Jean-Paul Gut

Jean-Paul Gut, né le , fut directeur général chargé du marketing, de l'international et de la stratégie d'EADS, et membre de son conseil d'administration. Il dirige désormais une société de conseil en développement et investissement international à Londres[1].

Pour les articles homonymes, voir Gut.

Biographie

Études

Jean-Paul Gut a fréquenté le lycée Janson-de-Sailly, et est diplômé d’un master en économie de l’Institut d'études politiques de Paris[2].

Matra

Jean-Paul Gut commence sa carrière en 1983 chez Matra-Défense à l'âge de 22 ans, en tant que vice-président Export. En 1988, il se voit confier le poste de directeur commercial Export. En 1990, il est nommé Executive Vice-President pour les affaires internationales de Matra Défense Espace. En 1993, il accède au poste de Senior Executive Vice-President, chargé de toutes les affaires internationales du Groupe Lagardère. Il devient membre du comité exécutif et stratégique ainsi que conseiller du président Jean-Luc Lagardère dont il fait partie de la « garde rapprochée »[3].

En 1996, il devient Senior Executive Vice President de Matra BAE Dynamics. En 1998, il est nommé directeur délégué de la gérance du Groupe Lagardère, chargé des affaires internationales et du secteur hautes technologies.

Lors de la fusion de Matra-Défense et d'Aérospatiale en 2000, il est nommé président d’Aerospatiale Matra Lagardère International et directeur délégué chargé de la défense et du transport spatial d'Aerospatiale-Matra, l'une des trois sociétés fondatrices d'EADS[4].

EADS

À la création d'EADS, il devient membre du conseil d’administration et du comité exécutif de EADS. Il est nommé, en , directeur général délégué de EADS[5]. Il est également directeur d’EADS International (l’organisation marketing d’EADS) qu’il a fondée à la création du groupe en 2000.

En mai-, il reprend les fonctions de directeur de la stratégie du groupe EADS occupées par Jean-Louis Gergorin, démissionnaire après sa mise en examen dans l'affaire Clearstream 2. Il devient directeur général chargé du marketing, de l'international et de la stratégie jusqu'en .

En , il annonce son départ d’EADS, remplacé par Marwan Lahoud[6]. Il bénéficie de 2,8 millions d'euros d'indemnités de départ, ce qui correspond à 24 mois de salaire, soit ce que prévoyait son contrat de travail pour 24 ans d’ancienneté[7]. En , Médiapart révèle qu'il a touché, en réalité, environ 80 millions d’euros d’indemnités à son départ du groupe aéronautique[8],[9],[10],[11].

Juste avant de partir, il conclut une vente de 80 A350 avec Qatar Airways pour 16 milliards d’euros[12].

Société de conseil

Jean-Paul Gut fonde alors une société de conseil à Londres.
Cette société a pour activité principale l’apport de compétences et d’expérience à l’international aux grands groupes français et européens souhaitant se développer sur les grands marchés internationaux, et une activité d’investissement permettant de rapprocher des grands investisseurs étrangers avec des groupes européens qui souhaitent établir des partenariats, et permettant le financement de projets d’infrastructures avec des groupes financiers internationaux[1]. Sa société travaille avec Airbus, ce qui lui permet de garder un certain pouvoir au sein d'Airbus, essentiellement dans les négociations commerciales[13].
Il a fondé également la société Armat Group.

Affaires et soupçons de corruption

Affaire EADS

Le , Jean-Paul Gut est mis en examen pour délit d'initié en tant qu'ancien directeur général délégué d'EADS[14]. L’affaire, qui remonte à , porte sur la revente de titres EADS quelques semaines avant l’annonce des retards de livraison annoncés par Airbus, annonce qui entraîna une chute de l’action de 26% en une seule séance, et une plainte déposée par les petits actionnaires. Lui aurait vendu 175 000 actions pour une plus value brute de 1 773 250 euros[14]. Jean-Paul Gut défend qu’au moment de la vente des actions, il ne disposait d’aucune information qui lui aurait permis de prédire une chute de l’action quelques mois plus tard[7].

Le , l'AMF met hors de cause les dix-sept protagonistes - dont Jean-Paul Gut - dans l'affaire des délits d'initiés d'EADS[15].

