Indice planète vivante
L'indice planète vivante (IPV, en anglais living planet index ou LPI) est un indicateur d'état de la biodiversité mondiale, utilisé pour l'évaluation environnementale, en particulier par l'ONU.
C'est un indice composite[1] construit sur les tendances observées chez un grand nombre de populations d'espèces de vertébrés du monde entier (les vertébrés sont parmi les mieux connus des taxons animaux[2]) ; il vise à mesurer les changements temporels d'état de la biodiversité dans le monde[3]. Il consiste dans la moyenne des taux de décroissance de la population de nombreuses espèces de vertébrés témoin, par rapport à celle de l'année 1970.
Il est typiquement utilisé dans les approches évaluatives de l'environnement basées sur le « modèle état-pression-réponse ». Pour les scientifiques qui l'utilisent et qui l'ont évalué, c'est un indicateur fiable pour les vertébrés, et qui a une bonne représentativité car couvrant un large spectre d'espèces, dont beaucoup peuvent être considérées comme biointégratrice ou bioindicatrice de l'état écologique de leur habitat, mais il peut sous-estimer une partie du déclin de la biodiversité et sa gravité[4].
Traduisant aussi les pressions anthropiques exercées sur les milieux et habitats naturels, il fait partie des indicateurs qui ont permis de confirmer la gravité et l'accélération du déclin global de la biodiversité[5].
Selon le Rapport planète vivante de WWF en 2018, le déclin de l'IPV entre 1970 et 2014 est estimé à 60 %[6], ce qui ne veut pas forcément dire que 60% des vertébrés on disparu mais que la moyenne des décroissances des populations de vertébrés est de 60%[7], cette moyenne étant non pondérée par la taille des populations.
Utilité
Cet indice est pour le grand public, les scientifiques et les décideurs politiques une source synthétique d'informations périodiquement actualisée sur l'efficacité (ou la non-efficacité) des mesures prises en matière de protection de la biodiversité, ou d'agriculture ou urbanisme se voulant plus respectueux de l'environnement.
Il permet de quantifier et de comparer les variations d'abondance des vertébrés à l'échelle d'un pays, continent, biome ou de la planète.
Il fournit aussi d'utiles informations sur les types d'habitats et écosystèmes les plus menacés ou dégradés ou sur les vitesses de déclin.
Cette information est complémentaire de celles fournies par les calculs de l'empreinte écologique de l'Humanité sur la planète et sa capacité bioproductive, pour guider les actions visant à traiter la perte de biodiversité.
Histoire et acteurs
L'indice Planète Vivante a été initialement développé en 1997 par le WWF[8], en collaboration avec les services et bases de données de l'UNEP-WCMC[9], dans un esprit d'évaluation environnementale, d'évaluation de la biodiversité et d'évaluation des politiques développées par le Programme des Nations unies pour l'environnement[6].
L'UNEP-WCMC a ainsi recueilli de nombreuses données nécessaires au calcul de l'indice durant les premières années du projet.
Le World Wide Fund for Nature (WWF) continue à collaborer avec l'Institut de zoologie (Ioz) et le Département Recherche de la Zoological Society of London (ZSL) pour assurer la continuité du projet.
Les résultats sont présentés au public et décideurs tous les deux ans, dans un document intitulé « Rapport Planète Vivante du WWF ». Ils sont mis à disposition de tous sur Internet et utilisés par diverses publications dont par exemple le Millennium Ecosystem Assessment[10] et les évaluations faites par l'ONU sur l'état de l'environnement mondial.
Des rapports nationaux (ex Canada[11], Ouganda[12]...) et régionaux commencent aussi à utiliser cet indice à plus petite échelle géographique. La Banque mondiale s'est intéressé à cet indice[13].
Résultats
Deux méthodes différentes de calcul ont été testées. Elles ont donné des résultats très similaires :
- les populations d'espèces terrestres ont diminué en moyenne de 25 % de 1970 à 2000.
- ce déclin s'est encore accru depuis : de 1970 à 2012, l'indice a chuté de 58 %[14].
- l'indice montre que cette tendance est mondiale.
Ceci suggère que nous sommes en train de dégrader les écosystèmes naturels à un rythme jamais atteint dans l'histoire humaine (situation de crise écologique, la crise de la biodiversité étant par ailleurs exacerbée par la crise climatique, avec - si ces tendances devaient se poursuivre - un risque croissant de collapsus écologique à échelle planétaire).
Calcul
La base de données Planète Vivante (LPD) est mise à jour et entretenue par ZSL ; Fin 2004, la base de données utilisée pour le calcul de l'indice contenait environ 3 000 séries chronologiques concernant les populations de plus de 1 100 espèces. Elle a plus que doublé en 6 ans, avec en 2010 plus de 10 000 données de tendances et dynamiques de populations mesurées pour plus de 2 500 espèces de poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères.
En 2019, l'indice est calculé à partir des chiffres de 16704 populations animales de 4005 espèces de vertébrés, soit 6% du nombre des espèces de vertébrés[7].
