Guérison de l'autisme

La guérison de l'autisme, au sens médical, est considérée comme peu probable au regard des connaissances de l'autisme et de ses causes, voire comme un mythe. L'OMS spécifie qu'il n'existe aucun traitement curatif.

Raun Kaufman, un homme dont les parents affirment publiquement en 1976 qu'ils l'ont « guéri de l'autisme », et dont la nature de personne autiste est controversée[1].

Entre 3 et 25 % des personnes ayant reçu un diagnostic lié à l'autisme durant leur enfance ne répondent plus aux critères de ce même diagnostic à l'âge adulte, majoritairement parmi celles qui n'ont pas de handicap mental associé. Ce constat peut recouvrir plusieurs réalités, telles qu'un mauvais diagnostic antérieur, ou un apprentissage de compétences sociales doublé d'un masquage des comportements liés à l'autisme.

La focalisation sur une très hypothétique « guérison de l'autisme » influence les financements et les priorités des politiques de santé dans ce domaine du handicap. Des adultes autistes s'opposent à l'idée selon laquelle l'autisme pourrait ou devrait être prévenu ou guéri. Quelques professionnels de santé, tels que Simon Baron-Cohen, Laurent Mottron et Michael Fitzpatrick, rejoignent cette position. En revanche, les parents d'enfants autistes soutiennent majoritairement la recherche d'un traitement curatif.

Définition

Les notions de « guérison »[2] et de « traitement » de l'autisme sont très controversées. La Fédération québécoise de l'autisme[3] et le Pr Laurent Mottron[4] estiment que « l'autisme n'est pas une maladie », et qu'il est donc erroné de parler de traitement ou de guérison.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'institut Pasteur spécifient qu'il n'existe aucun traitement curatif (notamment médicamenteux) reconnu comme efficace, les réponses médicales portant sur des interventions qui visent à aider les personnes diagnostiquées comme autistes à compenser leur situation de handicap, à travers une « prise en charge uniquement symptomatique (ce sont les symptômes qui sont traités et non les origines des troubles) »[5],[6]. Selon l'institut Pasteur, « la gravité de certains symptômes pourrait être réduite, même chez l’adulte », ce qui justifie la conduite d'essais thérapeutiques[6].

Les psychiatres-psychanalystes, notamment français, ont longtemps relié l'autisme au champ des psychoses, en soutenant sa curabilité, et en décrivant chez les enfants autistes une « folie » réversible[7]. Les manifestations de troubles dans l'autisme sont désormais reconnues au niveau international comme étant neuro-développementales, comme spécifié dans les classifications CIM-10 et DSM-5 (2013)[7]. Les causes de l'autisme sont majoritairement génétiques (plus de 140 gènes impliqués, d'après l'institut Pasteur (2019)[8]) et de façon secondaire environnementales, les vaccins ayant été mis hors de cause par de solides études[9].

Études

En 2008, Molly Helt et ses collègues déterminent qu'entre 3 et 25 % des enfants diagnostiqués dans le champ de l'autisme ne répondent plus aux critères de ce même diagnostic à l'âge adulte[10]. Ils identifient, parmi les facteurs prédictifs de cette évolution vers la perte du diagnostic, une intelligence élevée, un langage réceptif, une imitation verbale et motrice, et un développement moteur, mais pas la « gravité globale des symptômes »[10]. En , une étude de l'Université du Connecticut détermine que 34 jeunes qui avaient reçu un diagnostic fiable relié au champ de l'autisme durant l'enfance, ont par la suite quitté les critères diagnostiques[2]. Interrogée dans la presse, la chercheuse Deborah Fein explique cependant qu'il reste impossible de prévoir la trajectoire des enfants ; en particulier, l'application de l'ABA n'est guère prédictive, deux enfants suivant un même protocole d'ABA pouvant connaître des trajectoires développementales totalement différentes[11]. En , une étude du Weill Cornell Medical College, menée sur l'évolution de 85 enfants diagnostiqués dans le champ de l'autisme, et suivis pendant 20 ans, montre que % de ces enfants ne rencontrent plus les critères diagnostiques à l'âge adulte, la plupart du temps parmi ceux qui ont été diagnostiqués sans handicap mental associé[12].

