Incitation à la haine en raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée en droit français

En droit français, l'incitation à la haine en raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est une infraction pénale depuis l'adoption d'une loi la sanctionnant en 1972.

Définition

Cette infraction est le fait, par des discours, des écrits ou par tout autre moyen, de pousser des tiers à manifester de la haine, de la violence ou de la discrimination à l'encontre de certaines personnes, en raison de leur religion, de leur origine nationale ou ethnique. Elle est considérée comme un délit en France[1]. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit toutes les incitations à la discrimination, à l'hostilité et à la violence[2].

Histoire

Le , le garde des sceaux Paul Marchandeau est l'auteur d'un décret-loi qui prévoit des poursuites « lorsque la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants ». Ce décret-loi est abrogé par la loi du gouvernement de Vichy du [3].

Application légale

En droit français, l'incitation à la haine par des propos ou des écrits tenus en public est une infraction pénale depuis 1972[4]. Auparavant, seul l'appel à commettre des délits ou des crimes était réprimée, plus ou moins gravement selon la gravité des crimes et que cette incitation était suivie d'effet.

La question du racisme, de ses sanctions et des moyens d'intervenir en justice ont été inscrites pour la première fois dans la loi du 1er juillet 1972

La loi du 1er juillet 1972 contre le racisme et l'antisémitisme y a apporté une réponse nouvelle et approfondie, sur laquelle des lois complémentaires sont venues se greffer.

Avant que cette loi ne soit adoptée, il y a eu plusieurs étapes.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, alors que l'antisémitisme se déployait, les décrets-lois Marchandeau du 21 avril 1939, dit loi Marchandeau, sont venus sanctionner pour la première fois le racisme. En modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, elle a puni les diffamations visant les personnes en raison de leur origine, leur race ou une religion déterminée quand elles avaient pour but « d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants ». Les journaux antisémites comme « Gringoire » et « Je suis partout » s'y sont opposés, au nom de la liberté d'expression. Quelques mois plus tard, le régime de Vichy a abrogé ce texte. À la Libération, il est de nouveau en vigueur par l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine. Son principe a été repris en préambule dans la Constitution de la IVe République en 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Il en fut de même dans la Constitution de la Ve République, en 1958.

Il s'agissait de principes et il restait à élaborer une législation plus précise pour lutter contre les actes racistes. En effet, la loi de 1939 était difficilement applicable. Seul le Parquet pouvait engager des poursuites. Ni un particulier, ni une association ne pouvaient s'en charger. De plus, on ne pouvait poursuivre que l'auteur d'une diffamation à l'égard d'un groupe de personnes relevant d'une race déterminée et non à l'encontre d'une personne particulière. Il fallait encore établir la preuve que l'auteur des propos avait pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants. Les associations antiracistes telles le MRAP ou la Ligue internationale contre l'antisémitisme, la Licra ont mené bataille pour qu'un nouveau texte voit le jour. Plusieurs propositions de loi ont été déposées de 1963 à 1971 par des parlementaires de toutes tendances politiques qui mettaient en avant une résurgence des actes racistes. Pour sa part, l'ONU avait ouvert à la signature des États, la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale, le 21 décembre 1965. La France l'a signée le 18 avril 1971.

C'est alors que le jeune député gaulliste de la Loire (30 ans) Alain Terrenoire dépose une proposition de loi pour la mettre en application, en reprenant et en complétant, avec le concours du MRAP et de la Licra, les différentes propositions présentées les années précédentes. Désigné comme rapporteur, Alain Terrenoire, membre de la commission des lois, dépose son rapport qui évoque « la recrudescence des incidents raciaux contre les travailleurs étrangers, tels les Algériens et les Portugais mais également les Français originaires des départements d'outre-mer ». Le climat était de plus en plus tendu. Le racisme anti-algérien, alimenté par les nostalgiques de l’Algérie française, était devenu virulent dans les zones où se sont installés des travailleurs Nord-Africains, à proximité des populations rapatriées d'Afrique du Nord. Entre mars et juin 1971 par exemple, huit Algériens avaient été victimes d’attentats racistes. C'est dans ce contexte que la loi a été rapidement votée, à l'unanimité par l'Assemblée Nationale, puis par le Sénat[5],

Le délit de « provocation publique » à la haine raciale institué par l'article 1er de la loi de 1972 est passible d'au plus un an d'emprisonnement et/ou 45 000 euros d'amende. Il a été inséré à l'article 24 alinéa 5 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881[6].

