John Millington Synge
John Millington Synge, né le , à Rathfarnham[1], et mort le à Dublin, est un dramaturge, prosateur et poète irlandais, l'un des principaux artisans du Celtic Revival, mouvement littéraire formé pour redonner vie à la culture irlandaise. Il est l'un des fondateurs du théâtre de l'Abbaye, à Dublin.
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D'origine protestante, il s'est surtout intéressé au monde des paysans catholiques de son pays, chez lesquels il croyait retrouver le vieux fond culturel païen de l'Irlande. La première représentation de sa pièce la plus célèbre, Le Baladin du monde occidental, provoqua des émeutes à Dublin en 1907.
Biographie
Enfance et jeunesse
Synge, dernier fils d'une famille de huit enfants, naît à la campagne. Son père, avocat issu de la noblesse terrienne, meurt de la variole en 1872. Sa mère vient s'installer à Brentham, dans la banlieue de Dublin, où vit sa mère. Synge y mène une enfance heureuse pendant laquelle il s'intéresse notamment à l'ornithologie. Il est le cousin de Florence Ross avec qui il grandit et partage un intérêt pour l'histoire naturelle.
Il fréquente des écoles privées de Dublin et étudie la théorie de la musique ainsi que plusieurs instruments au Royal Irish Academy of Music. Il étudie l'irlandais et l'hébreu au Trinity College, où il obtient sa licence en 1892. L'un de ses professeurs au Trinity College, est Canon James Goodman, prêtre collecteur de musique traditionnelle, et joueur de flûte et de uilleann pipes. Il lit également Darwin et s'intéresse à la vieille civilisation irlandaise, particulièrement aux îles d'Aran.
En 1893, Synge publie son premier poème fortement influencé par William Wordsworth. L'époque de sa lecture de Darwin est aussi une époque de crise spirituelle, et il renie la religion protestante dans laquelle il a été élevé.
Débuts comme écrivain
Après sa licence, Synge décida en 1893 de devenir musicien professionnel et se rendit en Allemagne pour y compléter sa formation. Il séjourna à Coblence et à Wurtzbourg. Cependant, éprouvant de cruelles difficultés à jouer en public, et doutant de ses capacités, il rentra en Irlande en juin 1894. En janvier de l'année suivante, il partit pour Paris afin d'étudier les langues et la littérature à la Sorbonne. Pendant ses vacances d'été, à Dublin, il tomba amoureux de Cherrie Matheson. Il la demanda en mariage en 1895, puis une nouvelle fois l'année suivante. Elle refusa à cause de leurs divergences religieuses. Cet épisode affecta beaucoup Synge, et renforça sa détermination à passer le plus de temps possible hors de l'île. En 1896, il fit également un séjour en Italie.
La même année, de retour à Paris, il rencontre William Butler Yeats, qui l'incita à aller vivre un moment dans les îles d'Aran. À Paris, il fut également quelque temps du cercle de Maud Gonne, mais s'en dissocia bientôt. Il publia bon nombre de critiques et de poèmes de style décadent dans la revue Irlande libre de Gonne. Il assista aussi à des conférences à la Sorbonne par l'éminent spécialiste des questions celtiques Henri d’Arbois de Jubainville. En 1897, il eut sa première attaque due à la maladie de Hodgkin.
Les îles d'Aran
Synge passa l'été 1898 dans les îles d'Aran. Il y rendit visite à Lady Gregory et vit Yeats et Edward Martyn. Il répéta le voyage tous les étés pendant cinq ans, perfectionnant son irlandais et sa connaissance des histoires et du folklore locaux. Il passait toutefois la majeure partie de l'année à Paris et fit des séjours réguliers en Bretagne.
Dès 1898, il fit paraître un premier compte rendu de son séjour aux Aran dans la New Ireland Review. Son journal sur le même sujet, Les Iles d'Aran (The Aran Islands), fut publié en 1901 puis réédité en 1907 avec des illustrations de Jack Yeats. Il y exprime l'idée que, sous le catholicisme apparent des paysans et des pêcheurs de l'île peut se retrouver un vieux fond de paganisme. L'expérience des Aran forme la base de la plupart de ses pièces.
