Jacqueline Kahanoff

Jacqueline Shohet Kahanoff (en hébreu : ז'קלין כהנוב) (1917-1979) est une romancière, essayiste et journaliste israélienne, née en Égypte. Elle écrit en anglais, même si elle est surtout connue pour une série d'essais, Une Génération de Levantins, qui est publiée en Israël, dans une traduction en hébreu, en 1959. Elle y expose sa notion de « Levantinisme », un modèle social de coexistence tiré de ses souvenirs d'enfance dans la société cosmopolite égyptienne de l'entre-deux-guerres.

Biographie

Jacqueline Shohet est née en au Caire et a grandi à Alexandrie[1]. Son père, Joseph Shohet, est un Juif irakien venu enfant en Égypte, tandis que sa mère, Yvonne Chemla, est née en Égypte, de parents tunisien juifs. La famille de sa mère a fondé le grand magasin Chemla Frères. Jacqueline Shohet parlait plusieurs dialectes arabes, le français, l'anglais, l'hébreu, le turc et l'italien[2].

En 1940, Jacqueline Shohet est allée vivre aux États-unis avec son premier mari, Izzy Margoliash. Après son divorce, elle s'installe à New York où elle obtient un diplôme en journalisme de l'université Columbia. Elle est revenue en Égypte puis s'est rendue à Paris, où elle a épousé Alexandre Kahanoff en 1952. Deux ans plus tard, ils ont déménagé en Israël, se sont d'abord installés à Beer-Sheva, puis dans les faubourgs de Tel-Aviv. Elle a travaillé en Israël comme correspondante étrangère pour des publications américaines. Jacqueline Kahanoff est morte en [3].

Écrivaine

Aux États-Unis, Kahanoff a commencé à publier des récits de fiction. Ses histoires “Cairo Wedding” (Tomorrow, 1945)[4] et “Such is Rachel” (Atlantic monthly, 1946)[5] sont les premières à paraître. En 1951, elle publie un roman, Jacob's Ladder[6], qui évoque la vie en Égypte entre les deux guerres mondiales. Après son installation en Israël, elle se tourna vers le journalisme et des essais autobiographiques. Son article de 1958, “Réflexions d'une Juive levantine”, publié dans le journal américain Jewish Frontier attire l'attention de Nessim Rejwan, un écrivain juif irakien anglophone qui vit en Israël[7]. Rejwan présente Kahanoff à Aharon Amir, qui venait de fonder un journal Keshet (Arc-en-ciel)[8]. Amir s’intéresse au travail de Kahanoff et publie un certain nombre de ses essais dans son journal, y compris les quatre parties du cycle “Générations de Levantins”, en 1959. Ces essais comprennent : “Enfance en Égypte”, “L'Europe vue de loin”, “Le Rebelle, mon frère,” et “Israël : Levant ambivalent”. Amir traduit également Kahanoff, de l'anglais en hébreu, même s'il n'est jamais crédité. À la fin de sa vie, Amir a aussi publié un recueil de ses essais les plus importants, sous le titre Mi mizrah shemesh (De l'Est du Soleil, 1978)[9]. Il existe à ce jour deux volumes posthumes de ses écrits Bein shnei ‘olamot (Entre deux mondes, 2005)[10] et Bâtards ou Merveilles: Écrits levantins de Jacqueline Shohet Kahanoff (2011)[11].

Son idéal levantin

Jacqueline Shohet a grandi dans un milieu cosmopolite à une époque où l'Égypte accueillait volontiers des cultures et des religions diverses. Son œuvre tente de définir une identité "levantine", celle des habitants du Levant qui ont un pied dans la culture de leur pays et un autre dans la culture occidentale[12]. Selon Deborah Starr, en raison de la fluidité de leur identité, de leur caractère non situable, non identifiable, les Levantins (ni arabes, ni européens ; ni musulmans, ni chrétiens, ni juifs) sont apparus comme vaguement inquiétants aux yeux des Européens. Ils ont été perçus comme une menace davantage encore en Israël aux yeux des sionistes ashkénazes, parce qu'ils tentaient de réunir ce que le sionisme avait opposé : l'Orient et l'Occident. Or voilà précisément ce que l'œuvre de Jacqueline Shohet Kahanoff veut promouvoir : le rapprochement des cultures[13]. Toujours selon D. Starr, les juifs arabisés étaient considérés par leurs coreligionnaires européens avec mépris ; ceux parmi eux qui appartenaient à une élite instruite posaient le plus problème à l'establishment, parce qu'ils remettaient en question le projet sioniste[14].

Son influence

L'œuvre de Kahanoff a influencé plusieurs générations d'Israéliens, Séfarades et Mizrahim. Signe de cette influence, Jacqueline Kahanoff apparaît comme personnage dans le roman de Ronit Matalon Ze ‘im ha-panim eleinu[15] (Celui qui nous fait face)[16], et deux de ses essais sont repris dans le roman[17]. Le texte de Kahanoff "L'Europe vue de loin" sert également de base à la vidéo du même titre d'Eva Meyer et Eran Schaerf (2001)[18]. Ses écrits ont également été une source d'inspiration pour le Journal of Levantine Studies, qui a republié son essai "What about Levantinization?" dans son premier numéro[19].

Bien qu'elle ait écrit parfois en arabe et en hébreu, elle a évité le plus souvent de recourir dans son œuvre à ces deux langues qu'elle maîtrisait bien, parce qu'elles étaient associées aux nationalismes arabe et sioniste[20].

