Jean Kleberger

Jean Kleberger, né le à Nuremberg et mort le à Lyon, est un marchand allemand philanthrope du XVIe siècle rattaché à l'histoire de la ville de Lyon.

L'homme de la roche

La statue de L'Homme de la Roche, Lyon

Quai Pierre Scize (au numéro 61), sur la rive droite de la Saône à Lyon, se dresse dans une petite grotte « l’homme de la roche ». Cette statue de pierre a succédé à une statue de bois plusieurs fois remplacée pour cause de vétusté et représentant fidélement depuis le XVIe siècle un anonyme « bienfaiteur ». Le une délibération du conseil municipal identifie officiellement Kleberger comme étant ce « bon allemand » resté dans les mémoires lyonnaises et la ville participe à la souscription lancée pour honorer dignement celui dont Albrecht Dürer avait réalisé en 1526 un portrait historique. C'est Bonnaire, sculpteur dont l'atelier se situe quai Pierre Scize, qui exécute en pierre de Cruas un Kleberger habillé en gentilhomme du temps de François Ier car Kleberger fut « valet de chambre ordinaire » de ce roi de France. Le , Lyon inaugure solennellement la statue du « bon allemand » dont la vie reste en partie mystérieuse.

Que sait-on du « bon allemand » ?

La réponse à cette question est compliquée par le fait que ce personnage apparait selon les sources sous le nom de Johan, Johannes, Hans ou Jean Kleberger, Kleeberger, Cleberge ou Cleberg ! Comment le richissime Johannes Kleberger, né à Nuremberg le et déjà notable de Berne et de Genève, a-t-il bien pu s'installer à Lyon alors qu'il venait juste de se marier dans sa ville natale?

Sceau et matrice de David Cléberger. Musée des Hospices civils de Lyon

Grâce à sa situation géographique, Lyon est alors un important centre du commerce européen, « Lyon en France est cœur d’Europe », écrit Barthélémy Aneau dans Lyon marchant en 1541. Autre attrait de la ville, elle est en train de devenir capitale européenne de l'édition et selon Rabelais, on y vend en une seule fois plus d’exemplaires de Gargantua que de Bibles en dix ans ! Rabelais a rencontré Kleberger dont il cite le nom dans le Cinquième Livre : « Je y veiz un rénocéros du tout semblable à celluy que Hans Cleberg m'avoit autresfoys monstré ... ». Michel de Nostredame, le fameux Nostradamus, qui comme Rabelais avait fait ses études de médecine à Montpellier, écrit à propos de Lyon : « la faculté de médecine estoit souverainement faite ». Les Allemands y sont bien implantés, ainsi la maison Imhoff de Nuremberg pour laquelle travaille Kleberger avant de devenir selon Ehrenberg[1] le premier grand financier allemand, au sens moderne du terme.

Tour de la Belle-Allemande.

Selon Sigismond Hugonet, religieux de l'Île Barbe, Kleberger achète en 1522, sur les pentes de la Croix-Rousse, la tour aujourd'hui connue sous le nom de la Belle-Allemande. Construite en 1322 à une hauteur de 165 pieds, elle appartenait à la famille de Sathonay. La veuve de Kleberger a ensuite réduit la hauteur de cette tour de 53 pieds et réaménagé le château attenant[2].

Il est actif aussi bien à Berne dont il est bourgeois depuis 1521, et où on trouve ses traces comme négociant dans cette ville dès 1509, qu'à Genève, ville dans laquelle il résida fréquemment et où il acheta une maison en 1539, le quartier porte encore le nom des Bergues, la rue voisine celui de Kleberger. Réputé pour sa générosité envers les institutions hospitalières des cités qu'il fréquentait, notamment l'Hôpital général de Genève, il avait épousé en 1528 Felicitas (souvent Felicita dans les sources françaises) Pirckheimer, veuve du marchand Hans Imhoff, et fille de Willibald Pirckheimer, illustre patricien de Nuremberg, humaniste et banquier, ami de Dürer.

Le beau-père de Kleberger l'accuse d'avoir empoisonné Felicitas, décédée en , mais il semble que cette accusation n'ait d'autre fondement que des griefs personnels et l'animosité d'un Pirckheimer devenu "atrabilaire" en vieillissant[3]. Une chose est sûre, Kleberger est à Lyon en 1531, l’année de « la grande cherté » : la misère est alors si dure que le clergé a informé les conseillers de la ville qu'il ne pourrait pas soulager le grand nombre de pauvres « si le corps de la ville n’y prenait part ». Une épidémie de peste incite les bourgeois de l'Hôtel-Dieu à ouvrir une souscription pour aider les enfants malheureux, Kleberger inscrit sur la première ligne « un marchand allemand, 500 livres », gagnant le surnom qui ne le quittera plus. Il se remarie. Pelonne Bousin, sa nouvelle épouse, est la veuve d'Étienne de la Forge, marchand, brûlé vif pour hérésie à Paris en 1535. Le « bon allemand », drapier et banquier à Lyon, prête aux rois (dès 1522 à François Ier), donne aux pauvres et gagne la réputation dans le Bourgneuf de pourvoyeur en dot des filles à marier ! Nommé « conseiller échevin » de la ville de Lyon le , il y meurt le 6 septembre de l'année suivante.

Le portrait par Dürer

Johannes Kleberger en portrait par Dürer, en 1525 ou 1526, tableau auj. au Kunsthistorisches Museum de Vienne en Autriche

Exécuté lors d'un séjour de Kleberger à Nuremberg en 1525-26, sa facture est assez peu habituelle chez Dürer : on pense que Kleberger avait lui-même commandé un bas-relief, comme il avait pu en voir sur les façades de demeures "Renaissance" en France. Dürer combine le portrait en relief à la technique picturale, pour aboutir à une œuvre puissante où la pose quasi impériale du sujet exprime la volonté, l'ambition et la farouche détermination de celui qui a réussi. L'inscription E[FFIGIES] IOAN[N]I KLEBERGERS NORICI AN[N]O AETA[TIS] SVAE XXXX (XXXX sans doute en référence aux 40 ans d'âge (XL) du modèle lors de sa pose pour l'artiste, entre 6 février 1525 et 5 février 1526 ?) est accompagnée, sur le haut du cadre, de signes symboliques voire cabalistiques et, dans les deux angles du bas sont représentées les « redende Wappen » (littéralement « armes parlantes ») de la famille Kleberger.

En 1564, Willibald Imhoff achètera à Lyon le portrait, qui appartenait alors à David Kleberger, fils de Johannes. En 1588, il est revendu par les héritiers de Willibald à l'empereur Rudolph II puis, après un passage à Prague, il enrichit la Schatzkammer de Vienne, avant d'être exposé à partir de 1748. Il est aujourd'hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

Références

  1. R. Ehrenberg, Hans Kleberg.
  2. Combe et Charavay 1847, p. 175.
  3. E. Vial, Revue d'Histoire de Lyon, 1912, p. 322.

Voir aussi

Bibliographie

  • Maxime DEHAN, "PERSONNAGE/Jean Cléberger dit le Bon Allemand" dans Histoires lyonnaises, carnet de recherches, (https://lyonnais.hypotheses.org/4819, consulté le ).
  • A. Combe et G. Charavay, Guide de l'étranger à Lyon : Contenant la description des monuments, des curiosités et des lieux publics remarquables, Lyon, Librairie de Charavay Frères, , p. 174-177.

Liens externes

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