Le Fardeau de l'homme blanc

Le Fardeau de l'homme blanc (The White Man's Burden) est un poème de l'écrivain britannique Rudyard Kipling. Il a été publié à l'origine en dans la revue populaire McClure's, avec pour sous-titre Les États-Unis et les îles Philippines (The United States and the Philippine Islands)[1]. Il peut être lu comme un soutien à la colonisation des Philippines – et plus généralement des anciennes colonies espagnoles – par les États-Unis au cours de la guerre américano-philippine[2], mais aussi comme un avertissement adressé aux États-Unis au sujet des responsabilités morales et financières que leur politique impérialiste les amène à endosser.

Ne pas confondre avec le livre de William Easterly.

Texte du poème


Take up the White Man's burden—⁠
Send forth the best ye breed—
Go bind your sons to exile⁠
To serve your captives' need;
To wait in heavy harness,⁠
On fluttered folk and wild—
Your new-caught, sullen peoples,
Half-devil and half-child.

Take up the White Man's burden—
⁠In patience to abide,
To veil the threat of terror⁠
And check the show of pride;
By open speech and simple,
⁠An hundred times made plain,
To seek another's profit,⁠
And work another's gain.

Take up the White Man's burden—⁠
The savage wars of peace—
Fill full the mouth of Famine⁠
And bid the sickness cease;
And when your goal is nearest⁠
The end for others sought,
Watch Sloth and heathen Folly
⁠Bring all your hope to nought.

Take up the White Man's burden—
No tawdry rule of kings,
But toil of serf and sweeper—
The tale of common things.
The ports ye shall not enter,
⁠The roads ye shall not tread,
Go make them with your living,
⁠And mark them with your dead.

Take up the White Man's burden—
⁠And reap his old reward:
The blame of those ye better,
⁠The hate of those ye guard—
The cry of hosts ye humour
⁠(Ah, slowly!) toward the light:—
"Why brought ye us from bondage,
Our loved Egyptian night?"

Take up the White Man's burden—⁠
Ye dare not stoop to less—
Nor call too loud on Freedom⁠
To cloak your weariness;
By all ye cry or whisper,⁠
By all ye leave or do,
The silent, sullen peoples⁠
Shall weigh your Gods and you.

Take up the White Man's burden—⁠
Have done with childish days—
The lightly proffered laurel,⁠
The easy, ungrudged praise.
Comes now, to search your manhood⁠
Through all the thankless years,
Cold, edged with dear-bought wisdom,
⁠The judgment of your peers!

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
Envoyez le meilleur de votre descendance
Promettez vos fils à l'exil
Pour servir les besoins de vos prisonniers ;
Pour veiller sous un lourd harnais,
Sur un peuple folâtre et sauvage
Vos peuples boudeurs, tout juste pris,
Moitié démon et moitié enfant.

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
D'accepter la règle avec patience,
D'adoucir la menace de la terreur
Et de réprimer la démonstration d'orgueil ;
Par des paroles directes et simples,
Exprimées clairement cent fois,
De rechercher le profit d'un autre,
Et travailler pour qu'un autre y gagne.

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
Les guerres cruelles de la paix
Remplissez la bouche de Famine
Et demandez à la maladie de cesser ;
Et quand vous êtes au plus près du but
La fin que vous recherchez pour les autres,
Regardez Paresse, et Bêtise la païenne
Réduire tout votre espoir à néant.

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
Pas la loi clinquante des rois,
Mais la besogne du serf et du domestique
L'histoire des choses banales.
Les ports où vous n'entrerez pas,
Les routes que vous ne devrez pas prendre,
Allez en faire votre existence,
Et laissez vos morts tout le long.

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
Et récoltez sa vieille récompense :
La critique de ceux qu'on dépasse,
La haine de ceux qu'on surveille
Les cris des hôtes que vous guidez
(Ah, lentement !) vers la lumière :
"Pourquoi nous avoir sorti des entraves,
Nos nuits d'Egypte tant aimées ?"

