Accident nucléaire de Palomares

L'accident nucléaire de Palomares, survenu le , est la conséquence d'une collision entre un Boeing B-52G du Strategic Air Command et un KC-135 Stratotanker de l'US Air Force, au cours d'un ravitaillement en vol. L'accident se produit à 9 450 mètres d'altitude au-dessus de la mer Méditerranée, au large des côtes espagnoles, à proximité du village de Palomares (province d'Alméria).

La bombe nucléaire B28, retrouvée à 870 m de fond, sur le pont de l'USS Petrel (ASR-14)

Lors de cet accident, les deux avions sont détruits, faisant sept morts parmi leurs équipages. Sur les quatre bombes H que transportaient le bombardier, deux sont détruites lors de leur impact au sol  sans explosion nucléaire mais avec dispersion de matière radioactive  sur la côte, près de Palomares, une dont le parachute de secours s'est déployé est récupérée intacte. Une autre, tombée en mer, ne sera récupérée qu'après d'intenses recherches près de trois mois plus tard.

Une partie de la côte d'Almería est aujourd'hui toujours inconstructible, car contaminée.

Contexte

Vols dans le cadre de l'opération Chrome Dome en 1966.

Cet accident nucléaire se produit dans le cadre de l’opération Chrome Dome, programme militaire de l'United States Air Force pendant la période de la Détente qui vise à assurer la protection totale du territoire nord-américain.

Déroulement de l'incident

Vue d'un B-52 à bord d'un KC-135 ravitailleur.

Au cours d'un ravitaillement de carburant en vol au large de Palomares, en Espagne, un KC-135 américain percute le B-52 qu'il ravitaille. Le KC-135 est complètement détruit lorsque ses réservoirs s'embrasent, tuant ses quatre hommes d'équipage. Le B-52G se brise en plusieurs morceaux, tuant trois des sept membres d'équipage, les autres ayant pu sauter en parachute[1]. Au total sept membres d'équipage sont tués.

Des quatre bombes H de type Mk 28 que le B-52G transportait[2], trois sont retrouvées à terre près du village de Palomares en Andalousie. Deux, dont les parachutes ne se déploient pas, sont détruites à l'impact au sol : leurs explosifs conventionnels explosent en dispersant une quantité de plutonium estimée à 4,5 kg[réf. souhaitée] sur 250 hectares jusqu'aux fermes situées à 1,6 km des côtes, ainsi que de l'uranium de qualité militaire. La troisième bombe touche le sol et reste presque intacte près de Palomares.

La quatrième bombe est perdue au large des côtes espagnoles.

Suites de l'affaire

Le département de la Défense des États-Unis dément avoir perdu des bombes, alors que la presse est au courant.

Un énorme dispositif aérien et naval cherche pendant presque trois mois la quatrième bombe : une fouille de 80 jours impliquant 3 000 hommes et 38 vaisseaux de l'US Navy permet à un sous-marin ALVIN de retrouver la bombe à 869 mètres de profondeur, à km du rivage. Elle n’a été trouvée que quand le commandement militaire américain a fini par écouter le témoignage de Francisco Simó Orts[3], un pêcheur devenu héros local, connu en Espagne sous le sobriquet de Paco el de la bomba Paco, le type de la bombe ») qui, à bord de son chalutier, avait repéré avec ses jumelles le point d'impact d'un gros tube gris doté de son parachute gris de sécurité[4].

L’Espagne exige des États-Unis de reprendre ce qui reste de terre polluée et de la transporter dans son territoire[5].

Durant la première opération de décontamination, 1 400 tonnes de sol légèrement contaminé sont expédiées vers le centre de retraitement de Savannah River Site à Aiken en Caroline du Sud. Les plants de tomates contaminés sont enterrés ou brûlés. L'Espagne n'ayant pas édicté de mesures en cas d'accident nucléaire, les États-Unis, en concertation avec l'Espagne, appliquent les recommandations utilisées au site d'essais du Nevada concernant le plutonium et les autres substances radioactives.

Pour tenter de sauver la saison touristique, les autorités organisent une vaste campagne de communication : sous l'œil d'une vingtaine de caméras du monde entier[6] et d'une nuée de photographes, l’ambassadeur américain Angier Biddle Duke invite plusieurs ministres espagnols dont Manuel Fraga à se baigner en mer, pour prouver qu’il n’y a aucun danger radioactif. Mais, prudemment, ils ont choisi une plage située à 15 kilomètres du lieu d’impact des bombes[7].

En 1971, seuls 100 villageois (6 % de la population) sont examinés. 29 tests de contamination positifs sont écartés car jugés « statistiquement insignifiants ». En date de 2008, certaines zones restent encore contaminées. Selon un rapport de la Defense Nuclear Agency (DNA) de 1975 : « Palomares demeure l'un des quelques sites dans le monde servant de laboratoire expérimental, probablement le seul offrant un regard sur une zone agricole ».

Sur les 714 personnes suivies jusqu'en 1988, 124 avaient un taux de plutonium dans les urines supérieur au minimum détectable[8].

