Giuseppe Tucci

Giuseppe Tucci (né le à Macerata – mort le à San Polo dei Cavalieri, dans la province de Rome), est un orientaliste, sanskritiste et sinologue puis tibétologue italien, spécialiste de l'histoire du bouddhisme. Il parlait plusieurs langues européennes ainsi que le sanskrit, le bengali, le chinois et le tibétain. Il enseigna à l'université de Rome « La Sapienza » jusqu'à sa mort.

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Jeunesse et études

Giuseppe Tucci nait dans une famille de la classe moyenne à Macerata dans les Marches. Élève doué, il apprend seul l'hébreu, le chinois et le sanskrit avant d'aller à l'université en 1911, à l'âge de 18 ans. Il publie alors une série d'épigraphes latins dans la revue de l'Institut germanique d'archéologie. Il complète ses études à l'université de Rome en 1919 mais elles sont interrompues par la Première Guerre mondiale.

Après avoir obtenu ses diplômes, il voyage jusqu'en Inde et s'arrête à l'université Visva-Bharati, fondée par le poète bengali et prix Nobel de littérature Rabindranath Tagore. Là, il étudie le bouddhisme et les langues tibétaine et bengali. Il y enseigne également l'italien et le chinois. Il étudie et enseigne aussi à l'université de Dacca, à l'université de Bénarès, puis à celle de Calcutta. Il reste en Inde jusqu'en 1931, année où il rentre en Italie.

Enseignements et recherches

Tucci est considéré comme l'un des plus grands orientalistes italiens, menant des travaux et des recherches sur un large spectre de l'Orient, de l'ancienne religion iranienne à la philosophie chinoise. En particulier, il est un spécialiste mondialement reconnu des cultures tibétaine et mongole[1].

Il est professeur invité dans de nombreuses universités à travers l'Europe et l'Asie. En 1931, l'université de Naples crée pour lui la première chaire de langue et littérature chinoises.

Avec le philosophe italien Giovanni Gentile, il fonde l'Institut italien d'études pour le Moyen et l'Extrême-Orient (it) (IsMEO) à Rome. Au nom de l'Institut, il organise des missions scientifiques et des fouilles archéologiques pionnières en Asie[1], comme dans la vallée du Swat dans le nord du Pakistan, à Ghazni en Afghanistan, Persépolis en Iran et dans l'Himalaya.

Entre 1928 et 1954, il organise et mène huit expéditions dans l'Himalaya indien, le Tibet occidental et central, et, seul, cinq ou six au Népal, collectant des objets, des témoignages et une somme de documents sur le patrimoine artistique et littéraire de ces régions, patrimoine déjà souvent dégradé. Il fut aussi le président du musée national italien d'art oriental.

En 1960, il invite Namkhai Norbu Rinpoché, lequel s'installe en Italie, où il occupe un poste à l'IsMEO à Rome et, à partir de 1962, à l'Institut universitaire oriental de Naples, où il enseigne la langue et la littérature tibétaines jusqu'en 1992[2].

En 1978, il reçoit le Jawaharlal Nehru Award pour sa compréhension du monde, en 1979 le prix Balzan pour l'histoire (ex æquo avec Ernest Labrousse) « Pour ses extraordinaires découvertes en Orient et pour ses études historiques fondamentales, qui ont montré l’interdépendance du développement des civilisations européenne et orientale » (motivation du Comité général des Prix Balzan).

Durant sa vie, il aura écrit plus de 360 livres et articles.

Engagements et relations politiques

L'Istituto Italiano di Cultura de Tokyo.

Franc-maçonnerie

Tucci fut membre de la Franc-maçonnerie[3].

Fascisme

Pour Hans Thomas Hakl, Tucci fait partie des intellectuels qui se sont ralliés clairement au fascisme, tout en gardant une attitude élitaire et un grand intérêt pour l'ésotérisme[4].

Selon l'écrivain James Kirkup (en), Tucci soutenait Mussolini et était l'ami intime du philosophe fasciste Giovanni Gentile, ministre de l'éducation de Mussolini aux débuts du régime fasciste[5]. D'après James Kirkup, quand éclata la Guerre du Pacifique en 1941, il fut envoyé par Mussolini au Japon pour y fonder l'Institut culturel italien à Tokyo et voyagea dans tout le pays pour y donner des conférences sur le Tibet et sur la « pureté raciale »[6]. Selon d'autres auteurs, quand cet institut fut fondé, en , il se trouvait au Japon, et ce depuis où il se rendit pour la première fois dans ce pays[7].

