Latérite

La latérite (du latin later, brique) est une roche rouge ou brune, qui se forme par altération des roches sous les climats tropicaux. Le sens large désigne l'ensemble des matériaux, meubles ou indurés, riches en hydroxydes de fer ou en hydroxyde d'aluminium, constituant des sols, des horizons superficiels, des horizons profonds de profil d'altération. On trouve des latérites surtout en domaine intertropical. Elles recouvrent 33 % des continents.

Un chemin de terre dans la province de Misiones dans le nord de l'Argentine.
Un profil latéritique : transition depuis le bas, un saprolite meuble vers une fine latérite indurée marron, le tout sous un sol latéritique (Inde).

La latérite désigne un matériau induré utilisé pour la construction d'édifices dans les régions tropicales.

Les sols latéritiques sont des sols maigres, lessivés et appauvris en silice et en éléments nutritifs fertilisants (Ca, Mg, K, Na). La végétation, comme les grandes forêts équatoriales, reste cependant abondante sur ces sols, bien que fragile.

Le fer oxydé donne la couleur rouge d'une latérite. La présence d'alumine Al2O3 fait de certaines latérites appelées bauxite le principal minerai d'aluminium.

Il s'agit aussi d'une réserve importante d'aquifères, les sols latéritiques filtrant environ 50 % de l'écoulement global.

Dénomination

Fabrication de briques de latérite en Inde

Le terme latérite est attribué à Francis Buchanan-Hamilton (1807) pour décrire un matériau argileux servant à la construction, exploité dans les régions montagneuses de Malabar en Inde. Ce matériau y présente l'aspect d'un dépôt ferruginisé situé à faible profondeur dans le sol. Lorsqu'il est frais, il peut être facilement découpé en blocs réguliers à l'aide d'un instrument tranchant. Exposé à l'air, il durcit rapidement, et résiste alors remarquablement aux agents météorologiques. Il en résulte son emploi comme matériau de construction comparable à celui des briques. Dans les dialectes locaux, ces formations sont appelées terre à brique, « laterite » n'étant qu'une transposition latine, later signifiant brique. Les latérites de couleur rouille sont composées majoritairement de kaolinite et d'oxyde de fer (goethite et hématite) qui peuvent s'éclaircir ou s'assombrir suivant le milieu. Toutefois le terme très vite doit recouvrir des notions éparses qui obligent désormais à parler de latérites plutôt que d'une latérite[1]. Un monument en latérite, posé par la Commission géologique de l'Inde dans le Kerala, fait état de la découverte de Hamilton[2].

Formation

Une latérite peut se former à partir de n'importe quel type de roche, mais seulement si le climat est chaud et humide sur une période prolongée. Cependant, il se forme autant de types de latérites qu'il y a de roches d'origine. Lors de l'altération, les minéraux de base les plus instables disparaissent (comme les feldspaths), et les ions les plus solubles s'échappent en solution. Les autres restent sur place en formant de nouvelles roches.

Minéraux altérés

Brique de construction en latérite (Inde, échelle cm). Le terme latérite provient du latin later, la brique.

Les principaux minéraux altérés sont des silicates, le quartz (silice), et des carbonates :

  • Les nésosilicates et inosilicates ferromagnésiens : olivine, péridots, pyroxènes, amphiboles. Ils libèrent des ions Fe, Mg, Ca et contribuent à la néoformation d'oxyhydroxydes.
  • Les micas : ils libèrent les ions K et Fe. Les biotites et muscovites donnent des glauconites, se transformant en illites puis en montmorillonites de dégradation.
  • Les tectosilicates : feldspaths, donnant lieu à néoformation d'argiles en climat chaud humide, ou libérant juste des produits solubles et amorphes en climat froid à tempéré.
  • Le quartz : connu pour sa très forte résistance à l'altération, il peut être trouvé avec un taux de lessivage allant jusqu'à 20 % sous les climats tropicaux. Dans ces conditions, la silice est beaucoup plus soluble et mobile que les oxydes de fer et d'aluminium et de ce fait lessivée de façon préférentielle.
  • Les carbonates : calcite, dolomite, qui libèrent des ions bicarbonates (HCO3) et déposent les impuretés argileuses qu'elles contenaient éventuellement.