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
N'allez pas vous courber plus bas
Ni appeler trop fort Liberté
Pour masquer votre fatigue ;
Par tout vos pleurs et vos murmures,
Par ce que vous laissez, et par ce que vous faites,
Les peuples boudeurs et silencieux
Jugeront de vos Dieux et de vous.

Prenez le fardeau de l'Homme Blanc
Finissez-en de vos jours d'enfance
Le laurier offert légèrement,
La louange facile et franche.
Voilà maintenant, pour voir si vous êtes homme
À travers toutes les années difficiles,
Froid, affuté par une sagesse chèrement payée,
Voilà le jugement de vos pairs !

Structure et analyse

Le poème se compose de sept strophes, dont les rimes suivent un schéma ABCBDEFE. Il apparaît comme une injonction intimant à l'homme blanc le devoir de civiliser, de subvenir aux besoins et d'administrer les populations colonisées (le « fardeau » pouvant être à la fois ces populations, et le devoir en lui-même). Il illustre la mentalité des Occidentaux d'alors, croyant au progrès, et qui considèrent être porteurs d'un devoir de civilisation du reste du monde[3]. Ce poème est devenu pour cette raison un symbole de l'eurocentrisme de cette époque et de la justification de la colonisation en tant que mission civilisatrice.

Kipling présente la colonisation comme un « fardeau » assumé par le colonisateur européen : la dimension christique est nette, assimilant le colonisateur à Jésus portant sa Croix lourde des péchés du monde[4]. Le colonisateur, essentiellement masculin (« Exile tes fils »), se distingue par sa sérénité (« sans marquer d'impatience »), malgré la peur (« cette terreur omniprésente »), la fatigue (« labeur de serf » ; « cacher ta fatigue ») et la déception face à l'attitude des peuples colonisés (« ces années d'ingratitude »)[4]. En effet, ces derniers, « agités et sauvages », « mi enfants, mi-démons », se manifestent par leur manque de reconnaissance (« Le blâme de ceux dont tu as amélioré le sort/La haine de ceux que tu as protégés »). À cette figure de barbarie (ces « foules qu'avec ménagement/(Et trop lentement peut-être) tu entraînes vers la lumière ») s'oppose le colonisateur qui avec altruisme (« subvenir aux besoins de tes captifs » ; « avec altruisme/Travaille au bénéfice des autres ») apporte la civilisation et la science : il instaure la paix (« imposer la paix »), « enraye la maladie » et la famine (« nourris les affamés »)[5].

Le poème insiste sur l'amertume de la tâche assumée par le colonisateur européen : si la civilisation britannique, et, au-delà, occidentale, est clairement présentée comme supérieure et destinée à se répandre dans le monde entier, elle n'est pas triomphante[6], comme le montre la conclusion des troisième et quatrième strophes : « Et lorsque tu auras presque atteint ton but/À la rencontre d'autrui/Vois la paresse et la barbare sottise/Anéantir tous tes espoirs » ; « Les ports où tu n'accosteras jamais/Les routes que tu ne fouleras pas/Bâtis-les de ton vivant et jonche-les de tes morts »[5].

Notes et références

  1. (en) Rudyard Kipling, « The White Man's Burden : The United States and the Philippine Islands », McClure's Magazine, vol. 12, no 4, , p. 290.
  2. (en) Benjamin Pimentel, « The Philippines: "Liberator" Was Really a Colonizer; Bush's revisionist history », The San Francisco Chronicle, , D-3 (lire en ligne).
  3. Kipling (1865 - 1936), Le «fardeau de l'homme blanc» sur Herodote.net
  4. Kemoun 2004, p. 33
  5. Kemoun 2004, p. 34
  6. Isabelle Surun (dir), Les sociétés coloniales à l'âge des Empires (1850-1960), Atlande, 2012, p. 465.

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Voir aussi

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