La provocation publique à la haine raciale est définie comme visant certaines personnes ou groupes de personnes « à raison de leur origine ou leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Le même article de loi réprime par ailleurs, et de la même façon, ceux qui « auront provoqué à la discrimination, [...] ou à la violence ». La provocation peut être indirecte et, élément nouveau, ne nécessite pas d'être effectivement suivie d'effet pour être punissable.

Autre nouveauté, les associations constituées depuis au moins cinq ans et luttant contre les discriminations ont le droit de porter plainte et de se constituer partie civile[7] ; dès avril 1973, la LICRA, représentée par les avocats de gauche Robert Badinter et Gérard Rosenthal, obtiendra la première condamnation en la matière[8]. Antérieurement, seule la personne s’estimant diffamée ainsi que le parquet, en sa qualité de représentant de la société, étaient autorisés à saisir la justice.

Par ailleurs est créée la contravention de provocation « non publique » à la haine raciale, définie par le premier alinéa de l'article R. 625-7 du code pénal[9], passible d'une amende au plus de 1 500 euros, qui peut être portée à 3 000 euros en cas de récidive (contravention de 5e classe[10]).

Critique de la loi

Selon Éric Branca, directeur de rédaction de Valeurs actuelles, analysant la loi dans le cadre d'une affaire concernant Éric Zemmour, la loi dite Pleven introduit une autre disposition essentielle. Alors que la législation existante n'autorisait que la personne s’estimant diffamée ou le parquet, en sa qualité de représentant de la société, à saisir la justice, à partir de la loi Pleven, « toute association légalement constituée s’autoproclamant représentative de tel ou tel intérêt ou de telle ou telle communauté » y est autorisée et ceci même en l'absence de plainte individuelle préalable[11]. La conséquence immédiate de cette loi sera, selon Basile Ader, spécialiste du droit de la presse, « une inflation constante des contentieux, qui tend non seulement à faire du juge l’arbitre des causes les plus variées, mais aussi et surtout à privatiser l’action publique en autorisant les associations à la déclencher »[11]. Il dénonce également le flou juridique de la notion de provocation et les pièges de la recherche de l'intention coupable[12].

Le juriste Aurélien Portuese et le philosophe Gaspard Koenig du think tank libéral Génération Libre estiment que le législateur en utilisant la notion de « provocation à la haine » (sentiment, qui n'est pas un acte et n'a pas obligatoirement d'effets extérieurs visibles), décide de sanctionner par le droit pénal « des faits plus ou moins inconsistants et indémontrables » ce qui constitue un recul par rapport à la notion d’« incitation à la violence », qui est visible et extérieure[13].

Notes et références

  1. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 20, section 2
  2. Claude Liauzu, La société française face au racisme, Éditions Complexe, 1999, p. 108
  3. La loi n°72-546 du 1er juillet 1972 modifiant la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881
  4. , ,,
  5. Article 24 de la loi sur le liberté de la presse, sur Légifrance.
  6. Article 41-1.
  7. « Loi Pleven », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  8. Article R.625-7 du Code pénal.
  9. Article 131-13 du Code pénal.
  10. Peut-on encore débattre en France ?, valeursactuelles.com, 1er avril 2010
  11. La loi Pleven a quarante ans !, Basile Ader, legipresse.com, LÉGIPRESSE n° 297 - Septembre 2012
  12. Pour rétablir la liberté d'expression, Aurélien Portuese et Gaspard Koenig, lepoint.fr, décembre 2013
  • Portail du droit français
  • Portail des minorités
  • Portail des droits de l’homme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.