Minéraux formés

L'altération des roches à l'origine des sols latéritiques donne lieu à la création de complexes d'altération de deux formes :

Caractéristiques des latérites

Altération irrégulière d'un tuf basaltique (blanchâtre) en saprolite (jaunâtre) et latérite (marron foncé), en section géologique. Vangaindrano (Madagascar)
Formation latéritique sur du basalte, Brésil

Profil latéritique typique

Un profil d'altération typique des massifs latéritiques contient les grands ensembles suivants (du haut vers le bas du profil d'altération) :

  • Cuirasse et carapace : formation massive à oxydes de fer et d'aluminium, quartz, kaolinite
  • Formation tachetée : formation nodulaire à oxydes de fer et d'aluminium, quartz, kaolinite
  • Saprolithe fine ou lithomarge : zone saturée d'eau à quartz, marquée par la dominance des minéraux secondaires d'altération
  • Saprolithe grossière ou arène : formation dominée par la nature de la roche-mère, possédant des fragments de roche et des minéraux primaires en grains séparés
  • Roche mère silico-alumineuse

Plus on se trouve haut dans le profil, plus le taux d'altération chimique est élevé et plus la présence d'argiles est marquée. Les épaisseurs ont des tailles variables, et peuvent aussi bien être de quelques mètres que supérieures à 100 mètres.

Minéraux des latérites

On trouve les minéraux secondaires néoformés suivants :

Il ne faut pas oublier de citer les solutions solides obtenues par mélange de pôles : goethite alumineuse, hématite alumineuse… Certains minéraux primaires très peu altérables peuvent être hérités : quartz, rutile, zircon, et or natif…

Néoformation d'argiles

D'après Tardy (1997)[3], il existe trois séquences d'altération différentielles des minéraux primaires, contrôlant la formation des différentes argiles. Plus un minéral primaire est fragile, plus le stade d'altération atteint est poussé. Les facteurs contrôlant la nature des argiles néoformées sont le taux de lessivage, le confinement du milieu, le climat, la topographie. Par exemple, au sommet se forment des kaolinites, de la gibbsite, car le lessivage y est très fort, et donc les hydrolyses sont efficaces. Au contraire, à la base le lessivage est faible, et des illites et chlorites se forment, si le milieu est acide. En milieu acide se forment des smectites et palysépioles.

Processus d'altération et pédogenèse

Théories sur le développement des latérites

Diverses théories peuvent expliquer le développement de sols latéritiques :

  • Résidus : Les latérites se développeraient sur une roche-mère saine après une très longue période d'altération et d'exposition à un climat aride. Un tel développement nécessiterait une très grande quantité de roches pour produire assez de fer résiduel, sous forme d'oxydes, comme l'hématite ou la goethite. Cette théorie est la plus couramment reconnue.
  • Horizon de sol : cette théorie consiste en la précipitation directe au-dessus de la zone de fluctuation de la nappe d'eau. Cependant, cette théorie n'existe pas dans le cas des latérites très épaisses.
  • Dépôt : un dépôt de fer et d'aluminium, à partir d'ions en solution. Ceci serait valable pour les latérites bréchiques ou constituées d'agrégats pisolithiques, mais n'expliquerait pas le cas des latérites massives
  • Nappes influencées par les conditions de surface : les latérites se formeraient par altération de la roche-mère, du fait d'eaux acides issues de marécages, ou enrichies en acides organiques par l'action des végétaux.

La vérité serait une conjonction de ces théories, jouant chacune à plus ou moins grande importance.

Processus de formation des complexes d'altération

Diverses théories courent sur le développement mal compris des complexes d'altération :

  • Héritage : il s'agirait d'une simple microdivision des éléments, sans transformation chimique
  • Transformation chimique mineure : les minéraux perdraient certains ions mobiles, tout en conservant leur structure, par exemple une transition mica - argile
  • Néoformation : des ions seraient perdus par des minéraux, ainsi que leur structure. Les éléments restants recristalliseraient 'in situ'.

