Les Buddenbrook

Les Buddenbrook, sous-titré Le déclin d'une famille (titre original : Buddenbrooks: Verfall einer Familie) est un roman de Thomas Mann paru en 1901[1].

Les Buddenbrook

Les deux volumes de l'édition originale.

Auteur Thomas Mann
Pays Allemagne
Genre Roman
Version originale
Langue Allemand
Titre Buddenbrooks: Verfall einer Familie
Éditeur S. Fischer Verlag
Lieu de parution Berlin
Date de parution 1901
Version française
Traducteur Geneviève Bianquis
Éditeur Fayard
Collection Univers no 8 et no 9
Lieu de parution Paris
Date de parution 1932
Nombre de pages 641

C'est surtout grâce à ce roman que Thomas Mann reçut le Prix Nobel de littérature en 1929, alors qu'en principe le prix Nobel de littérature récompense l'œuvre complète d'un auteur. Mais le rapport sur l'attribution du prix précise que le prix est attribué à Mann, « principalement pour son grand roman, Les Buddenbrooks, qui est de plus en plus reconnu comme l'un des classiques de la littérature contemporaine[2]. »

Inspiré par Le Monde comme Volonté et comme Représentation de Schopenhauer, le roman est fortement marqué par le naturalisme, comme on le voit d'une part dans l'extrême acuité du tableau social qu'il brosse, d'autre part dans la voile sombre qui enveloppe le destin de l'ensemble de la famille Buddenbrook. L'ouvrage produit ainsi l'effet d'un splendide navire qui s'enfonce peu à peu dans les eaux, sans recours possible. L'importance accordée au leitmotiv[Lequel ?] et à la physionomie des personnages, ainsi que les apparitions de personnages issus des classes inférieures et dépeints avec virtuosité et crédibilité, ajoutent à l'effet naturaliste. Toutefois, le cadre principal du roman est bien le milieu de la haute bourgeoisie. Par ailleurs, Thomas Mann fait s'exprimer ses personnages (et pas uniquement des petites gens) dans le parler bas saxon de sa patrie, Lübeck, ce qui, selon sa traductrice en français « donne à bien des pages [du roman] leur relief et leur couleur »[3]

Dans Les Buddenbrook, Thomas Mann fait preuve d'une virtuosité socio-historique, psychologique et dramatique qui rappelle des romanciers tels Balzac ou Zola.

Structure du roman

Le roman est divisé en onze parties elles-mêmes divisées en plusieurs chapitres. La narration est classique. Chaque personnage occupe l'avant-scène par intermittence.

Résumé

L'action se situe à Lübeck entre 1835 et 1877. Le roman raconte le déclin d'une riche famille de négociants dans l'industrialisation, comme l'annonce le sous-titre : Le Déclin d'une Famille.

L'inauguration de la nouvelle demeure des Buddenbrook que la maison Johann Buddenbrook vient d'acquérir dans la Mengstrasse, en , est l'objet de la première partie du roman. Le chapitre premier débute par une scène d'intimité familiale, à laquelle participent trois générations de Buddenbrook. Véritable scène d'exposition, ce chapitre permet à l'auteur de présenter l'aïeul Johann, libre penseur aimable, tout pétri des grâces du dix-huitième siècle ; son épouse Antoinette ; leur fils, le Consul Buddenbrook, homme de son temps, admirateur de l'idéal pratique de la Monarchie de Juillet, personnage grave, scrupuleux et moral ; ainsi que l'épouse de ce dernier, Elisabeth, née Kroeger, et leur fillette Tony (Antonie). Le repas de fête permet de présenter non seulement tous les membres de la famille (notamment les deux jeunes fils du Consul, Thomas, surnommé Tom, et Christian), la famille élargie, comme la cousine Clotilde, mais aussi les amis ainsi que les négociants que fréquentent les Buddenbrook. Légère ombre à cette journée de fête, la lettre adressée par Gotthold Buddenbrook, fils d'un premier lit, à son père Johann, lui réclamant une partie de son héritage dont il s'estime lésé.

