Industrie nucléaire en Suisse

La Suisse utilise l'énergie nucléaire pour produire de l'électricité depuis 1969. En 2012, le pays compte cinq réacteurs dans quatre centrales. Ces réacteurs ont fourni 19 548 GWh d'électricité, représentant 15,1 % (32 % du mix) de l'électricité produite en 2017. Cette même année, 93,6 % de l'électricité d'origine nucléaire fournie a été produite en Suisse (selon les chiffres de la confédération).

Localisation des centrales nucléaires en Suisse

À la suite des accidents nucléaires de Fukushima, le conseil fédéral annonce le une sortie progressive de l'énergie nucléaire programmée pour 2034[1]. Cette décision a été confirmée le par le Conseil des États tout en n’interdisant pas cette technologie et en exigeant la poursuite de la recherche sur le nucléaire[2],[3], puis le par l'approbation par référendum une nouvelle loi sur l’énergie qui vise à remplacer progressivement le nucléaire par des énergies renouvelables[4].

Historique

Après la Seconde Guerre mondiale, la Suisse tente de développer son propre programme nucléaire civil. Il est cependant stoppé en 1969 par l'accident de la centrale nucléaire de Lucens[5]. Les quatre centrales nucléaires sont mises en service entre 1969 et 1984, toutes avec des technologies importées[5]. Les premiers mouvements d'opposition de la population à cette énergie se développent en 1970.

La Suisse a planifié de construire des armes nucléaires durant la guerre froide. Un mois après les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, le gouvernement suisse étudia cette possibilité et poursuivi son programme nucléaire durant 43 ans jusqu'en 1988[6],[7]. Depuis la Suisse a signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires[8].

En 1988, les projets des centrales nucléaires de Kaiseraugst et Graben sont abandonnés, bien que bénéficiant de certaines des autorisations requises. D'autres projets de centrales ont aussi vu le jour à Verbois, Inwil et Rüthi[9].

Le , le peuple rejette l'initiative populaire « pour un abandon progressif de l'énergie atomique », avec 52,9 % de non. Le même jour la votation sur l'initiative populaire « Halte à la construction de centrales nucléaires (moratoire) » est acceptée avec 54,5 % de oui[10]. Cette votation aboutit au gel des autorisations de construction de centrales nucléaires en Suisse, pour une durée de dix ans[11]. La votation populaire du a rejeté l'initiative populaire « Sortir du nucléaire - Pour un tournant dans le domaine de l'énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires » et l'Initiative populaire « Moratoire-plus - Pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire », respectivement par 66,3 % et par 58,4 % de non[12].

Le le Conseil fédéral décide le remplacement des actuelles centrales et le développement des centrales à gaz[13].

En , le groupe Atel - maintenant renommé groupe Alpiq depuis sa fusion avec le groupe EOS - annonce avoir déposé, auprès de l'Office fédéral de l'énergie une demande de construction d'un site à proximité de celui de Gösgen, ce site aurait une puissance de 1 600 MW[14].

Le , l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) déclare « adéquats » les trois sites proposés (Mühleberg (BE), Beznau (AG) et Gösgen (SO)) pour la construction de trois nouvelles centrales nucléaires en Suisse, le type de réacteur reste à choisir[15],[16].

À la suite des accidents nucléaires ayant touché les installations de Fukushima, la cheffe du DETEC (département fédéral ayant notamment en charge l'énergie) Doris Leuthard décide le de suspendre les procédures en cours concernant les demandes d'autorisation pour la construction des trois nouvelles centrales[17]. Le , le Conseil fédéral confirme la sortie progressive de l'énergie nucléaire[1] en décidant de ne pas renouveler les centrales nucléaires en service et opte pour leur arrêt définitif une fois que celles-ci auront atteint 50 ans, c'est-à-dire entre 2019 et 2034[18]. Le , le Conseil des États a confirmé l’arrêt de la construction de nouvelles centrales nucléaires tout en exigeant la poursuite de la recherche dans le nucléaire[2].

En 2012 est lancée une initiative populaire « Pour la sortie programmée de l'énergie nucléaire ». Le vote effectué le la rejette à 54,2 %[19],[20].

Production électrique

Part du nucléaire dans la production d'électricité

En 2009, la production d'électricité d'origine nucléaire représentait 39 % de l'énergie électrique produite dans le pays, contre 55 % avec des centrales hydroélectriques et 6 % pour les autres types de production (biomasse, éolien et solaire)[21].