Traitements alternatifs et « guérison » de nos jours

Pour le sociologue australien Matthew Bennett et son équipe, le « mythe de l'autisme pouvant être guéri », qui découle du modèle médical du handicap, a des effets négatifs sur l'existence des personnes autistes, dans la mesure où d'importants investissements et efforts de recherche portent sur la recherche d'hypothétiques « remèdes », plutôt que sur le financement d'aides à la scolarisation et à la professionnalisation des personnes autistes qui, dans ce contexte, ne peuvent réaliser leur plein potentiel[13].

D'après la sociologue française Lise Demailly, en France à la fin des années 2010, deux catégories de personnes impliquées dans le champ de l'autisme continuent de soutenir qu'il serait guérissable au sens médical[14].

Il s'agit, d'une part, de partisans de l'approche psychodynamique, tels que les membres de l'association PRÉAUT (Prévention autisme), entre autres Marie Allione[14],[15]. La psychanalyste Marie-Christine Laznik, théoricienne de PRÉAUT, revendique ainsi avoir « évité un autisme syndromique » à un bébé de trois mois[16], et à un autre de deux mois, dont le frère est autiste[17], grâce à des « soins » guidés par la psychanalyse.

Les partisans de la théorie causale infectieuse (Corinne Skorupka, Lorène Amet...) soutiennent également la possibilité d'une guérison de l'autisme au sens médical, en estimant que guérir l'infection revient à guérir l'autisme[14].

Aux États-Unis, au moins deux associations soutiennent ou ont soutenu la recherche d'un traitement médical de l'autisme : Defeat Autism Now! (DAN), et Cure Autism Now (CAN, qui a depuis fusionné avec Autism Speaks)[18]. D'après Fitzpatrich, les médecins de DAN! publient très rarement dans des publications scientifiques relues par les pairs, préférant publier dans la littérature grise[19].

Oppositions aux notions de « traitement » et de « guérison »

D'après le Dr en psychologie Simon Baron-Cohen, il existe (en 2009) un début de débat éthique autour de la question de savoir si les connaissances scientifiques de l'autisme doivent être mobilisées pour le « prévenir » ou le guérir[18]. Il déclare à cette occasion, dans le Lancet, que « d'autres aspects de l'autisme bénéficieraient d'un tel traitement, comme le retard important dans l'apprentissage du langage, le handicap intellectuel, l'épilepsie (quand elle se produit), les problèmes intestinaux et les difficultés sociales, mais cela est loin de dire que nous devrions « guérir » l'autisme lui-même »[18]. Ce débat pose la question du respect de l'« intégrité des personnes autistes », autour de l'idée selon laquelle ces personnes font des choix de vie naturellement différents de ceux des personnes non-autistes, et devraient à ce titre bénéficier du respect de leurs choix au même titre que tout autre être humain[20].

Des adultes autistes, en particulier ceux qui militent pour la neurodiversité, considèrent l'autisme comme appartenant à leur identité, ou comme une différence humaine, et non comme une maladie à guérir[21],[22],[23]. Ils rejoignent de façon plus large une revendication de démédicalisation du handicap[24]. Cette prise de position est initiée par le manifeste de Jim Sinclair, en 1993[23] :

« […] quand les parents disent : « Je voudrais que mon enfant n'ait pas d'autisme », ce qu'ils disent vraiment c'est : « Je voudrais que l'enfant autiste que j'ai n'existe pas. Je voudrais avoir à la place un enfant différent (non autiste) ». C'est ce que nous entendons quand vous vous lamentez sur notre existence et que vous priez pour notre guérison. »

 Jim Sinclair, Ne nous pleurez pas[25]