C'est au chapitre premier de la deuxième partie que le lecteur prend connaissance des origines de la firme des Buddenbrook, le chapitre annonce la naissance de Clara, quatrième enfant et deuxième fille du Consul : à cette occasion comme la tradition familiale le veut, le Consul complète le livre de raison de la famille et le feuillette apprenant ainsi au lecteur qu'à la fin du XVIe siècle, un Buddenbrook, le premier de ce nom, vécut à Parchim, que son fils fut élevé à la dignité d'échevin à Grabau, qu'un autre Buddenbrook, tailleur d'habits, s'est marié à Rostock. Enfin que plusieurs années plus tard, le grand-père de l'aïeul est venu s'installer pour y fonder un commerce de grains. Le marque dans les archives familiales la date de la fondation de la raison sociale "Buddenbrook". Cette partie met en scène l'enfance et l'adolescence des enfants du Consul. On y découvre l'espièglerie mutine de la jolie Tony que son père se résout à mettre en pension chez Thérèse Weichbrodt. Elle s'y liera d'amitié avec Gerda Arnoldsen, élégante et musicienne, et Armgard von Schillig. On découvre aussi les talents d'imitateur du cadet, Christian, ses étranges phobies, et son penchant pour le théâtre et les actrices, ce qui provoque l'inquiétude de l'austère Consul Buddenbrook, enfin Thomas, l'aîné, actif, intelligent, avisé sur qui le Consul reporte tous ses espoirs et qui semble digne de lui succéder dans la maison de commerce. En 1841, l'aïeule Antoinette meurt, suivie quelques mois plus tard par son époux. La même année le jeune Thomas, à seize ans, rejoint son père dans la maison de commerce.

La troisième partie met en scène une relation d'affaires du Consul : Benix Grünlich. Monsieur Grünlich, ridicule, flagorneur et dont les affaires hambourgeoises paraissent extrêmement prospères, se lance dans une cour pressante auprès de Tony qui ne peut le supporter. La famille soutient la demande en mariage de Grünlich malgré le refus sans équivoque de Tony. Cette dernière devant cette insistance dépérit, la famille se décide à l'envoyer en vacances à Travemünde chez le commandant du pilotage Schwarzkopf. Tony s'éprend de Morten, le fils étudiant en médecine du commandant Schwazkopf. Les vacances se terminent, Tony de retour à Lübeck, malgré cette idylle, accepte, par conformisme familial et malgré sa répugnance le projet de mariage de ses parents. C'est elle qui, de sa main complète avec orgueil le livre de raison familial annonçant ainsi ses fiançailles avec Grünlich. Après la signature du contrat qui assure à Grünlich une dot de 80 000 marks comptant et une fois le mariage célébré, les Grünlich partent s'installer à Hambourg.

Personnages

Johann père

Marié en secondes noces à Antoinette Duchamps, de Hambourg. Il n'a été marié à sa première épouse qu'une courte année, qui fut pourtant la période « la plus heureuse de sa vie »[4]. Celle-ci est morte en couches à la naissance de Gotthold, et Johann père n'a jamais pu pardonner « le meurtre de sa mère à cet intrus sans scrupule »[4]. À quoi s'est ajouté le mariage de ce fils avec une femme de condition inférieure, chose que son père n'a également pas acceptée.

Du second mariage naît Johann, généralement appelé Jean.

Johann fils, dit Jean

Johann a épousé Elisabeth (Bethsy) Kroeger en 1825. Ensemble, ils ont quatre enfants : Thomas, Christian, Antonie et Erika. Il assiste son père à la direction de l'entreprise.

Thomas

Thomas, dit Tom, fils aîné, épouse Gerda Arnoldsen : de cette union naît le 15 avril 1861 un fils unique « Hanno » (pour Johann). C'est avec lui que se terminera la lignée des Buddenbrook, puisqu'il meurt prématurément d'une typhoïde en 1877. À la mort de son père, c'est Thomas qui lui succède à la tête de la société.

Christian

Ses frasques, son dilettantisme et son caractère hypocondriaque font de Thomas un raté. Il tente à plusieurs reprises de travailler, d'abord pour l'entreprise familiale dirigée par Thomas, puis en divers autres endroits, notamment à Hambourg où il essaie de se lancer dans de petites entreprises individuelles. Mais au fond, sa vie se résume à des allers-retours entre Hambourg et Lübeck, où il passe ses journées à fréquenter un club privé, dans lequel il trouve une sorte de famille d'adoption.