1970198019902000200520082009
Puissances des centrales électriques [GWe]10,5413,9916,5618,9119,1219,40-
Hydraulique9,6211,4513,1314,9015,0115,25-
Nucléaire0,351,942,953,203,223,22-
Biomasse0,570,600,490,800,860,87-
Éolien--0,000,000,010,01-
Solaire--0,000,020,030,05-
-
Production électrique (TWh)34,8948,1654,0765,3557,9266,9767,02
Hydraulique31,2733,5430,6837,8532,7637,5637,14
Nucléaire1,8513,6622,3024,9522,0226,1326,12
Biomasse1,760,961,012,372,932,913,24
Éolien---0,0030,010,020,03
Solaire--0,090,170,200,350,5
-
Consommation électrique totale (TWh)25,0935,2546,5852,3757,3358,7362,02

Réacteurs nucléaires

Les cinq réacteurs nucléaires suisses produisent quasi essentiellement de l'électricité. Les centrales de Gösgen et de Leibstadt ont des réseaux de chaleur à distance qui alimentent des industries voisines. Cependant, l'énergie fournie sur ces réseaux de chaleur est très faible par rapport à l'énergie fournie au réseau électrique. Les caractéristiques relatives à chaque réacteur sont les suivantes[22]. La puissance brute correspond à la puissance délivrée sur le réseau augmentée de la consommation interne de la centrale. La puissance nette correspond quant à elle à la puissance délivrée sur le réseau et sert d'indicateur en termes de puissance installée.

Centrale nucléaireNom du réacteurRgTypeModèlePuissance [MW]ExploitantConstruct.Début constr.Raccord. au réseauMise en service comm.
therm. (MWt)brute (MWe)nette (MWe)
BeznauBEZNAU-1[23]1REPWH - 2 loops1 130380365 AxpoWestinghouse Electric Companysept 1965juil 1969sept 1969
BEZNAU-2[24]3REPWH - 2 loops1 130380365 AxpoWestinghouse Electric Companyjan 1968oct 1971déc 1971
GösgenGOESGEN[25]4REPPWR 3 Loop3 0021 035970 KKGKWUdéc 1973fév 1979nov 1979
LeibstadtLeibstadt[26]5REBBWR 63 6001 2201 165 KKLGeneral Electricjan 1974déc 1984
MühlebergMühleberg[27]2REBBWR 41 097390373 BKWGeneral Electricjuil 1971nov 1972

Production énergétique nucléaire de 1970 à 2010

Réacteur197019751980198519901995200020052010
Beznau 11 9472 4912 6512 6342 5622 8502 5393 0962 674
Beznau 202 5472 5592 6292 6362 5613 0712 8012 857
Gösgen005 9366 7487 1317 8217 8047 5888 029
Leibstadt0006 7697 5967 6748 8235 7688 775
Mühleberg02 3442 4822 5012 4782 6692 8172 8553 009
Total1 9477 38213 62821 28122 40323 57525 05422 10825 344

Réacteurs expérimentaux

  • Centrale nucléaire expérimentale de Lucens (CNEL), dont le réacteur était modéré à l'eau lourde et refroidi au dioxyde de carbone, d'une puissance électrique de MW, démarrée en 1968 (arrêté en 1969 à la suite d'un accident avec fusion partielle du combustible).

Réacteurs de recherche

  • Réacteur SAPHIR de type piscine de l'Institut fédéral de recherche en matière de réacteurs (IFR) (maintenant Institut Paul Scherrer), démarré en 1957 après avoir été acquis auprès des Américains qui l'avaient exposé à la conférence « Atoms for Peace » à Genève en 1955. Il fut exploité jusqu'en 1994.
  • Réacteur AGN-201-P de l'Université de Genève de puissance nulle (20 W) modéré à l'eau légère et à réflecteur en graphite et combustible uranium enrichi à 20%, démarré en 1958 et exploité jusqu'en 1989 comme réacteur d'enseignement et de recherche.
  • Réacteur AGN-211-P de l'Université de Bâle de 2 kW modéré à l'eau légère et à combustible uranium hautement enrichi, démarré en 1959 après avoir été exposé à l'Exposition universelle de 1958 à Bruxelles et exploité jusqu'en 2013 comme réacteur d'enseignement et de recherche.
  • Réacteur DIORIT de l'Institut Paul Scherrer à Würenlingen, modéré et refroidi à l'eau lourde et d'une puissance de 30 MW. Il fut démarré en 1960 et exploité jusqu'en 1977. C'est le premier réacteur de conception et construction suisse.
  • Réacteur PROTEUS de l'Institut Paul Scherrer, de puissance nulle et à configuration variable, exploité de 1968 à 2011. Sa particularité est d'avoir une cavité centrale dans laquelle divers types de combustibles pouvaient être utilisés pour varier la configuration du cœur.
  • Réacteur CROCUS, de l'Institut de génie atomique de l'École polytechnique fédérale de Lausanne[28]

Déchets nucléaires

Depuis la mise en service de la première centrale jusqu'à début 2007 l'industrie du nucléaire a produit 7 500 m3 de déchets faiblement, moyennement et hautement radioactifs. Ces déchets sont en partie entreposés dans le dépôt intermédiaire central pour déchets radioactifs de Würenlingen. Avec la mise hors service des centrales actuelles et leurs démantèlement, il faudra compter 95 000 m3 de déchets radioactifs supplémentaires[29].

