Les Conséquences économiques de la paix

Les Conséquences économiques de la paix est un ouvrage publié en 1919 par John Maynard Keynes, dans lequel est comparé le traité de Versailles à une « paix carthaginoise », par référence à la rigueur du traité de paix à la fin de la Deuxième guerre punique. Refusant les propositions de son éditeur et amant Daniel MacMillan (frère du premier ministre Harold Macmillan), il le publie à compte d'auteur : l'immense succès de l'ouvrage lui procure désormais une aisance financière [1].

Les Conséquences économiques de la paix

Pays Royaume-Uni
Version originale
Langue Anglais
Titre The Economic Consequences of the Peace
Date de parution 1919

Résumé

Keynes avait fait partie de la délégation britannique qui négociait le traité, et défendait une position conciliante à l'égard de l'Allemagne. N'ayant pas été écouté, il publiera ce pamphlet[2] qui devint rapidement un best-seller dans le monde entier.

La thèse de Keynes était que les réparations de guerre exigées de l'Allemagne étaient :

– un facteur négligé de la négociation, comme si l'économie était négligeable ;
– beaucoup trop élevées par rapport au dommage réel (Keynes s'attachant surtout à démontrer que la France n'a pas tant perdu qu'elle l'affirmait...) ;
– beaucoup trop élevées pour être supportées par l'économie allemande, et par contrecoup par l'économie mondiale ;
– un facteur de ressentiment en Allemagne, donc facteur de risque pour le futur.

En conséquence, l'Allemagne ne « paierait » pas, d'abord parce qu'elle ne pouvait pas.

Les faits lui donneront en partie raison (l'Allemagne a bien souffert d'une crise économique et elle n'a pas payé) et suffisamment pour assurer le succès du livre. Sur d'autres points, pourtant au moins aussi importants, les faits ont démenti Keynes :

- La France était beaucoup plus affaiblie que ne le laissait apparaître la victoire de 1918 ; en effet, en plus du million et demi de morts, la totalité de la partie industrialisée du pays, au nord et à l'est, avait été anéantie par la guerre ;

- L'Allemagne a consacré à son réarmement bien plus que ce qui était exigé d'elle au titre des réparations, mais cela ne fut reconnu que bien plus tard et n'a donc pas nui au succès de l'œuvre.

Postérité

Ce livre aura des conséquences très importantes :

– en Allemagne, il apportera de l'eau au moulin des opposants au « diktat de Versailles », ou, plus modérés, aux organisateurs de l'hyperinflation ;
– aux États-Unis, ce livre a aidé à consolider l'opinion publique américaine contre le traité et pour leur participation à la Société des Nations (à laquelle ils ne participèrent finalement pas) ;
– au Royaume Uni, il aura également diffusé l'idée que l'Allemagne avait été traitée injustement, ce qui sera un facteur majeur au soutien public de la politique d'apaisement dans les années 1930 ;
– en France, le livre fit scandale et suscita une réfutation point par point, les plus connues étant Les Conséquences politiques de la paix (Jacques Bainville) et les critiques du jeune économiste Étienne Mantoux, fils de Paul Mantoux qui publia en anglais aux presses universitaires d'Oxford The Carthaginian peace: or, The economic consequences of Mr. Keynes. Étienne Mantoux démontre que beaucoup de prévisions de Keynes sur le déclin de la production industrielle de l'Europe se sont révélées fausses. Il affirme que les réparations représentaient pour l'Allemagne une charge financière surmontable arguant que le réarmement allemand, clandestin au début, coûta sept fois plus cher.
Selon une analyse récente [3], " la plupart des historiens de l'économie s'accordent aujourd'hui que les réparations étaient raisonnables et que l'Allemagne avait les moyens d'y faire face". D'autre part, Keynes est soupçonné de s'être fait influencer par un de ses amants, le banquier allemand Carl Melchior [3]

« Il est dans l'histoire peu d'épisodes que la postérité aura moins de raisons d'excuser : une guerre engagée ostensiblement pour défendre le caractère sacré des engagements internationaux, aboutissant à la violation d'un des plus sacrés de tous ces engagements, par les champions victorieux de cet idéal même. », chapitre 5, section 2

Notes

  1. Maris B., Keynes ou l'économiste citoyen, Presses de Sciences-Po, 1999, 98 p.
  2. Paris était un cauchemar et tout le monde y était mal à l'aise. Le sentiment d'une catastrophe imminente dominant la frivolité du spectacle, – la vanité et la petitesse de l'homme en face des grands événements, qui s'opposent à lui, – le sens confus et l'inexistence des décisions, – la légèreté, l'aveuglement, l'arrogance, les cris confus de l'extérieur, – tous les éléments de l'ancienne tragédie y étaient. En vérité, celui qui était assis au milieu des ornements théâtraux des salons officiels français pouvait se demander si les figures extraordinaires de Wilson et de Clemenceau, avec leur aspect et leurs signes distinctifs si marqués, étaient en réalité des visages véritables et non les masques tragico-comiques de quelque drame ou de quelque guignol. J.M. Keynes, Les Conséquences économiques de la paix, Introduction
  3. Robert et Isabelle Tombs, La France et le Royaume-Uni, des ennemis intimes, Paris, Armand Colin, , 502 p., P.219

Voir aussi

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