime ou radicale

Paramārtha est ce que voit et expérimente l’Éveillé en tant que vacuité. Et c’est pour cela qu’on l’appelle l’Omniscient[6]. La réalité absolue désigne le mode réel des choses, leur nature essentielle et ultime[5].

Georges B.J. Dreyfus ajoute :

« L'importance de l'enseignement des deux vérités est bien révélé par Nagarjuna lorsqu'il dit que l'enseignement du Bouddha est entièrement basé sur les deux vérités, la vérité conventionnelle et la vérité ultime [...] La vérité ultime est ce qui amène à la libération et la vérité conventionnelle est ce qui aide à comprendre la vérité ultime. C'est pour cela que les enseignements du Bouddha sont dits être basés sur les deux vérités[7]. »

Au niveau absolu, les deux vérités sont identiques. Au niveau relatif, les deux vérités sont distinctes. L'esprit illusionné ne fait pas la distinction entre réalité relative et réalité absolue[8]. La vérité absolue est celle que réalisent les Êtres éveillés, la vérité relative est le fait des êtres qui restent plongés dans l'illusion et l'ignorance.

Georges B.J. Dreyfus explique :

« L'enseignement du Bouddha a deux aspects : un aspect de sagesse (Prajna) et un aspect de méthode (Upaya). [...] La sagesse comprend les choses dans leur aspect relatif, conventionnel, mais surtout, elle est destinée à comprendre la vérité ultime, la nature ultime des phénomènes. La méthode est développée en relation avec la vérité conventionnelle. [...] Tous les enseignements du Bouddha se basent au moins sur une des deux vérités et, en fin de parcours sur les deux vérités alliées[7]. »

Notes et références

  1. Alexis Lavis, La conscience à l’épreuve de l’éveil : Lecture, commentaire et traduction du Bodhicaryāvatāra de Śāntideva, Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Sagesses d’Asie », , 546 p. (ISBN 978-2-204-12762-2), p. 138–140.
  2. « Saṃvṛti-satya », sur Encyclopedia Britannica (consulté le ).
  3. (en) Nyanatiloka, « Buddhist dictionary - Manual of buddhist terms and doctrines ».
  4. Nagarjuna, Stances du milieu par excellence, traduit par Guy Bugault, Gallimard/Connaissance de l'Orient, Paris, 2002, p. 306.
  5. Dictionnaire Encyclopédique du Bouddhisme par Philippe Cornu, Seuil, nouvelle éd. 2006, p. 157.
  6. Cecil Bendall, Sikṣasamuccāya. A Compendium of Buddhist Doctrine, Londres 1922, Delhi 1992, p. 136.
  7. Georges Dreyfus, Les deux vérités selon les quatre écoles, , éd. VajraYogini, Marzens, 2000, p.5.
  8. Dictionnaire Encyclopédique du Bouddhisme par Philippe Cornu, Seuil, nouvelle éd. 2006.

Voir aussi

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