Ignazio Florio Jr.

Ignazio Florio Junior (né à Palerme en septembre 1869 - mort à Palerme le ) était un entrepreneur et armateur sicilien, l'un des plus riches héritiers d'Italie, membre de la famille Florio, l'une des deux grandes familles de Palerme.

Actionnaire principal de la Navigazione Generale Italiana (NGI), l'une des plus grosses entreprises maritimes européennes, il soutint les cours de celle-ci via des fraudes commises sur le dos de la Banco di Sicilia (it) avec le soutien de son gouverneur. Ayant comme domestiques deux importants chefs de la mafia sicilienne, il protégea ces derniers lors du maxi-procès de 1901, et soutint également le politicien véreux Raffaele Palizzolo. Sa fortune, cependant, s'effrita, et en 1908 il fut contraint de vendre sa participation à la NGI, marquant le début d'une ruine complète. Marié, comme son père, à une baronne, il avait été invité en 1901 aux funérailles de la reine Victoria, et était l'une des personnalités les plus en vue de la Belle Époque.

La fortune

Villa Igiea (it), l'une des nombreuses propriétés d'Ignazio Florio, aujourd'hui hôtel cinq étoiles de Palerme.

Son père, Ignazio Florio (it) (1838-1891), était sénateur, héritier d'une dynastie fondée par Vincenzo Florio au début du XIXe siècle. Avec le Génois Raffaele Rubattino, il était à l'origine de la fondation, en 1881, de la Navigazione Generale Italiana, qui en 1932 fusionnera pour créer l'ancêtre de l'Italian Line. Sa mère était la baronne Giovanna d'Ondes Trigona (1843-1917), de la famille Caracciolo di Castagneto, descendants de l'amiral Francesco Caracciolo. Son cadet, Vincenzo, est à l'origine de la course automobile Targa Florio.

À 20 ans, Ignazio Florio Jr. avait fait le tour de l'Europe, apprenant diverses langues. Il avait fait tatouer une femme japonaise sur son bras[1], et s'habillait exclusivement à Londres (cravates de Moulengham, chapeaux de Locke & Tuss, costumes de Meyer & Mortimer[1]...).

Deux ans plus tard, il hérite d'une fortune immense, fondée sur la banque, les chantiers navals, la fonderie, le sel, la vigne, etc., et surtout la Società di Navigazione Italiana (SNI), l'une des plus grosses flottes commerciales européennes. Son empire commercial et son patrimoine comprenait ainsi le Consortium agraire sicilien, la Céramique Florio, le Teatro Massimo de Palerme, qu'il ambitionnait de faire rivaliser avec l'Opéra de Paris, la Tonnara Florio (it), la Villa Igiea (it), le chantier naval de Palerme, les Cantine Florio (it), productrices du vin de liqueur Marsala (DOC), ainsi que le journal L'Ora, également de Palerme. Néanmoins, cette fortune était déjà en cours de déclin, Gênes, Turin et Milan étant appelés à remplacer Palerme[1].

Il épousa en 1893 la baronne Franca Jacona Notarbartolo di San Giuliano, surnommé par le Kaiser Guillaume II l'« étoile d'Italie », entrant ainsi dans les rangs de la noblesse. Le couple étant l'un des plus en vue de la société mondaine de la Belle Époque. Dans les années 1900, elle fut l'une des premières femmes à subir une opération de chirurgie esthétique à Paris[1]. En 1901, la famille Florio fut invitée aux funérailles de la reine Victoria[1].

Avec sa sœur Giulia Florio (it), il s'engageait dans des activités philanthropiques, par exemple à l'égard des habitants sinistrés de Messine après le tremblement de terre de 1908.

La mafia

Fiat 50 hp pilotée par Vincenzo Lancia lors de l'édition 1908 du Targa Florio, lancé par le frère cadet d'Ignazio.

Espérant moderniser la Sicile, il fut à l'instigation de l'Exposition nationale de Palerme de 1891 qui devait donner de celle-là une image moderne et travailleuse, au moment où Palerme édifiait sa fortune sur l'exportation de citron, agrume fondamental pour la marine afin de lutter contre le scorbut, et de bergamote à destination du Royaume-Uni. Or, c'est précisément dans ce secteur que se construisit la mafia sicilienne.