L'ouvrage Comprendre l'autisme pour les nuls rassemble des témoignages d'adultes autistes (dont ceux de Donna Williams et de Temple Grandin) qui réfutent que la guérison soit un objectif souhaitable[26]. Ils reconnaissent néanmoins que les personnes autistes les plus handicapées doivent recevoir un soutien, y compris de leurs pairs, pour accéder à une vie autonome[26]. Hugo Horiot, parfois présenté comme ayant « guéri de l'autisme » dans les médias[27], répond à ces allégations et s'oppose au militantisme pour la « guérison » dans ses ouvrages à but politique, dont Autisme : j'accuse ![28], dans lequel il déclare que « nous devons subir les gourous et charlatans qui prétendent nous « guérir ». Ce jour-là, moi, autiste, j'ai des « bleus à l'âme » »[29]. Cet ouvrage cite par ailleurs Julie Dachez, Daniel Tammet et Josef Schovanec parmi les adultes autistes opposés à cette notion de « guérison »[29].

Cette position « anti-guérison » est moins fréquente parmi les parents d'enfants autistes, bien qu'il existe aussi des parents sensibles au discours de la neurodiversité[30].

Notes et références

  1. (en) Herbert JD, Sharp IR, Gaudiano BA, « Separating Fact from Fiction in the Etiology and Treatment of Autism », Sci Rev Ment Health Pract., vol. 1, no 1, , p. 23–43 (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Deborah Fein, Marianne Barton, Inge-Marie Eigsti et Elizabeth Kelley, « Optimal outcome in individuals with a history of autism », Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines, vol. 54, no 2, , p. 195–205 (ISSN 1469-7610, PMID 23320807, PMCID 3547539, DOI 10.1111/jcpp.12037, lire en ligne, consulté le ).
  3. « Guérir l’autisme ? », sur www.autisme.qc.ca, Fédération québécoise de l'autisme (consulté le ).
  4. Laurent Mottron, L'autisme : une autre intelligence. Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle, Bruxelles, Mardaga, (ISBN 9782870098691).
  5. « Principaux repères sur l'autisme, », sur www.who.int, Organisation mondiale de la santé (consulté le ).
  6. « Autisme (troubles du spectre de l'autisme) », sur Institut Pasteur, (consulté le ).
  7. Patrick Landman, Audrey Keysers et Simon Critchley, Tristesse Business: Le scandale du DSM-5 - Essais - documents, Max Milo, , 128 p. (ISBN 2315004543 et 9782315004546), p. 7. la querelle de l'autisme : handicap contre folie.
  8. « Autisme, la piste génétique », sur Institut Pasteur, (consulté le ).
  9. « Principaux repères sur l'autisme », sur www.who.int, Organisation mondiale de la santé (consulté le ).
  10. Helt et al. 2008.
  11. Slate.fr, « Le mystère des enfants qui guérissent de l'autisme », sur Slate.fr, (consulté le ).
  12. (en) Deborah K. Anderson, Jessie W. Liang et Catherine Lord, « Predicting young adult outcome among more and less cognitively able individuals with autism spectrum disorders », Journal of Child Psychology and Psychiatry, vol. 55, no 5, , p. 485–494 (ISSN 1469-7610, PMID 24313878, PMCID PMC5819743, DOI 10.1111/jcpp.12178, lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) Matthew Bennett, Amanda A. Webster, Emma Goodall et Susannah Rowland, « Creating Inclusive Societies for Autistic Individuals: Negating the Impact of the “Autism Can Be Cured” Myth », dans Life on the Autism Spectrum: Translating Myths and Misconceptions into Positive Futures, Springer, (ISBN 978-981-13-3359-0, DOI 10.1007/978-981-13-3359-0_5, lire en ligne), p. 81–102.
