Latin contemporain

L’expression latin contemporain, appelé naguère latin moderne ou latin vivant, se rapporte à l’utilisation contemporaine du latin.

La période du latin contemporain succède à celle du néolatin.

L'usage littéraire du latin

L'épreuve de composition latine[1], obligatoire au baccalauréat ès lettres, est supprimée en France en 1881 (Lois Jules Ferry)[2],[3],[4].

Certains livres sont encore imprimés en latin à la fin du XIXe siècle dans de nombreux domaines, particulièrement scientifiques, dans un souci d'universalité. Le latin se maintient encore au XIXe siècle et XXe siècle comme langue littéraire et donne une abondante production à travers toute l'Europe[5]. Chez certains auteurs de langue française comme (Victor Hugo [6], Baudelaire [7], Rimbaud, etc.) il a été utilisé pour produire une partie minoritaire et accessoire de leur œuvre.

À la fin du XIXe siècle, divers périodiques scientifiques ou littéraires sont encore publiés en latin, comme la revue Vox Urbis: de litteris et bonis artibus commentarius[8], publiée deux fois par mois par l'architecte et ingénieur Aristide Leonori entre 1898 et 1913.

L'opposition au latin

À côté d'adeptes inconditionnels du maintien de l'usage du latin, il ne faut pas négliger l'existence d'un courant culturel opposé à son maintien.

En France, en 1933, Régis Messac critique l'enseignement du latin dans son célèbre pamphlet À bas le latin !. Plus récemment, Françoise Waquet, dans son livre Le latin ou l'empire d'un signe (1998)[9] donne une analyse critique de la place du latin dans l'enseignement.

Usage du latin dans la vie courante

Au début du XXe siècle, en dehors du monde littéraire latin, cette langue est restée utilisée dans des domaines techniques très spécifiques (comme la botanique), mais où il se limite à la nomenclature. Dans d'autres domaines (anatomie, droit), où le latin a été historiquement très largement utilisé, il a survécu dans des phrases techniques et dans la terminologie.

Au XIXe siècle, le latin était parfois utilisé dans le but de dissimuler certains passages de livres lors de leur lecture par des enfants, des personnes de classes inférieures ou des femmes. De tels passages apparaissent dans des traductions anglaises de textes d'autres langues, ainsi que dans des travaux sur le folklore, l'anthropologie, la psychologie, par exemple dans la traduction anglaise de Psychopathia Sexualis de Richard von Krafft-Ebing (1886).

Émergence du latin contemporain

La signalisation du métro de Wallsend est écrite en anglais et en latin.

Peu après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement du latin contemporain reprend de la vigueur, dans le contexte de la construction européenne.

L'idée du « latin vivant » est à nouveau lancée en 1952 par le normalien et ingénieur français Jean Capelle, ancien recteur de l’Université de Nancy qui publie, dans le Bulletin de l’Éducation Nationale du , un article intitulé Le latin ou Babel[10] où il propose le retour au latin. Devant le succès de son article, Jean Capelle réunit en le premier Congrès International pour le latin vivant à Avignon, où se rencontrent près de deux cents participants issus de vingt-deux nations. À une époque où l'usage de l'anglais commence à s'imposer de plus en plus dans le monde, cette initiative, qui paraît anachronique et sembler aller à contre-courant, à défaut d'encouragement s'essouffle rapidement en France.

D'autres périodiques continuent d'être publiés en latin au cours du XXe siècle. En France, à la suite du congrès d'Avignon, l’éditeur avignonnais Édouard Théodore-Aubanel publie la revue Vita Latina. En Allemagne, le périodique Vox Latina est publié par Cælestis Eichenseer de l'université de Sarrebruck à partir de 1965. En Belgique, Melissa est publié, à Bruxelles depuis 1984 par Gaius (Guy) Licoppe, un médecin radiologue. En 2009 est publié par Generation Europe Foundation le Diarium Europa, journal de classe européenne totalement rédigé en latin et distribué à travers l'Europe.

La promotion de l'usage contemporain du latin est assurée par des sociétés savantes et des écoles.

En 1995 est fondée en Brabant wallon (Belgique) l'école internationale « Schola Nova », qui utilise le latin comme langue européenne de communication. En Italie, l’Academia Latinitati Fovendae organise à Rome, en 1966, un congrès international auquel prennent part près de cinq cents participants. D'autres congrès ont suivi : en Finlande, en Espagne, etc. D'ailleurs, en Finlande la radio nationale donne une émission en latin Nuntii Latini. Depuis on peut écouter chaque semaine des émissions en latin produites de Radio F.R.E.I. à Erfurt qui s'appellent Erfordia Latina[11].

En Italie également, l'Accademia Vivarium Novum fondée et dirigée d'abord à Naples puis à Rome par Luigi Miraglia reçoit des jeunes du monde entier pour des séjours d'un an et plus. Ces jeunes n'y parlent que le latin et le grec ancien. De plus cette Académie a déjà organisé non seulement en Italie, mais aussi en Hongrie, des congrès internationaux de plusieurs centaines de participants et dont les nombreux conférenciers ne s'expriment qu'en latin.