Œuvre

  • Jacob’s Ladder. London: Harvill Press, 1951. (L'échelle de Jacob, paru sous le nom de Jacqueline Shohet).
  • Ramat-Hadassah-Szold: Youth Aliyah Screening and Classification Centre. Jerusalem: Publishing Dept. of the Jewish Agency at Goldberg's Press, 1960.
  • Sipurim Afrikayim benei zmaneinu, éd. par Jacqueline Kahanoff. Tel Aviv: ‘Am Ha-sefer, 1963.
  • Mi-mizrah shemesh. Tel Aviv: Hadar, 1978 (De l'Est du Soleil).
  • Bein shenei ‘olamot, éd. par David Ohana. Jerusalem: Keter, 2005 (Entre deux mondes).
  • Mongrels or Marvels: The Levantine Writings of Jacqueline Shohet Kahanoff, éd. par Deborah A. Starr et Sasson Somekh. Stanford: Stanford University Press, 2011. (Bâtards ou Merveilles: Écrits levantins)

Études consacrées à l'auteur

  • Franck Salameh, The Other Middle East: An Anthology of Modern Levantine Literature, p.213-233, introduction et extraits de textes de J. Kahanoff, lire en ligne :
  • Moshe Behar et Zvi Ben Dor-Benite, Modern Middle-Eastern Jewish Thought, 1893-1958, Brandeis University Press, Massachusetts, 2013, p.203-212, présentation et extraits de textes de l'auteur, lire en ligne :
  • Ammiel Alcalay, Keys to the Garden: New Israeli Writing, p.18-39, présentation et extraits de textes de l'auteur, lire en ligne :
  • Hochberg, Gil Z.""Permanent Immigration": Jacqueline Kahanoff, Ronit Matalon, and the Impetus of Levantinism." boundary 2, vol. 31 no. 2, 2004, pp. 219-243. Project MUSE, muse.jhu.edu/article/171415.
  • Joyce Zonana, « “She would rather be a Gaon than a Gaul”. Jacqueline Shohet Kahanoff’s Affirmation of Arab Jewish Identity in Jacob’s Ladder », Sephardic Horizons, 2018, lire en ligne

Voir aussi

Références

  1. Franck Salameh, The Other Middle East: An Anthology of Modern Levantine Literature, p.214, lire en ligne :
  2. Franck Salameh, The Other Middle East: An Anthology of Modern Levantine Literature, p.214, lire en ligne :
  3. Deborah Starr et Sasson Somekh, Jacqueline Shohet Kahanoff--A Cosmopolitan Levantine, Mongrels or Marvels: The Levantine Writings of Jacqueline Shohet Kahanoff, Standford UP, , xi-xxix p.
  4. Jacqueline Shohet, « Cairo Wedding », Tomorrow, vol. 4, no 11, , p. 19–23
  5. Jacqueline Shohet, « Such is Rachel », Atlantic Monthly, vol. 10, , p. 113–116
  6. Jacqueline Shohet, Jacob's Ladder, London, Harvill Press,
  7. Jacqueline Kahanoff, « Reflections of a Levantine Jew », Jewish Frontier, , p. 7–11
  8. Nissim Rejwan, Outsider in the Promised Land, Austin, University of Texas Press,
  9. Jacqueline Kahanoff, Mi Mizrah Shemesh, Tel Aviv, Hadar,
  10. Jacqueline Kahanoff, Bein shnei 'olamot, Jerusalem, Keter,
  11. Jacqueline Kahanoff, Mongrels or Marvels: The Levantine Writings of Jacqueline Shohet Kahanoff, Stanford, Stanford University Press,
  12. "The term "Levantine" came to mean, in the context to which Kahanoff is responding, people from the region who are not clearly identifiable. They have one foot in the local culture and are somewhat oriented toward Western culture.", David B. Green, "Levantism Finds Its Place in Modern Israel" , Haaretz, 25/8/2011, lire en ligne :
  13. "Because of this slipperiness of their identity, their unidentifiability, Europeans found Levantines vaguely threatening. That's also how it got translated into the Israel context, with the mass emigrations in the 1950s of Jews from the Arab-Islamic world. [...] The Levantines were neither Western, in the way that the Zionist leadership saw itself and the state as Western, nor were they entirely Eastern, and they posed this threat of trying to bring some of these Eastern characteristics into mainstream Israel society. That's precisely what Kahanoff embraces, the possibility of bringing these cultures together ", David B. Green, "Levantism Finds Its Place in Modern Israel" , Haaretz, 25/8/2011, lire en ligne :
  14. "The category of "Mizrahim," Arabized Jews, were looked down upon. Those who were from the educated elites in some ways posed a greater threat to the Zionist project.", David B. Green, "Levantism Finds Its Place in Modern Israel" , Haaretz, 25/8/2011, lire en ligne :
  15. Ronit Matalon, Zeh 'im ha-panim eleinu, Tel Aviv, 'Am 'oved,
  16. Ronit Matalon, The One Facing Us, New York, Metropolitan,
  17. Gil Hochberg, « Permanent Immigration: Jacqueline Kahanoff, Ronit Matalon, and the Impetus of Levantinism », Boundary 2, sur Boundary 2, (consulté le ), p. 219–243
  18. « Europe from Afar » (consulté le )
  19. Jacqueline Kahanoff, « What about Levantinization? », Journal of Levantine Studies, vol. 1, no 1, (lire en ligne)
  20. "she deliberately avoided Arabic and Hebrew, given their national stigma, and their exclusivist association with Arabist and Zionist political ethos", Franck Salameh, The Other Middle East: An Anthology of Modern Levantine Literature, p.215, lire en ligne :

Liens externes

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