La vente de 7 avions à EgyptAir en 2003

En avril 2003, l’avionneur européen vend sept long-courriers à A330 à la compagnie Egyptair, l’un de ses fidèles clients au Moyen-Orient, pour 900 millions d’euros au prix catalogue. Selon des documents obtenus par Mediapart et Der Spiegel, un intermédiaire émirati, Abbas al-Yousef, a redistribué près de 10 millions d’euros sur ordre direct d’Airbus, sous couvert d’un contrat de « lobbying » destiné à faciliter la vente des avions à Egyptair.

Les instructions sur les montants et les bénéficiaires de l’argent venaient du département Strategy & Marketing Organization International Operations (SMO-IO), anciennement EADS International, ce service secret d’Airbus alors dirigé par Jean-Paul Gut, qui gérait et rémunérait les intermédiaires[16].

Selon Mediapart, qui évoque plusieurs sources, Abbas al-Yousef a mis son savoir-faire au service d’Airbus et « était en relation directe avec Jean-Paul Gut, alors tout-puissant directeur commercial du groupe, qu’il a quitté en 2007 en empochant la bagatelle de 86 millions d’euros [[]][...]. C’est Gut qui a créé et dirigé le fameux service EADS International, rebaptisé ensuite SMO-IO, qui gérait le système des intermédiaires désormais au cœur des enquêtes judiciaires »[16].

Mediapart fait ici allusion aux enquêtes judiciaires menées en France, en Grande Bretagne et aux Etats Unis, qui aboutiront en Janvier 2020 à la reconnaissance par Airbus de pratiques habituelles de corruption et au paiement d'une amende record de 3,6 milliards d'Euros (voir infra).

Mise en examen pour la vente d'avions à la Libye

Jean-Paul Gut a été mis en garde à vue en septembre 2019 pour des commissions versées à Alexandre Djouhri, cité en cela par un article de Médiapart du 4 septembre 2019, relayé sur la page Facebook de ce journal: « Les anciens dirigeants d’Airbus Marwan Lahoud et Jean-Paul Gut ont été placés en garde à vue et confrontés, en juin dernier, dans l’affaire libyenne. En 2009, Claude Guéant avait fait pression pour qu’Airbus (ex-EADS) s’acquitte d’une commission au profit d'Alexandre Djouhri sur la vente d’avions à la Libye. Et les juges ont découvert qu’une somme de 4 millions d’euros avait été dirigée début 2010 vers une mystérieuse société libanaise. »[17]

En Février 2020, Airbus paye 3 amendes record de 3,6 milliards d’euros, pour solder douze ans de « corruption massive »

En janvier 2020, la presse annonce que les tribunaux français, britannique et américain ont validé les accords passés en début de semaine par Airbus et le Parquet national financier (PNF) français, le Serious Fraud Office (SFO) britannique et le Department of Justice (DOJ) américain en vertu desquels le groupe européen s'engage à payer des amendes d'un montant total à 3,6 milliards d'euros: 2,08 milliards en France dans le cadre d'une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), 984 millions au Royaume-Uni et 526 millions aux États-Unis[18],[19].

Le PNF, le SFO et le DOJ enquêtaient conjointement depuis 2016 sur les « irrégularités » portant notamment sur les agents commerciaux intervenant dans les contrats de ventes d'avions. Au total, ces irrégularités concernent des contrats conclus en Chine, dans les Émirats Arabes Unis, en Corée du Sud, au Japon, en Arabie Saoudite, à Taïwan, au Koweit, en Turquie, en Russie au Mexique, au Brésil, au Vietnam, en Inde, en Colombie et au Népal. Éric Russo, procureur, a fait état des « pratiques massives de corruption au sein de la société » et a expliqué: « Ces faits ont été constitués par le versement de millions d'euros de commissions ou d'avantages en nature occultes ».

« La plus grosse affaire de corruption que l'Europe ait connue », « Elle a abouti à la plus grosse pénalité transactionnelle jamais infligée par la justice française. L’amende va rapporter à elle seule deux fois plus que les cinq précédentes conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) conclues depuis leur introduction en droit français par la loi Sapin 2, il y a trois ans. » écrit Médiapart[18].

Les faits et pratiques de corruption dans cette affaire sont détaillés dans les accords signés, et notamment celui signé avec le parquet national financier qui est accessible[20]. Aujourd'hui dissoute, l'unité du groupe Airbus baptisée Strategy and Marketing Organization (SMO), dirigée sous le nom de EADS International par Jean-Paul Gut jusqu'à son départ du groupe Airbus en 2007, puis par Marwan Lahoud qui lui succède alors et la dirige jusqu'en 2017, était au coeur du dossier.