En France, le Cercle latin de Paris (la) (Circulus Lutetiensis) promeut l'usage du latin. Aux États-Unis, Terence Tunberg, professeur de lettres classiques à l’Université du Kentucky à Lexington, a un grand rôle dans la promotion du latin.

La prononciation du latin contemporain suit une reconstruction effectuée par des spécialistes comme Edgar H. Sturtevant (The Pronunciation of Greek and Latin, Chicago Ares Publishers Inc. 1940) et W. Sidney Allen (Vox Latina, A Guide to the Pronunciation of Classical Latin, Cambridge University Press 1965), dont les travaux sont inspirés de ceux qu'avait entrepris Érasme avec De recta Latini Græcique sermonis pronuntiatione dialogus et Alcuin avec De orthographia.

Poésie néo-latine

Depuis la Renaissance, la tradition de la poésie latine ne s'est jamais éteinte[12] et jusqu'à nos jours[13] subsiste une suite ininterrompue de poètes latins, quoique restreinte (en notoriété, production, lecture). Il existe ainsi toujours toute une littérature latine contemporaine comprenant des poètes tels que Arrius Nurus, Geneviève Immè, Alaenus Divutius, Anna Elissa Radke, Ianus Novak, Thomas Pekkanen, Arituneus Mizuno ou Michael Pratensis Oirschotanus.

Il arrive encore aujourd'hui que des poèmes français classiques soient traduits en latin. Ainsi, ont récemment été publiées des traductions contemporaines en vers latins de poèmes de Nerval[14] et d'Apollinaire[15].

Comme l'écrit Jozef IJsewijn : "La France, d’Ausone à Santeul ou au cardinal de Polignac, a été l'une des terres les plus fécondes en écrivains et poètes latins, de telle sorte qu’il y régnait dans le monde cultivé une véritable diglossie latin-français jusqu’à une époque relativement récente[16]."

Traductions en latin contemporain

Depuis le XIXe siècle, plus de 200 ouvrages modernes ont été traduits en latin. On trouve notamment des livres pour enfants et des bandes dessinées. Voici une liste montrant certains exemples notables :

  • 1960 : Winnie Ille Pu (Winnie-the-Pooh), trad. Alexander Lenard[17].
  • 1962 : Ferdinandus Taurus (Ferdinand the Bull) trad. Elizabeth Chamberlayne Hadas.
  • 1963 : Tristitia Salve, fabula amatoria e gallico in linium sermonem converso ab Alexandro Leonardo[18] (traduction du roman Bonjour tristesse de Françoise Sagan, 1954).
  • 1964 : Alicia in Terra Mirabili (Alice's Adventures in Wonderland), trad. Clive Harcourt Carruthers.
  • 1966 : Aliciae Per Speculum Transitus (Quaeque Ibi Invenit) (Through the Looking-Glass, et What Alice Found There) trad. Clive Harcourt Carruthers.
  • À partir de 1973 : Astérix[19] (Asterix)
  • 1983 : Alix - Spartaci Filius (Alix)
  • 1985 : Regulus, vel Pueri Soli Sapiunt (Le Petit Prince) trad. Augusto Haury
  • 1987 : De Titini et Miluli Facinoribus: De Insula Nigra (Les aventures de Tintin : L'Île Noire)
  • 1990 : De Titini et Miluli Facinoribus: De Sigaris Pharaonis (Les aventures de Tintin : Les Cigares du Pharaon).
  • 1991 : Tela Charlottae (Charlotte's Web), trad. Bernice Fox.
  • 1994 : Sub rota (Unterm Rad), trad. Sigrides C. Albert
  • 1997 : Makita sive De historia cuiusdam muris tempore pharaonum, trad. Francisca Deraedt.
  • 1998 : Quomodo Invidiosulus Nomine Grinchus Christi Natalem Abrogaverit (How the Grinch Stole Christmas) trad. Jennifer Morrish Tunberg, Terence O. Tunberg.
  • 1998 : Winnie Ille Pu Semper Ludet (The House at Pooh Corner), trad. Brian Staples.
  • 2000 : Cattus Petasatus (The Cat in the Hat), trad. Jennifer Morish Tunberg et Terence O. Tunberg.
  • 2002 : Arbor Alma (The Giving Tree), trad. Terence O. Tunberg et Jennifer Morrish Tunberg.
  • 2003 : Virent Ova, Viret Perna (Green Eggs and Ham), trad. Terence O. Tunberg et Jennifer Morrish Tunberg.
  • 2003 : Harrius Potter et Philosophi Lapis (Harry Potter and the Philosopher's Stone), trad. Peter Needham.
  • 2006 : Harrius Potter et Camera Secretorum (Harry Potter and the Chamber of Secrets), trad. Peter Needham.

Une liste plus complète de traductions en latin contemporain est disponible dans Vicipaedia (la version latine de Wikipédia).