L'indice est calculé ainsi : pour chacune des populations, la population de l'année 1970 est prise en référence, et on calcule son taux de décroissance, ou de croissance, par rapport à cette référence à une année donnée. L'indice est la moyenne de ces taux, non pondérée en fonction de la taille des populations.
L'indice mondial est calculé sur une base très large (données agrégées provenant du suivi de séries chronologiques pour plus de 7 000 de ces tendances, via des séries chronologiques recueillies à partir de diverses sources telles que des revues, bases de données en ligne et rapports gouvernementaux.
Ces tendances par espèces sont regroupées (agrégées) pour produire trois indices spécifiques (terrestre, marin et d'eau douce). Ces 3 indices sont ensuite agrégés pour produire un indice général.
Il y a cependant peu de différence dans la prise en compte et la représentation entre les espèces menacées et non-menacées[15].
Indice et Convention de Rio sur la diversité biologique
En avril 2002, 188 nations s'étaient engagées, sous l'égide de l'ONU, à mettre en œuvre la Convention sur la diversité biologique (CDB).
Elles devaient notamment «... réaliser, avant 2010, une réduction significative du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et au niveau national... ».
L' Indice Planète Vivante est l'un des indicateurs utilisés par l'ONU et le secrétariat de la CDB comme un moyen de mesurer les progrès vers l'objectif de 2010. Les scientifiques du ZSL sont les garants de l'utilisation des méthodes de calcul les plus rigoureuses et robustes.
Limites actuelles de l'indice Planète vivante
À la fin des années 2000, selon les études scientifiques disponibles, il ne semble pas y avoir de risque de biais en faveur des espèces protégées lors du calcul de l'indice tel qu'il est pratiqué, mais :
- Les données ornithologiques sont encore prédominantes[3]. Or, les oiseaux sont volants et souvent très mobiles. Ils sont donc probablement bien moins touchés par la fragmentation écologique que certains invertébrés peu mobiles. Et l'indice n'est fondé que sur 6% des espèces de vertébrés[7].
- De plus, la couverture des données de démographie des populations n'est pas encore homogène non plus[3].
- Les espèces des régions tempérées sont surreprésentées par rapport aux espèces des régions tropicales (où le suivi scientifique est moins important, proportionnellement aux territoires et au nombre d'espèces à suivre)[15].
- L'indice a du mal à représenter des situations très contrastées. En 2019, la moitié des espèces sont stables ou augmentent légèrement, tandis que l'autre moitié est en très forte diminution[7].
- L'indice peut laisser croire que 60% des vertébrés ont disparu, et est souvent interprété ainsi, mais ce n'est pas ce que dit l'indice. L'indice est une moyenne de taux de décroissance de populations de tailles très diverses, et non un taux de décroissance de la population totale des vertébrés. Par exemple, si on calcule l'IPV d'une population de 5000 lions et 100 rhinocéros, qui décroissent respectivement de 30% et 90%, la moyenne des décroissances est bien 60%, mais la population totale de ces animaux a diminué, elle, de 30%[7].
- Les vertébrés (sans être en soi de mauvais indicateurs) ne sont peut être pas des indicateurs suffisants (par exemple, dans le domaine macroscopique, « la plupart des espèces décrites et probablement non décrites sur la Terre sont des insectes »[16].
Pour le domaine des forêts, des travaux récents (sur la base de la diversité et de l'endémicité des fourmis évaluées pour 13 000 échantillons collectés dans plus de 350 régions couvrant une grande partie du globe) suggèrent que les régions a priori les plus susceptibles de découvertes (les "hot-spots de découverte", dont certaines sont éloignées ou difficiles d'accès pour des raisons sociopolitiques) sont aussi celles qui régressent actuellement le plus vite ou exposées à des menaces disproportionnées de déforestation[16]. Dans ces régions, plus encore qu'ailleurs, en se concentrant presque exclusivement sur les besoins en habitat de groupes relativement bien connus comme les vertébrés, on risque de ne pas conserver ou de mal conserver la diversité beaucoup plus grande des espèces de petite taille, encore à découvrir pour la plupart[16].
Ceci laisse penser que cet indice pourrait sous-estimer l'importance du déclin global de la biodiversité.
Cependant, quelques-uns des problèmes posés par la sur-représentation sont réduits lors du calcul de l'indice par des facteurs de pondération[15].
Vers de nouveaux développements ?
Parmi les pistes envisagées :
- calcul d'un indice de tendances pour des espèces exploitées ;
- calcul d'un indice de tendances pour des espèces envahissantes ;
- construction d'un « réseau LPD » ; ce réseau élargi d'organisations est en cours de constitution, pour recueillir des données à une échelle la plus large possible[3]. L'ajout régulier de données de haute qualité devrait permettre de calculer l'indice pour un panel plus large encore d'espèces et de groupes taxonomiques (encore peu connus parfois) et dans un plus grand nombre de régions.
