La Russie en 1839

La Russie en 1839 est un ouvrage d'Astolphe de Custine publié en 1843 qui relate le voyage que l'auteur a fait en Russie, de juin à septembre 1839, au cours duquel il a eu l'occasion de visiter Saint-Pétersbourg, Moscou, Iaroslavl, Vladimir, et brièvement, Nijni Novgorod avant de revenir à Saint-Pétersbourg, via Moscou[1].

La Russie en 1839

Résumé

Grâce aux recommandations recueillies avant son voyage et à la renommée de sa famille (son grand-père, Adam Philippe de Custine, et son père ont été guillotinés pendant la Révolution française), Custine a pu rencontrer un certain nombre de hauts personnages, comme le tsar Nicolas Ier et son épouse, mais aussi l'ambassadeur de France, Prosper de Barante, ce qui a permis, outre ses capacités d'observation, de dresser un tableau intéressant de la Russie, encore méconnue en Europe à cette époque. Custine la présente comme un pays arriéré, aux routes désastreuses et aux hôtels pouilleux. Surtout, il la voit gouvernée par la peur et la violence et accuse le régime tsariste. Il annonce aussi la place prépondérante qu'aura la Russie.

Bien que présentée comme un recueil de lettres écrites pendant son voyage, La Russie en 1839 a été rédigée par Custine entre 1840 et 1842 et publiée seulement en 1843, longtemps après son séjour en Russie. En Europe, le livre connaît un grand succès auprès du public. Outre la qualité des observations de Custine, ce succès résulte de l'hostilité d'une grande partie de l'opinion publique à l'égard de la politique étrangère russe. Depuis le Congrès de Vienne, la Russie était en effet devenue « le gendarme de l'Europe » et la politique de Nicolas Ier était résolument réactionnaire. La critique est nettement moins favorable au livre mais lui reproche principalement son absence de structure (digressions incessantes), défaut reconnu par l'auteur lui-même. En Russie, le livre est interdit après avoir été brièvement autorisé. Nicolas Ier, outré par la « trahison » de Custine qu'il avait reçu en audience, commande plusieurs démentis maladroits[2]. Le tsar aurait aussi tenté, en vain, de convaincre Honoré de Balzac, lors de son passage à Saint-Pétersbourg en 1843, de récuser Custine[3]. La plupart des réformateurs russes (tels que Vissarion Belinski) accueillent La Russie en 1839 comme une critique intéressante, bien qu'imparfaite, du régime, et le livre se met à circuler sous le manteau.

Redécouverte

Juste après la Seconde Guerre mondiale, La Russie en 1839 sort de l'oubli dans lequel elle était tombée lorsque des chercheurs américains établissent des parallèles entre le régime policier de la Russie de Nicolas Ier et le régime communiste de l'URSS de Staline[4]. Dans sa biographie de Staline datant de 1935, Boris Souvarine se référait déjà maintes fois aux analyses de Custine pour caractériser un siècle plus tard le système stalinien.

On a rapproché La Russie en 1839 de De la démocratie en Amérique, publiée quelques années auparavant par Tocqueville. Les deux œuvres ont en commun leur caractère visionnaire. La démarche sensible de Custine n'a cependant rien de commun avec celle, scientifique, de Tocqueville. L'auteur de La Russie en 1839 a « mal vu, mais bien deviné », comme il le dit lui-même, le système tsariste, ainsi que l'évolution que celui-ci risquait de connaître (la révolution[5]).

Des extraits de La Russie en 1839 ont été publiés sous le titre Lettres de Russie, ce qui explique que l'ouvrage de Custine soit souvent dénommé de cette façon.

Notes

  1. Anka Muhlstein, Astolphe de Custine, Grasset, p. 239 à 312
  2. N. Gretch, Examen de l’ouvrage de M. le marquis de Custine intitulé « La Russie en 1839 », Paris, 1844; J. Yakovlef, La Russie en 1839, rêvée par M. de Custine, Paris, 1844
  3. André Maurois, Prométhée ou la vie Balzac, Hachette (1965), p. 482 à 485.
  4. Ainsi George F. Kennan, The Marquis de Custine & His "Russia in 1839"
  5. Dictionnaire des œuvres Laffont Bompiani

Bibliographie

  • Albert Marie Pierre de Luppé, Astolphe de Custine, Monaco 1957.
  • Francine-Dominique Liechtenhan, Astolphe de Custine voyageur et philosophe, Paris 1990.
  • Julien Frédéric Tarn, Le Marquis de Custine ou les Malheurs de l'exactitude, Paris, 1985.
  • (de) Christian Sigrist, Das Russlandbild des Marquis de Custine. Von der Zivilisationskritik zur Russlandfeindlichkeit, Frankfurt 1990.
  • (en) Irena Grudzinska Gross, The Scar of Revolution, Custine, Tocqueville, and the Romantic Imagination, Berkeley 1991.
  • (en) Anka Muhlstein, Astolphe de Custine: The Last French Aristocrat, London 2001.
  • (en) George F. Kennan, The Marquis de Custine and His Russia in 1839, London 1972.

Articles connexes

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