En 2008, en pleine frénésie immobilière, des promoteurs s’intéressent à cette partie de la côte d’Almeria mais le taux d’américium est très largement supérieur au maximum autorisé. La zone est déclarée inconstructible[9] : des terrains de Palomares restent clôturés et une partie de ses 1 500 habitants voyagent à Madrid, deux fois par an, pour subir une inspection médicale. Les rapports médicaux de 1966 n’ont été déclassifiés qu’en 1986. Quand l’accident a eu lieu, les explosifs non atomiques ont explosé, mais pas les engins nucléaires. Pourtant deux détonateurs ont été activés[réf. souhaitée].

Manifestation et soutien de la duchesse Luisa Isabel Álvarez de Toledo y Maura

Représentante du plus ancien duché d'Espagne et titulaire de nombreux autres titres de noblesse, la 21e duchesse de Medina Sidonia, triple Grande d'Espagne, de convictions républicaines et antifranquistes, apporta, malgré son origine hautement aristocratique, un soutien actif aux pêcheurs et paysans de la région de Jerez[10]. Ainsi, sa participation à la manifestation pour les victimes de l'incident nucléaire de Palomares lui valut un emprisonnement à Alcalá de Henares pendant huit mois par le pouvoir franquiste.

Elle y gagna son célèbre surnom, conféré par la presse, de Duquesa Roja (Duchesse rouge). Pour éviter d'autres peines de prison à la suite de la parution de son roman La Grève — à cette époque illégale en Espagne — elle s'exila en France en 1970 pour sept ans.

Conséquences sur les relations diplomatiques américano-ibériques

La publication de plusieurs documents de WikiLeaks, a rafraîchi cette affaire.

En 2009, Miguel Ángel Moratinos et Hillary Clinton se sont entretenus sur Palomares. José Luis Rodríguez Zapatero a parlé aussi du sujet avec Joe Biden, mais les États-Unis craignent un précédent - un accident semblable eut lieu aussi à Thulé, Groenland, en 1968, et il y a une liste d’incidents nucléaires moins graves, mais significatifs, dans d’autres pays. « Peu importe qui paie les travaux définitifs de décontamination, a dit récemment[Quand ?] Pedro Caicedo, le maire de Cuevas del Almanzora, commune dans laquelle se trouve le village de Palomares, mais il faut le faire et nous le demandons à notre gouvernement. »

Aussi le ministère des Affaires étrangères espagnol, dans un procès-verbal du mois de , demanda aux Américains d’agir « sans délai » pour finir de façon définitive le nettoyage[11].

Le , le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel García-Margallo signent un accord dans lequel les États-Unis s'engagent à prélever quelque 50 000 m3 de terres contaminées et de les expédier sur le sol américain par voie maritime[12].

Dans la fiction

Sorti en décembre 1966, le film musical Finders Keepers avec Cliff Richard, met en scène cet incident.

Un roman d'espionnage, Opération Palomarès, de Marc Arno, publié en 1966 aux éditions Fleuve Noir Espionnage (no 558) relate à sa manière cet incident.

Michel Bataille s'en inspire pour son roman L'Arbre de Noël (1967), adapté au cinéma sous le même titre en 1969.

L'accident est au cœur du scénario du film Le Jour où les poissons sont sortis de l'eau réalisé par Michael Cacoyannis et sorti en 1967.

Notes et références

  1. (en) Ron Hayes, « H-bomb incident crippled pilot's career », The Palm Beach Post, (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Randall C. Maydew, America's Lost H-Bomb: Palomares, Spain, 1966, Manhattan, Sunflower University Press, (ISBN 978-0-89745-214-4, OCLC 40899508, LCCN 98162850).
  3. (en) Tony Long, « Jan. 17, 1966: H-Bombs Rain Down on a Spanish Fishing Village », [archive], Wired, 17 janvier 2008 (consulté le 16 février 2008).
  4. (es) César de la Lama, Viaje por la España del mar, Kaydeda, , p. 326.
  5. (en) Tony Long, « Jan. 17, 1966: H-Bombs Rain Down on a Spanish Fishing Village », Wired, (consulté le ).
  6. (es) « Fraga en Palomares », sur youtube.com, .
  7. (en) Tad Szulc, The Bombs of Palomares, Viking Press, , p. 2019.
  8. De Tchernobyl en tchernobyls (Georges Charpak, Richard Garwin et Venance Journé), Éditions Odile Jacob, 2005 (ISBN 2-7381-1374-5) p. 420.
  9. François-Xavier Gomez, « Les Etats-Unis nettoient leurs déchets nucléaires... de 1966 », sur liberation.fr, .
  10. Philippe Gloaguen, Une vie de routard, Paris, Editions Calmann Lévi, .
  11. Paco Audije, « Palomares, sa plage, ses bombes », La Libre Belgique, .
  12. (es) Miguel González, « España y EE UU firman un acuerdo para la limpieza de Palomares », sur elpais.com, .

Annexes

Bibliographie

  • La era de Palomares. Luisa Isabel Álvarez de Toledo y Maura, Juan Goytisolo, Jorge Castillo, Eduardo Subirats. Éditions de Intervencion cultural, Sous la coordination d'Eduardo Subirats. El viejo topo, 2010.
  • Palomares, Isabel Alvarez de Toledo.
  • L'histoire secrète de la bombe de Palomares, Rafael Moreno Izquierdo. Éditions Critica.
  • Bombe H sur Palomares, Flora Lewis, éditions France-Empire, 1967.

Articles connexes

Lien externe

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