Lors de la lecture du testament de leur mère, il s'en prend vertement à son frère Thomas, par qui il se sent continuellement diminué et méprisé. Il entame ensuite une liaison avec une fille d'origine douteuse, avec laquelle il aura un enfant. Cette relation et cet enfant né hors mariage lui attire les foudres de sa famille, notamment son frère Thomas. Celui-ci déclare que dans ces conditions Christian ne saurait prétendre à l'héritage familial.

Mann le dote d'un physique plutôt ingrat, avec des jambes grêles, un teint flavescent et des cheveux blond-roux épars qui annoncent une calvitie prématurée; il donne ainsi le portrait d'un homme fragile et sans ressort, qui paraît nettement plus vieux que son âge réel. Mann caricature en lui la figure du valétudinaire, du personnage maladif qui frôle l'hypocondrie et se complaît à évoquer ses maux en tous genres. Parmi eux, on mentionnera tout particulièrement son fameux « Qual », mot allemand signifiant «tourment». Il s'agit d'une sorte de douleur permanente que le Docteur Langhals diagnostiquera comme étant l'expression de diverses névralgies.

Ce « Qual » est l'excuse et le prétexte à tout, et c'est aussi ce qui rend le personnage assez pitoyable. Peut-être un peu mythomane, racontant ad nauseam les péripéties qu'il aurait vécues à Londres ou à Valparaiso dans ses jeunes années, quand il souhaitait s'affranchir de ses origines, il rappelle certaines figures de James Joyce dans Gens de Dublin, frappées d'une paralysie psychologique profonde qui les empêche à bien quoi que ce soit. Ses récits  parfois cocasses, parfois d'un comique franc qui s'oppose à la rigidité bourgeoise de son frère Thomas, parfois invraisemblables  ont pour point commun d'être interminables ; ils divertissent davantage sa sœur Antonie et son neveu Hanno, et lui valent l'indulgence bienveillante de sa mère, hormis quand ils frôlent l'obscénité. Personnage à la fois minable et sympathique, il fait sourire, énerve, agace. Malgré sa complaisance à rappeler sa santé déplorable , il survivra tant à Thomas qu'à leur sœur Clara. Il insuffle au roman sa part de tonalité pathétique, mais notamment par la dérision.

Antonie, dite Tony

Antonie, dite Tony, est une enfant jolie, gâtée, et pimpante. Plus tard, elle se veut la dépositaire de l'honneur familial. C'est sur ses propos d'enfant de huit ans que s'ouvre du roman, dans une conversation chaleureuse avec son grand-père. Les trois premières parties du roman cristallisent l'importance qu'elle y aura tout au long et qui, bien que s'étiolant parfois, demeure de premier plan jusqu'au bout.

Moqueuse et espiègle, c'est une enfant puis une adolescente radieuse et pétulante, très aimée et cherchant à l'être de tous, fière et jouissant du statut de sa famille qui rejaillit sur elle dans les salutations que lui adressent les passants. Dès son enfance, elle possède une conscience de classe frappante qui la déchire dans les décisions qu'elle prendra.

Ainsi, elle exprime des jugements lucides et railleurs sur Bendix Grünlich qui demande sa main, mais elle finira par se plier aux désirs de ses parents qui veulent qu'elle se fiance avec lui, et ce quand bien même elle s'est éprise d'un autre garçon, Morten Schwarzkopf. C'est que Bendix Grünlich, bien que flagorneur et dépourvu de charme, convient à ses parents car il mène des affaires florissantes à Hambourg.