Le ZSL et le WWF ont commencé à développer des partenariats pour le calcul d'un indice similaire pour les invertébrés (dont les inventaires commencent à être plus communs en France[17]) et pour les plantes.
La diversité génétique et spécifique des animaux de ferme et d'élevage pourrait aussi faire l'objet d'un indice de ce type[18]. Les données disponibles montrent en effet aussi une grave érosion de la diversité biologique chez les animaux de ferme[18].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Guide ONU ; McRae, L., Loh. J., Bubb, P.J., Baillie, J.E.M., Kapos, V, (2008), The Living Planet Index Guidance for National and Regional Use ; UNEP-WCMC, Cambridge, UK.(Version 1.1), PDF, 12pp ;
Bibliographie
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- (en) Treweek, J., 1999. Ecological Impact Assessment. Blackwell Science, London.
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- Loh, J., Collen, B., McRae, L., Holbrook, S., Amin, R., Ram, M., and Baillie, J. (2006) Living Planet Index. Living Planet Report (ed. By J. Loh & S. Goldfinger), WWF, Gland, Switzerland. (pdf)
- Collen, B., McRae, L., Kothari, G., Mellor, R., Daniel, O., Greenwood, A., Amin, R., Holbrook, S. and Baillie, J. (2008) Living Planet Index. 2010 and beyond: rising to the biodiversity challenge (ed. By J. Loh), WWF, Gland, Switzerland. (pdf)
- UNEP (2006) Report on the eighth meeting of the Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity In: CBD, editor. pp. 374.
Liens externes
Liens en français :
- (fr) Le Rapport Planète Vivante 2020, contenant l'Indice Planète Vivante 2020
- (fr) Edition jeunesse (et à usage scolaire) du Rapport Planète Vivante 2020
- (fr) La Synthèse du Rapport Planète Vivante 2020 contenant l'Indice Planète Vivante 2020
- (fr) Le Communiqué de presse du Rapport Planète Vivante 2020 : « Les activités humaines principales responsables du déclin de 68% des populations de vertébrés en moins d’un demi-siècle »
Liens en anglais :
- (en) L'indice expliqué aux enfants par le journal Panda du WWF
- (en)
- (en) IOZ
- (en) Portail Footprint Network
- (en) unep-wcmc (ONU)
- (en) EBCC
- (en) « Rapport Geo 3 »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) de l'ONU/PNUE, (État de l'environnement mondial)
- (en) Indicateurs des cibles 2010 de l'ONU
Références
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- Matt Walpole1 & al., Policy Forum Ecology Tracking Progress Toward the 2010 Biodiversity Target and Beyond, Science, 18 September 2009, Vol. 325 no. 5947 pp. 1503-1504 DOI: 10.1126/science.1175466 (résumé)
- Global Biodiversity: Indicators of Recent Declines Science 28 May 2010: 1164-1168
- Rapport planète vivante 2018, p. 18.
- Science et Vie, n° 1216, Janvier 2019, p. 43 : Non, 60% des animaux n'ont pas disparu
- Jonathan Loh, Rhys E Green, Taylor Ricketts et John Lamoreux, « The Living Planet Index: using species population time series to track trends in biodiversity », Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 360, no 1454, , p. 289–295 (ISSN 0962-8436, PMID 15814346, PMCID 1569448, DOI 10.1098/rstb.2004.1584, lire en ligne, consulté le )
- PNUE-WCMC (UNEP World Conservation Monitoring Centre ), via la base de données des espèces du PNUE-WCMC (nomenclature, distribution, données juridiques... pour la conservation des espèces dans le monde entier). « Website du WCMC »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (ONG basée au Royaume-Uni)
- United Nations, Millennium Development Goals Indicators (ONU), Content=Indicators/OfficialList.htm Liste officielle des indicateurs, 2008).
- McRae, L., Loh, J., Collen, B., Holbrook, S., Amin, R., Latham, J., Tranquilli, S. and Baillie, J. (2007) Living Planet Index. Canadian Living Planet Report 2007 (ed. S. Mitchell and A. Peller), WWF-Canada, Toronto, Canada.
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- Jenkins, M, Kapos, V., Loh, J. (2004) Rising to the Biodiversity Challenge: The role of species population trend indices like the Living Planet Index in tracking progress towards global and national biodiversity targets. World Bank; Washington, DC
- Loïc Chauveau, « 58% des vertébrés effacés de la surface du globe depuis 1970 », Science et Avenir, lire en ligne
- Jonathan Loh & al. The Living Planet Index: using species population time series to track trends in biodiversity ; doi: 10.1098/rstb.2004.1584 Phil. Trans. R. Soc. B ; 2005-02-28 ; vol.360, N°1454 289-295 (résumé)
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- Fewster, R. M., Buckland, S. T., Siriwardena, G. M., Baillie, S. R., and Wilson, J. D. 2000. Analysis of population trends for farmland birds using generalized additive models. Ecology 81:1970-1984
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