En 1900, il envoya à Lady Gregory une première pièce : When the Moon has Set. Mais elle la refusa.
Premières pièces
En 1903, Synge quitta Paris et s'installa à Londres. L'année précédente, il avait écrit deux pièces en un acte : Cavaliers vers la mer (Riders to the Sea) et L'ombre de la Vallée (The Shadow of the Glen). Toutes deux furent acceptées par Lady Gregory et représentées au Molesworth Hall, L'ombre de la Vallée en et Cavaliers de la mer en février de l'année suivante. Riders to the Sea a été traduit en français par Cavaliers vers la mer, Cavaliers de la mer. À mer à cheval[3] (2005), version française par Georgette Sable, tente de se départir d'une traduction par trop littérale de ce titre qui met en jeu, dans l'esprit de l'auteur, une complexe relation entre les cavaliers et la mer, entre les chevaux et la mort. À mer..., plus qu'une direction, traduit un véritable sens dans un jeu entre l'amertume et la symbolique de l'équidé psychopompe. Si la mer, comme faiseuse de veuves, est au centre du sujet, le mélange entre christianisme et croyances païennes l'est aussi, et particulièrement avec les chevaux qui par ailleurs faisaient partie de commerce et transport véritables entre les îles Aran et l'île principale d'Irlande. En français, si cavaliers... permet de remonter, par traduction inverse, au titre de la pièce d'origine, cela ne traduit pas pour autant les nuances et la complexité du sujet pétri de tradition gaélique à laquelle Synge s'attachait à rendre hommage en y retrouvant racines et inspiration. Pour d'autres traductions consulter la section notes[4].
Riders to the Sea a aussi servi à l'élaboration de l'opéra en un acte du même nom, achevé en 1932, par le Britannique Ralph Vaughan Williams, présenté au théâtre de l'Athénée (Paris) du 8 au [5].
Du au , L'Ombre de la vallée fut à l'affiche lors des toutes premières représentations du théâtre de l'Abbaye dans lequel Synge joua un rôle important, comme conseiller littéraire puis dans la direction.
Les deux pièces se fondent sur des histoires que Synge avait rapportées de son séjour aux îles d'Aran. L'Ombre de la vallée, l'histoire d'une femme infidèle, fut imprimée sous le titre 'In the Shadow of the Glen et attaquée par le nationaliste irlandais Arthur Griffith qui y voyait une calomnie de la femme irlandaise. Patrick Pearse, un autre nationaliste critiqua la manière dont Dieu et la religion étaient présentés dans Cavaliers de la mer. Une troisième pièce en un acte fut ébauchée vers la même époque, The Tinker’s Wedding. Synge lui-même ne chercha pas réellement à la faire jouer. Celle-ci comprenait en effet une scène dans laquelle un prêtre était enfermé dans un sac, et, comme il l'écrit en 1905 à Elkin Mathews, son éditeur, cela aurait heurté « beaucoup de nos amis de Dublin ».
Le Baladin du monde occidental, l'œuvre et les émeutes
En janvier 1907 fut représenté au théâtre de l'Abbaye The Playboy of the Western World, connu en français sous le titre Le Baladin du monde occidental. L'action se déroule dans une région rurale du Nord-Ouest de l'Irlande. Christy Mahon, un jeune homme, arrive dans un village, affirme aux habitants qu'il est en fuite après avoir tué son père. Ceux-ci éprouvent alors pour lui une grande admiration et ne le condamnent pas moralement. Mais le père du jeune homme réapparait et les villageois ne ressentent que du mépris pour un menteur et un lâche.