L'ironie tragique de la troisième partie du roman consiste en la juxtaposition de deux antipodes : le discours égalitaire et socialiste de Morten Schwarzkopf, qui vitupère l'excès la noblesse et les privilèges de classe, et l'extrême conformité à laquelle Antonie se résigne à épouser Grünlich. Mann insère ainsi une double critique des discours s'équilibrant difficilement dans une société impériale touchant à sa fin mais rassemblant des hiérarchies très diverses selon ses régions, ce qui sert de préambule aux rébellions de 1848 qui seront l'objet de la quatrième Partie. À la lumière de la suite du roman, ces trois premières parties avec l'enfance dorée de cette enfant espiègle suivie par l'idylle avec Morten apparaissent tels un paradis à jamais perdu. En effet, à partir du mariage de Tony avec Grünlich, s'enclenche inexorablement la Chute des Grands, qui met en branle la tragédie familiale.

Tony, par sa résignation aux obligations sociales, renonce à la possibilité de mener la vie de fraîcheur et de bonheur à laquelle la destinaient non seulement son statut social, mais surtout sa personnalité gaie et rayonnante. C'est ainsi que s'éteint le principal souffle de fraîcheur de l'œuvre.

Les enfants d'Antonie et de Bendix

Le couple aura deux enfants: Erika (née en 1847), qui épouse Hugo Weinschenk, directeur de l'office municipal d'assurances contre l'incendie. Il est arrêté pour escroquerie et condamné à une peine de prison. À sa libération, il disparaît, abandonnant son épouse. Sa sœur Clara (née le 14 avril 1838) est une femme d'une dévotion austère qui épouse le pasteur Sievert Tiburtius. Le couple va vivre à Riga. Clara meurt sans enfant d'une tuberculose.

  • Gotthold : demi-frère de Jean Buddenbrook, né du premier mariage de Johann. Sa naissance coûte la vie à sa mère. Il épouse une dame Stuwing dont il a trois filles qui ne trouvent pas de parti en raison de leur pauvreté : Henriette, Frédérique et Pfiffi.
  • Clothilde : la cousine pauvre que la famille a recueillie et qui se signale par son appétit et son physique disgracieux.
  • Justus Kroeger : frère de Mme Elisabeth Buddenbrook ; ses deux fils, Jakob et Jürgen ont le même âge que Thomas et Christian Buddenbrook.
  • Lebrecht Kroeger : père du précédent. Les Kroeger aux mœurs aristocratiques et à la vie élégante, se différencient des Buddenbrook aux vertus plus positives.

Les amis

  • Grabow, Friedrich : docteur de la famille ;
  • Hoffstede, Jean-Jacques : poète et ami de l'aïeul (Thomas Mann aurait composé ce personnage en se basant sur les traits du poète allemand Emanuel Geibel, mais cette référence ne fait pas l'unanimité);
  • Jungmann, Ida : gouvernante des enfants de Johann (fils) puis de Hanno ;
  • Koeppen : négociant en vins ;
  • Langhals : successeur du docteur Grabow comme médecin de famille ;
  • Marcus, Guillaume : fondé de pouvoir de la maison Buddenbrook.

Analyse

Quelque temps après que Thomas eut été élu sénateur et eut décidé de faire bâtir une demeure à la hauteur de son statut social (il est le chef de famille dans la lignée de ses aïeux, foncièrement honnête et travailleur), sa bonne fortune semble lui échapper. Il y eut auparavant quelques signes précurseurs. Par exemple, son frère Christian, pour qui cette existence de négociants en grains ne convient nullement (il préfère le jeu, le théâtre, les actrices) ; sa sœur Antonie, qui a connu deux mariages malheureux. En plus, dans sa jeunesse, pendant qu'il est employé à l'étranger, il est atteint par une crise nerveuse, signe prémonitoire de son avenir.

— Qu'adviendra-t-il du fils de Thomas, Hanno, enfant plutôt rêveur, plus attiré par la musique que par le commerce des grains ?

Adaptations

Au cinéma

À la télévision

Au théâtre

Par la compagnie Puppentheater Halle (Allemagne) en 2011.

Notes et références

  1. Image de la couverture
  2. Site officiel des prix Nobel
  3. Geneviève Bianquis, « Note de la traductrice » in Les Buddenbrock, Paris, Livre de poche, coll. « Biblio », 2003 [Fayard, 1932, 1965].
  4. Les Buddenbrock, LP, 2003, p. 62.
  5. Les Buddenbrook sur Arte

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