Ces accords permettent de clore les poursuites contre Airbus, mais ne concernent qu'Airbus en tant que personne morale et pas ses dirigeants ou ex-dirigeants. Mediapart cite sur ce point le procureur financier : « Le procureur national financier a indiqué vendredi que l’enquête allait se poursuivre pour « examiner maintenant les responsabilités individuelles » des salariés et dirigeants de l’avionneur »[18].

La quasi-totalité des articles parus sur ces accords souligne que les ex-dirigeants pourront être inquiétés dans le cadre d'une enquête préliminaire toujours en cours24. L'accord signé en outre avec le SFO (Serious Fraud Office) en Grande-Bretagne le 31 janvier 2020[21], précise page 2 et 3 que les poursuites ne sont pas arrêtés pour l'affaire GPT, et que ledit accord ne concerne pas les personnes privées, mais seulement Airbus[22].

Jean-Paul Gut pourrait être concerné par la poursuite des enquêtes pour corruption, diligentées cette fois contre les personnes physiques d'Airbus concernées par ces faits de corruption.

Airbus n'a pas précisé depuis si elle entend se retourner contre ses dirigeants fautifs.

Décorations

Il est chevalier de la Légion d’honneur depuis le 11 juillet 2003[23].

Notes et références

  1. « La reconversion financière de Jean-Paul Gut », sur Intelligence Online,
  2. Ghislain de Montalembert, « Le portrait de la semaine », sur Le Figaro,
  3. EADS : les raisons du départ de Jean-Paul Gut, lefigaro.fr, 11 juin 2007
  4. Jean-Pierre Neu, « Aerospatiale et Matra dévoilent leur nouvel état-major », sur Les Echos,
  5. « Accord des actionnaires sur l'organigramme d'EADS Gustav Humbert prend les commandes d'Airbus », sur Les Echos,
  6. « Marwan Lahoud remplace Jean-Paul Gut chez EADS », sur Challenges,
  7. « EADS : Jean-Paul Gut s'en va », sur LCI,
  8. « Un ex-ponte d'Airbus empoche 80 millions d’euros d’indemnités à son départ », sur actu.fr, (consulté le )
  9. https://www.mediapart.fr/journal/economie/191017/chez-airbus-un-parachute-dore-80-millions-deuros?onglet=full
  10. https://www.spiegel.de/international/business/airbus-corruption-scandal-80-million-euro-severance-package-a-1173736.html
  11. https://www.handelsblatt.com/today/companies/80-million-payment-too-golden-a-handshake/23572674.html?ticket=ST-439402-dpZyugP0Sq2lv7ItG0gH-ap5
  12. Thierry Vigoureux, « L'Airbus A 350 pérennisé par Qatar Airways », sur Le Figaro,
  13. Eric Laffitte, « EADS : Y a-t-il un Gallois dans l'Airbus ? », sur Bakchich
  14. « Jean-Paul Gut mis en examen », sur Le Figaro,
  15. « EADS blanchi devant les marchés », sur La Voix du Nord,
  16. « Airbus ordonne le paiement de commissions occultes au Moyen Orient », sur mediapart.fr, .
  17. « Gueant Djouhri: les juges sur la piste des commissions occultes d'Airbus », sur mediapart.fr, .
  18. « Airbus paye 36 milliards d'euros pour solder douze ans de corruption massive », sur mediapart.fr, .
  19. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/corruption-airbus-evite-le-pire-838561.html
  20. ici, agence-francaise-anticorruption.gouv.fr
  21. ici, sfo.gov.uk
  22. cit.:8. The Agreement brings to a close the SFO's investigation into Airbus and its controlled subsidiaries other than the SFO's separate investigation into GPT (Special Project Management) Ltd ("GPT"). The SFO has indicated that it has no intention of conducting any further investigation ar prosecution of Airbus and its controlled subsidiaries (other than GPT) for the matters disclosed to it prior to this Agreement, and in the agreements reached with the PNF, the DOJ and the DOS. (...) 10. The Agreement does not provide any protection against prosecution of any natural persons. N.B.: Les textes complets des 3 accords signés avec le PNF en France, le SFO en Grande-Bretagne, et le DOJ américain peuvent être trouvé ici: Martine Orange et Yann Philippin, « Airbus paye 3,6 milliards d’euros pour solder douze ans de «corruption massive» », sur Mediapart. Ces textes détaillent en outre les fraudes et leurs mécanismes
  23. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000605980&categorieLien=id

Articles connexes

  • Portail de l’aéronautique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.