En 1998, à la suite du rejet d’un projet de stockage géologique des déchets de faible et de moyenne activité dans le canton de Nidwald, une première étude recommande de combiner stockage géologique profond et entreposage de longue durée en surface. Des études plus poussées concluent ensuite que le stockage géologique est préférable[30] et c’est dans cette perspective que des recherches sur le type de roche à privilégier sont menées au laboratoire souterrain du Mont-Terri et au laboratoire du Grimsel. Les recherches pour déposition définitive enfin sont menés par la Cedra dans les régions du Jura alémanique et au nord du Canton de Zurich.

Accident nucléaire

Le seul accident nucléaire connu est celui de la centrale nucléaire de Lucens : le , lors d'un démarrage, un problème de refroidissement entraîna une fusion de l'élement combustible central du coeur et une contamination radioactive de la caverne où était situé le réacteur. L'accident est classé au niveau 4 sur les 7 que compte l'échelle Ines. La caverne a été décontaminée le et le réacteur démantelé au cours des années suivantes. La caverne a été partiellement comblée par du béton en 1992 et les derniers déchets ont été acheminés au centre d'entreposage temporaire de déchets nucléaires de Würenlingen en .

Réglementation

L'autorité de surveillance suisse pour la sécurité et la sûreté des installations nucléaires dans le pays est l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Son siège est à Brugg dans le canton d'Argovie. Elle emploie environ 170 personnes.
Selon les dispositions de la loi sur l’énergie nucléaire, l’exploitant est responsable de la sécurité de ses installations[31]. L’IFSN vérifie si l’exploitant satisfait à ses obligations et responsabilités et en tire une base d’appréciation propre à partir de ses propres analyses, inspections et entretiens de surveillance. L’activité de surveillance de l’IFSN se subdivise en deux missions principales qui sont l’expertise des installations et la surveillance de leur exploitation.

Notes et références

  1. La Suisse sortira du nucléaire en 2034, la Tribune de Genève, consulté le 25 mai 2011.
  2. La Suisse vote la sortie progressive du nucléaire, Le Nouvel Obs, 28 septembre 2011.
  3. Les parlementaires suisses ont approuvé la sortie progressive du nucléaire - Orange actu - AFP 28/09/2011.
  4. Le Monde avec AFP et Reuters, « Les Suisses approuvent l’abandon progressif du nucléaire », Le Monde, (lire en ligne).
  5. « Energie nucléaire », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le )
  6. (en) Gunnar Westberg, « Swiss Nuclear Bomb », International Physicians for the Prevention of Nuclear War, (consulté le ).
  7. (en) B. Edwards, « Swiss Planned a Nuclear Bomb », New Scientist, (consulté le ).
  8. (en) « Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons », United Nations Office for Disarmament Affairs (consulté le ).
  9. Énergie nucléaire, sur le site de l'OFEN, consulté le 2 octobre 2008.
  10. Votation populaire du 23 septembre 1990, sur le site admin.ch, consulté le 2 octobre 2008.
  11. Détail de l'initiative populaire sur le moratoire du nucléaire, sur le site admin.ch, consulté le 2 octobre 2008.
  12. Votations populaires du 18 mai 2003, sur le site admin.ch, consulté le 2 octobre 2008.
  13. « Chronologie de la politique nucléaire en Suisse », sur Radio télévision suisse, .
  14. Annonce du projet d'Atel, archives sur le site du monde.fr, consulté le 2 octobre 2008.
  15. Nouvelles centrales nucléaires : selon l'IFSN les trois sites proposés seraient adéquats (info www.admin.ch) « Copie archivée » (version du 7 septembre 2014 sur l'Internet Archive).
  16. « La guerre du nucléaire est relancée », Le Temps, .
  17. « Berne adopte un moratoire nucléaire », sur www.lenouvelliste.ch (consulté le ).
  18. La Suisse pourrait sortir du nucléaire d’ici 2034, swissinfo.ch.
  19. « Les Suisses refusent une sortie accélérée du nucléaire », La Croix, .
  20. « Résultat de votation », sur www.admin.ch.
  21. (en) « Switzerland (profile) », sur www-pub.iaea.org/ (consulté le ).
  22. (en) « Power reactor information system – section Suisse », sur www.iaea.org/ (consulté le ).
  23. (en) « Nuclear Power Reactor Details - BEZNAU-1 », sur www.iaea.org (consulté le ).
  24. (en) « Nuclear Power Reactor Details - BEZNAU-2 », sur www.iaea.org (consulté le ).
  25. (en) « Nuclear Power Reactor Details - GOESGEN », sur www.iaea.org (consulté le ).
  26. (en) « Nuclear Power Reactor Details - Leibstadt », sur www.iaea.org (consulté le ).
  27. (en) « Nuclear Power Reactor Details - Mühleberg », sur www.iaea.org (consulté le ).
  28. Le réacteur Crocus sur le site de l'EPFL.
  29. Revue energeia, OFEN, février 2007, page 7.
  30. Panorama international des recherches sur les alternatives au stockage géologique des déchets HA-VL et MA-VL, IRSN, 2019, p. 8-10.
  31. « Obligations générales du détenteur de l’autorisation d’exploiter », sur le site admin.ch.

Voir aussi

Sources

Liens externes

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