Altération géochimique

Le mécanisme chimique mis en jeu dans l'altération des roches saines donnant des latérites est l'hydrolyse totale. Une réaction engendre la destruction de tous les minéraux primaires et la libération de leurs constituants, l'élimination des cations essentiels et d'une partie de Si, ainsi qu'une insolubilisation et une accumulation relative des oxyhydroxydes d'Al et Fe. Influent sur cette réaction la valeur locale du pH et le drainage local, ainsi que le temps d'exposition.

Différents profils latéritiques

Types de sols

Trois grands types de sols constituent les horizons latéritiques : les sols ferrugineux, les sols ferralitiques, les ferrisols.

Carapaces

La carapace est la partie du profil d'altération située juste en dessous de la cuirasse, en constitue une zone de prélude au cuirassement. La carapace est une formation tachetée. Les zones claires sont plus riches en quartz, et les taches de rubéfaction sont dues à la kaolinite. Le fond matriciel peut être jaune, rose ou bien rouge. Au fur et à mesure que l'on monte dans le profil d'altération, les taches se nodulisent et forment des concrétions ferrugineuses.

Cuirasses

Limonite nickellifère sous une cuirasse latéritique. Yaté, Nouvelle-Calédonie (sur sous-sol ultramafique)

Le sommet du profil est très enrichi en fer (jusqu'à 75 % de Fe2O3), et très induré. La transition entre carapace et cuirasse se fait par augmentation du nombre et de la taille des nodules, de l'incrustation de fer sur les parois, ainsi que la diminution des volumes vides, et des plages argileuses à goethite. La couleur du fond matriciel vire au rouge du fait de la concentration en fer.

Les cuirasses, directement soumises à l'érosion, peuvent se dégrader. Cette dégradation se marque par une augmentation de la taille des vides et une individualisation des nodules marquée. La dégradation des nodules donne :

  • Des granules : par dissolution sélective de l'hématite
  • Des pisolithes : dégradation par hydratation
  • Des gravillons : séparation du fond matriciel

Utilité des latérites

Mur en latérite (à gauche) à Angkor Vat.

Construction

Les latérites permettent de fabriquer des briques (later en latin veut dire brique) utilisées dans les pays tropicaux comme pavements, et pour les constructions. Un grand nombre de temples d'Angkor qui datent du Moyen Âge sont construits en latérite, puis recouverts de grès.

Reconstitution des paléoclimats

Cette roche sédimentaire permet de reconstituer la position des climats chauds et humides à l'époque de leur formation.

Minerais

La présence d'alumine Al2O3 fait de certaines latérites appelées bauxite le principal minerai d'aluminium. En effet, lors de l'altération poussée sous climat tropical, si la silice et la plupart des cations sont lessivés, les cations Fe3+ et Al3+ peu solubles et peu mobiles restent sur place, et se concentrent dans des gîtes métallifères exploitables.

Galerie

Références

  1. R. Maingien. Programme de recherche sur la zone tropicale humide. Compte rendu de recherches sur les latérites. UNESCO, 8 juin 1964. Consulter en ligne
  2. Voir le monument à la mémoire de Francis Buchanan-Hamilton
  3. (en) Y. Tardy, Petrology of laterites and tropical soils, Swets & Zeitlinger,

Bibliographie

  • Y. Tardy, « Geochemistry of laterites, stability of Al-goethite, Al-hematite, and Fe3+ - kaolinite in bauxites and ferricretes; an approach to the mechanism of concretion formation », American Journal of Science, vol. 285, no 10, , p. 865
  • F. Trolard, « The stabilities of gibbsite, boehmite, aluminous goethites and aluminous hematites in bauxites, ferricretes and laterites as a function of water activity, temperature and particle size », Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 51, no 4, , p. 945-957
  • Marjorie S. Schulz, « Chemical weathering in a tropical watershed, Luquillo Mountains, Puerto Rico III: quartz dissolution rates », Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 63, nos 3-4, , p. 337-350 (DOI 10.1016/S0016-7037(99)00056-3, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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