Notes et références

  1. http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=complat
  2. Chervel, André, « Le baccalauréat et les débuts de la dissertation littéraire (1874-1... », Histoire de l’éducation, ENSL, no 94, , p. 103–139 (ISSN 0221-6280, lire en ligne, consulté le ).
  3. https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2001-2-page-23.htm
  4. « Le discours latin, théorie et application... : à l'usage des élèves de rhétorique... (Seconde édition, corrigée) / par M. A. Jacquet,... » , sur Gallica, (consulté le ).
  5. Romain Jalabert, La Poésie et le latin en France au XIXe siècle, Paris : Classiques Garnier, coll. Études romantiques et dix-neuviémistes, 2017.
  6. http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2007-1-page-42.htm
  7. « lewebpedagogique.com/latingene… »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?).
  8. Volfgangus Jenniges, Vox Urbis (1898-1913) quid sibi proposuerit, Melissa, 139 (2007) p. 8-11.
  9. Françoise Waquet, Le latin ou l'empire d'un signe, XVIe-XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
  10. Une version anglaise du texte fut publiée dans The Classical Journal et signée par lui et Thomas H. Quigley (The Classical Journal, Vol. 49, No. 1, October 1953, pp. 37-40)
  11. Présentation en plusieurs langues sur le site de la station de radio
  12. Dirk Sacré, "An Heir to Joseph Addison : Théodule Paillard-Fernel", dans : Camenae, n° 16, janvier 2014, p. 34-35 : "The periodical did not suffer from a shortage of new Latin poems (Apis Romana sive menstrua litterarum Latinarum collectanea e scriptis tum nostrae aetatis tum superioris aevi excerpta, Novae seriei, Parisiis, Ern. Thorin, 1868, t. III, 379-380 : « À nos abonnés » : « La poésie latine a continué à abonder, ce qui nous a dispensés de puiser aux sources antérieures autant que nous en avions le projet et que nous le permettait une collection assez bien fournie de poëtes latins modernes »)"
  13. LA POÉSIE NÉO-LATINE DU XIXe SIÈCLE À NOS JOURS, sous la direction de Romain Jalabert, Camenae, Paris-Sorbonne, n° 16.
  14. (en) « Crepundia poetica, id est, Carmen de Exherede, a Gallico exemplare Gerardi de Nerval heroicis versibus expressum a Petro Nahon, in : Vox Latina, 213i (t. 54, a. 2018), p. 357 », sur academia.edu (consulté le ).
  15. (en) « Peter Nahon, « Carmen de Latrone : Fantaisie versifiée sur un thème d’Apollinaire », Vita Latina 199, 2019, p. 5-16 », sur academia.edu, Vita Latina (consulté le ).
  16. Lire: Jozef IJsewijn, Companion to Neo-Latin Studies, Amsterdam-New York - Oxford, 1977, p. 89: "To the north of the Alps France is certainly one of the most important province of Neo-Latin....France had maintained the lofty traditions of the Middles Ages and was the homeland of a large number of the best Latin writers from the time of Gregory of Tours to the time of Bernard of Clairvaux, Hildebert de Lavardin and so many others. France continued maintaining these traditions during the modern era : throughout the sixteenth and seventeeth century literature in France was virtually bilingual. ...In fact it was not until after the French Revolution that Latin died out."
  17. (la + fr) Alan Alexander Milne (trad. de l'anglais par Alexander Lenard & Florient Azoulay & Isabelle Doré), Winnie ille Pu : Winnie le Pfou, Paris, Les Belles Lettres, , 269 p. (ISBN 978-2-251-44506-9)
  18. http://www.aml-cfwb.be/catalogues/general/titres/124438 : Consulté le 4 mai 2016.
  19. Asterix en latin.

Voir aussi

Bibliographie

  • Clément Desessard, Le latin sans peine, Assimil (ISBN 2-7005-0021-0)
  • Jacques Gaillard et Anne Debarède, Urbi, orbi, etc. Le latin est partout, Paris, Plon, 2000.
  • Joseph Ijsewijn, A companion to neo-latin studies, 1977
  • Guy Licoppe, Pourquoi le latin aujourd'hui ? : (Cur adhuc discenda sit lingua Latina), s.l., 1989
  • Guy Licoppe, Le latin et le politique : les avatars du latin à travers les âges, Bruxelles, 2003.
  • Cesare Paperini, Impara a parlare e a scrivere nella lingua latina, Torino, Società Editrice Internazionale, 1953.
  • Wilfried Stroh, Le latin est mort, vive le latin! Petite histoire d'une grande langue, Paris, Les Belles Lettres, 2008.
  • Françoise Waquet, Le latin ou l'empire d'un signe, XVIe-XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998.
  • Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit (sous la direction de ): "Sans le latin...", Mille et une nuits, Paris, .
  • Romain Jalabert, La Poésie et le latin en France au XIXe siècle, Paris : Classiques Garnier, coll. Études romantiques et dix-neuviémistes, 2017. (ISBN 9782406069683)

Articles connexes

Liens externes

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