Des nationalistes, dont Griffith, trouvèrent la pièce trop peu politique et dégradante tant par la vulgarité de son langage que par l'image qu'elle donnait de la situation morale de l'Irlande. Ils contribuèrent alors à provoquer une émeute. Yeats revint immédiatement d'Écosse et, avant la seconde représentation, il fit une déclaration restée célèbre : « vous vous êtes déconsidérés, est-ce ainsi que sera toujours accueillie à l'avenir l'arrivée du génie irlandais ? ». Il décida d'appeler la police. La presse se retourna bientôt contre les émeutiers, et les mouvements de protestations s'épuisèrent.
Dernières années
En 1907, Synge termina The Tinker's Wedding qui ne fut pas représentée en Irlande mais à Londres en 1909.
Cette année, Cuala press publia ses poèmes. Yeats et l'actrice Molly Algood achevèrent la dernière pièce de Synge, Deirdre of the Sorrows, qui fut représentée en janvier 1910 au théâtre de l'Abbaye. Molly Algood y tint le rôle principal.
Héritage littéraire
Synge a contribué à élaborer un style qui resta celui du théâtre de l'Abbaye pendant quarante ans. Son réalisme stylisé contribua pour beaucoup à la formation des acteurs dans l'école du théâtre et, jusque dans les années 1950, les pièces sur la paysannerie formèrent la base du répertoire de l'Abbaye. Seán O'Casey, qui fut le dramaturge majeur suivant à écrire pour ce théâtre, connaissait bien les œuvres de Synge. Il tenta de faire sur les classes populaires urbaines un travail similaire à celui de Synge sur les pauvres de la campagne.
Le critique Vivian Mercier, parmi les premiers, fit remarquer ce que Samuel Beckett devait à Synge[réf. nécessaire]. Dans sa jeunesse, Beckett fut un habitué du Théâtre de l'Abbaye où il admirait tout particulièrement les œuvres de Yeats, Synge et O'Casey. Il y a une similitude frappante entre les personnages des pièces et des romans de Beckett et les vagabonds, les mendiants et les paysans qui peuplent les œuvres de Synge.
En France, Françoise Morvan a traduit le théâtre complet de Synge en transposant l'anglo-irlandais (anglais marqué par les structures du gaélique) en un français marqué par les structures du breton (cette transposition restitue cette langue qui est une caractéristique essentielle du théâtre de Synge et de sa poésie) (éditeur Les Solitaires intempestifs).
Antonin Artaud, poète et mystique français, a suivi les traces de Synge en Irlande, persuadé que le poète irlandais avait un lien plus ou moins étroit avec une prophétie qu'il s'agissait pour lui d'accomplir. [6]
Notes et références
- Commune alors rurale aujourd'hui intégrée à l'agglomération de Dublin.
- John Millington Synge et Lilo Stephens, My wallet of photographs: the collected photographs of J. M. Synge, Dolmen Press,
- Voir sur anthropomare.com.
- À cheval vers la mer (Riders to the Sea, 1903 ; 1904), théâtre, traduit de l'anglais par Maurice Bourgeois, dans Théâtre. [Paris], Éditions Gallimard, 1942 ; rééditions : [Paris], Librairie théâtrale, « Éducation et théâtre. Théâtre de répertoire » no 18, 1954, 1978, 16 p. , — nouvelle édition : Cavaliers à la mer, traduit de l'anglais par Fouad El-Etr, illustrations de Roland Topor. [Paris], éditions La Délirante, 1975, 1978, édition revue, illustrations de Sam Szafran, 1982, 48 p. ,— nouvelle édition : Cavaliers vers la mer (avec L’Ombre de la vallée), traduit de l'anglais par Françoise Morvan, illustrations de Jack B. Yeats. [Bedée] Éditions Folle avoine, 1993, 96 p. ; réédition dans Théâtre complet. [Arles], éditions Actes Sud, « Babel » no 199, 1996, 324 p.
- « Riders to the Sea, la redécouverte d'un opéra méconnu et merveilleux », dans Le Monde, 06.04.09. et sur le site du théâtre de l'Athénée.
- Florence de Mèredieu, C'était Antonin Artaud, , p. 611
Liens externes
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