  14. Lise Demailly, « Le champ houleux de l’autisme en France au début du XXIe siècle », SociologieS, (ISSN 1992-2655, lire en ligne, consulté le ).
  15. Voir l'étude de cas citée par Demailly : Marie Allione, « Une petite lumière sur le soin précoce », Cahiers de PréAut, vol. 10, no 1, , p. 147 (ISSN 1767-3151 et 2273-2225, DOI 10.3917/capre1.010.0147, lire en ligne, consulté le ).
  16. Marie-Christine Laznik, Caroline Pélabon et Muriel Chauvet, « Comment éviter un autisme syndromique : Prise en charge transdisciplinaire d’un bébé entre 3 mois et 5 ans », Le Journal des psychologues, vol. 353, no 1, , p. 23 (ISSN 0752-501X et 2118-3015, DOI 10.3917/jdp.353.0023, lire en ligne, consulté le ).
  17. Marie-Christine Laznik, « Traitement psychanalytique d'un bébé de deux mois, frère d'autiste, présentant des signes de danger d'une évolution semblable », Psychiatrie française, vol. 43, no 2, , p. 124-150 (lire en ligne).
  18. Baron-Cohen 2009, p. 1595.
  19. (en) Stuart W. G. Derbyshire, « Unorthodox Theories of Autism Are Wrong and Inhuman », PsycCRITIQUES, vol. 5454, no 2424, (ISSN 1554-0138 et 1554-0138, DOI 10.1037/a0016214, lire en ligne, consulté le ).
  20. Baron-Cohen 2009, p. 1596.
  21. (en) Steven K. Kapp, Kristen Gillespie-Lynch, Lauren E. Sherman et Ted Hutman, « Deficit, difference, or both? Autism and neurodiversity. », Developmental Psychology, vol. 49, no 1, , p. 59–71 (ISSN 1939-0599 et 0012-1649, DOI 10.1037/a0028353, lire en ligne, consulté le ).
  22. (en) Nancy Bagatell, « From Cure to Community: Transforming Notions of Autism », Ethos, vol. 38, no 1, , p. 33–55 (ISSN 1548-1352, DOI 10.1111/j.1548-1352.2009.01080.x, lire en ligne, consulté le ).
  23. Brigitte Chamak, « Autisme et militantisme : de la maladie à la différence », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, no 68, , p. 61-70 (ISSN 2105-2956, DOI 10.4000/quaderni.268, lire en ligne, consulté le ).
  24. (en) Erika Dyck et Ginny Russell, « Challenging Psychiatric Classification: Healthy Autistic Diversity and the Neurodiversity Movement », dans Healthy Minds in the Twentieth Century: In and Beyond the Asylum, Springer International Publishing, coll. « Mental Health in Historical Perspective », (ISBN 978-3-030-27275-3, DOI 10.1007/978-3-030-27275-3_8, lire en ligne), p. 167–187.
  25. (en) Jim Sinclair, « Don’t mourn for us », Our Voice, Autism Network International, vol. 1, no 3, (lire en ligne). Traduction française réalisée par l'association Asperansa : Jim Sinclair, « Ne nous pleurez pas [Don't mourn for us] ».
  26. Shore et Rastelli 2015, p. « Sur l'utilité d'un traitement ».
  27. Astrid De Larminat, « Hugo Horiot, autoportrait d'un ancien autiste », sur Le Figaro.fr, (consulté le ).
  28. (en) Vivienne Orchard, « Autisme, j’accuse! Life-writing, autism and politics in the work of Hugo Horiot », French Cultural Studies, (DOI 10.1177/0957155819861033, lire en ligne, consulté le ).
  29. Hugo Horiot, Autisme : j'accuse ! : Un regard révolutionnaire sur l'intelligence en autisme, Éditions L'Iconoclaste, (ISBN 979-10-95438-97-7 et 1-0954-3897-2).
  30. (en) M. Ariel Cascio, « Neurodiversity: Autism Pride Among Mothers of Children with Autism Spectrum Disorders », Intellectual and Developmental Disabilities, vol. 50, no 3, , p. 273–283 (ISSN 1934-9491, DOI 10.1352/1934-9556-50.3.273, lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Bibliographie

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