Son jardinier, Francesco Noto, n'était autre que le chef de la cosca (en) d'Olivuzza (it) [1], et son responsable de la sécurité était le frère cadet de Noto, Pietro, sous-chef de la cosca [1]. En 1897, la villa de Florio fut cambriolée : en fait, c'était les frères Noto, qui avaient auparavant ordonné l'enlèvement d'Audrey Whitaker, de l'autre grande famille de Palerme, qui étaient visés par des rivaux de la même cosca: deux cochers, Vincenzo Lo Porto et Giuseppe Caruso, qui souhaitaient humilier leurs chefs, étant mécontents du partage du butin de la rançon de la petite Whitaker[1]. Les frères Noto contraignirent ces derniers à restituer les objets volés, leur promirent une plus grosse part du butin puis les firent assassiner le et jeter au fond d'un puits[1]. Ces événements furent répertoriés dans le rapport Sangiorgi (it) du préfet de police de Palerme.

Florio empruntait aussi illégalement de l'argent à la Banque de Sicile (it) pour soutenir les cours de la NGI, avec l'accord du gouverneur de la banque, fraude qui mena à la faillite de la Banque[2]. En 1900, il soutint, avec sa mère, la campagne électorale de Raffaele Palizzolo, inculpé à Milan pour le meurtre du marquis Emanuele Notarbartolo (it), prédécesseur du gouverneur de la Banque de Sicile avec qui Florio traitait[3]. Palizzolo ne réussit cependant pas à se faire élire, n'obtenant pas l'immunité parlementaire. Condamné en première instance, il réussit à se faire acquitter en 1904 lors d'un second procès à Florence, pour manque de preuves, après que le jugement ait été cassé pour un vice de procédure marginal (un témoin ayant « oublié » de prêter serment lors d'une nouvelle déposition).

Ignazio Florio a soutenu aussi le parrain Antonino Giammona, ainsi que d'autres mafieux, en particulier grâce à son journal, L'Ora. Lors du maxi-procès de 1901, dans lequel étaient inculpé le fils de Giammona et des dizaines d'autres présumés mafieux, il ne daigna pas se déplacer pour témoigner, niant simplement par écrit avoir discuté avec son jardinier le jour du cambriolage, tandis que l'un de ses domestiques se portait garant de l'honnêteté des frères Noto[4].

La ruine

Au tournant du XXe siècle, alors que l'État italien entamait une convention avec la SNI, la société de navigation des Florio, concentrant ses activités à Gênes, Ignazio Florio se ruina en tentant de moderniser et d'agrandir le chantier naval de Palerme. La Banca Commerciale Italiana, créditrice de la SNI, finit par absorber celle-ci, Ignazio Florio étant contraint de vendre ses parts en 1908[1]. Progressivement toutes les activités de la famille Florio, comme la tonnara (it) de Favignana, cessèrent, furent hypothéquées et rachetées par la Banca Commerciale.

Florio tenta de se remettre, en investissant dans la banane aux îles Canaries et en essayant de relancer, en 1925, une flotte commerciale, mais son capital fut de nouveau racheté par la Banque. Malgré l'aide du président du Conseil Giolitti, ces tentatives échouèrent toutes.

A la ruine s'ajouta le deuil. Son héritier mâle, surnommé Baby-Boy, mourut à huit ans; sa fille aînée, Giacobina, à neuf ans. Sa femme, donna Franca, vendit tous ses bijoux, tandis que tous les biens de la famille, mobiliers et immobiliers, étaient hypothéqués afin de tenter de rembourser les dettes. La dernière année de sa vie fut marquée par son apathie totale, la surdité et une solitude complète à l'exception de la présence de sa femme. Après la mort de cette dernière, il retourne à Palerme où il meurt le .

Notes et références

  1. John Dickie, (2004), Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, p. 140-142
  2. John Dickie, op. cit., p. 161
  3. John Dickie, op. cit., p. 169
  4. John Dickie, (2004), Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, p. 153-154

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