Guigemar
Guigemar est un lai breton, un poème narratif, écrit par Marie de France (poétesse) au XIIe siècle. Le poème fait partie du recueil appelé Lais de Marie de France. Comme les autres lais dans ce manuscrit, Guigemar est écrit en anglo-normand, un dialecte d'ancien français, en rime octosyllabique.
Guigemar est l'une des œuvres où l'auteur déclare explicitement se prénommer Marie. Dans le prologue de Guigemar, elle prétend avoir deux buts : louer les gens de mérite en dépit des méchants et préserver les contes oraux. On pense que le prologue de Guigemar est antérieur au prologue général des lais dans le manuscrit Harley 978, le seul manuscrit qui contienne tous les lais de Marie de France[1].
Guigemar est la forme francisée d'un prénom qui signifie en breton digne d'un cheval (titre d'un honneur de cour) et que portait le futur Guyomarch IV de Léon quand le lai fut écrit. Selon Patrick Kernévez et André-Yves Bourgès, le personnage de Guigemar pourrait avoir été inspiré par Guyomarch II de Léon[2].
Résumé
Guigemar, fils d'un vassal loyal au roi de Bretagne, est un chevalier courageux et sage qui, en dépit de ses nombreuses qualités, ne peut pas aimer. Un jour, lorsqu'il est parti à la chasse, il blesse mortellement une biche blanche qui possède des bois de cerfs, mais la flèche rebondit sur son front et blesse le chevalier à la cuisse. Avant de mourir, la biche le maudit, en disant que sa blessure ne sera guérie que par une femme qui souffrira d'amour pour lui, autant que lui l'aimera.
Guigemar traverse la forêt jusqu'au moment où il trouve un fleuve et un navire féérique, c'est-à-dire magnifique mais sans équipage. Il monte à bord et se couche sur ce qui peut être considéré comme un lit mortuaire. Entre-temps, le navire quitte le port, et Guigemar endormi ne sait pas où il va.
Le navire l'emmène dans un pays dont le roi a emprisonné sa femme par jalousie. La reine ne peut voir que deux personnes : une confidente et un vieux prêtre. Sa prison est entourée d'un mur à l'exception d'un petit jardin avec vue sur la mer. C'est là que le navire dépose Guigemar. La reine et sa suivante en le trouvant le croient d'abord mort, puis s'occupent de lui et le soignent après l'avoir lavé. Guigemar et la reine tombent alors amoureux l'un de l'autre, selon une symptomatologie propre à la représentation de l'amour à cette époque.
Après un an et demi, le chambellan du roi les dénonce à son seigneur qui les surprend. Or, juste avant, l'un et l'autre se sont échangé des gages d'amour, comme s'ils avaient pressenti ce qui allait se passer : Guigemar noue une ceinture à la taille de la demoiselle et elle fait un nœud à la chemise de Guigemar, qui est alors le vêtement le plus près du corps. Le roi, après les avoir surpris, force Guigemar à rentrer dans son propre pays. Guigemar est bien reçu, comme si le temps s'était arrêté dans son pays, mais il ne pense qu'à son amour lointain. Le roi, jaloux, emprisonne la reine dans une tour en marbre. Après deux ans de captivité, elle s'échappe et veut aller se noyer dans la mer, là où son ami a disparu. Au bord de la mer, elle voit alors le même navire mystérieux qui lui a apporté Guigemar, et qui l'emmène en Bretagne où elle est trouvée par Mériaduc, un chevalier puissant. Il tombe amoureux d'elle et essaie de la convaincre de répondre favorablement à son amour, mais elle refuse et déclare qu'elle n'aimera que celui qui saura défaire sa ceinture sans la déchirer. Mériaduc en colère lui raconte qu'il a entendu parler de la chemise nouée de Guigemar, et il se demande si ce dernier est l'amant de la dame. En apprenant ceci, la dame manque de s'évanouir. Mériaduc tente alors de défaire le nœud de la ceinture de la dame, en vain.
Plus tard, Mériaduc organise un tournoi auquel Guigemar assiste. Mériaduc présente la reine à Guigemar qui n'est pas certain de la reconnaître. Mériadus demande alors à sa propre sœur d'essayer de défaire le nœud à la chemise du chevalier. Mais c'est la reine qui réussit, Guigemar la reconnait alors et lui demande de montrer sa ceinture, ce qui prouve son identité. En dépit de cette réunion heureuse, Mériaduc ne veut pas donner la reine à Guigemar. Guigemar attaque le château de Mériaduc, et il le tue. Guigemar et sa reine se retrouvent heureux à la fin de l'histoire.
Intertextualité
La peinture murale qui décore la chambre de la dame montre Vénus, la déesse de l'amour, qui jette le livre Remedia Amoris d'Ovide dans un feu[3]. Ce livre du poète latin Ovide apprend aux lecteurs à échapper aux pièges de l'amour.
Éditions
- Philippe Walter (dir. et édition critique) (édition bilingue), Lais du Moyen Âge, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », , p. 6-49.
Bibliographie
- (en) Urban T. Holmes, « A Welsh motif in Guigemar », Studies in Philology, vol. 28, t. XXXIX, , p. 11 à 14.
- Charles Méla, "Le lai de Guigemar selon la lettre et l'escriture", Mélanges Charles Foulon, t. II, Marche romane, t. 30, 1980, p. 193 à 202.
- Rupert T. Pickens, "Thematic structure in Marie de France's Guigemar", dans Romania, t. LCV, 1974, p. 328 à 341.
- Antoinette Saly, "Observations sur le lai de Guigemar", Mélanges Charles Foulon, Rennes, 1980, p. 329 à 339.
Références
- Laurence Harf-Lancner, notes aux Lais de Marie de France, p. 27, Livre de Poche, 1990, (ISBN 2-253-05271-X)
- Patrick Kernévez, André-Yves Bourgès Généalogie des vicomtes de Léon (XIe, XIIe et XIIIe siècles). Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CXXXVI, 2007, p. 157-188.
- Laurence Harf-Lancner, notes aux Lais de Marie de France, p. 39, Livre de Poche, 1990, (ISBN 2-253-05271-X)
Voir aussi
Liens externes
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