Selon Per Kværne, « l'attitude de Giuseppe Tucci vis-à-vis du fascisme italien fut, apparemment, indécise jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale »[8].

Soutien de Giulio Andreotti dans l'après-guerre

En 1950, Tucci reconnaît que les difficultés financières de son expédition de 1948 furent résolues grâce à l'intérêt porté à celle-ci par Giulio Andreotti, l'un des politiciens les plus influents de l'après-guerre en Italie[9].

Religion

Comme l'immense majorité des Italiens de son époque, Tucci était né dans une famille de religion catholique. Dans Segreto Tibet Fosco Maraini écrit qu'à lui-même comme aux autres membres de l'expédition de 1948 il ne fut pas permis de pénétrer à Lhasa et que, par la suite, seul Tucci, en tant que bouddhiste, reçut le lam-yig (l'autorisation d’entrer)[10]. Tucci en effet était devenu bouddhiste pendant l'expédition de 1935, ayant été initié par l'abbé de Sakya, comme il l'écrit lui-même dans Santi e briganti nel Tibet ignoto. Tucci était convaincu d’avoir été un Tibétain dans sa vie antérieure, et de s'être réincarné en Occident pour aider son peuple par le témoignage de sa religion et de sa culture.

Le , dans une lettre publiée dans le journal Il Tempo (p. 3, rubrique « Copialettere »), à la suite d’une polémique due à sa rencontre manquée avec le 14e Dalaï Lama, allé à Rome rendre visite au pape Paul VI, Tucci écrivit : « Je confirme une nouvelle fois que je suis sincèrement bouddhiste, au sens cependant que je suis et cherche à faire revivre en moi les paroles du Maitre dans leur simplicité originale, dépouillées des architectures religieuses et des spéculations logiques et gnostiques qui, au fil des temps, les ont dénaturées et déformées. Par conséquent, toujours profondément respectueux des opinions des personnes qui donnent un témoignage de la sincérité de leur propre foi, je ne crois pas en Dieu, je ne crois pas à l'âme, je ne crois à aucune Église mais seulement à trois principes : la pensée juste, la parole juste, l'action juste. C’est facile à dire mais très difficile mettre en pratique avec courage et sans concessions, sans s’humilier à un compromis ou à des calculs indignes d'avantage et de profit ».

Peu avant la mort de Tucci, le , un ami commun, Gilberto Bernabei, écrivit à Giulio Andreotti une lettre où il disait que Tucci était retourné au catholicisme. Il est très probable que ce serait à l’initiative de sa femme Francesca ; quoi qu’il en soit il n’existe aucune lettre ou aucun document autographe de Tucci ou signé de lui qui attesterait de ce retour au catholicisme in articulo mortis.

Ouvrages

  • (en) Giuseppe Tucci, The Religions of Tibet (trad. Geoffrey Samuel), Routledge, Kegan Paul, 1970
  • Giuseppe Tucci Les Religions du Tibet et de la Mongolie, Payot, 1973
  • Giuseppe Tucci Théorie et Pratique du Mandala - Éditions Fayard, Paris - 1974
  • Giuseppe Tucci Tibet, pays des neiges Albin Michel - 1967, réédition 1999, Paris, Kailash Éditions, préface Katia Buffetrille
  • Giuseppe Tucci RATI-LILA, essai d'interprétation des représentations tantriques des temples du Népal, Genève - Nagel 1969
  • (en) Giuseppe Tucci, Tibetan Painted Scrolls, Rome, Libreria dello Stato,
  • Liste des œuvres de Giuseppe Tucci

Sources

Notes et références

  1. Philippe Baillet, Le parti de la vie — Clercs et guerriers d'Europe et d'Asie, Saint-Genis-Laval, Akribeia, , 244 p. (ISBN 2-913612-57-1), p. 54.
  2. (en) Anne Wisman, Chögyal Namkhai Norbu Rinpoche Passes Away at 79, Buddhistdoor, 3 octobre 2018.
  3. (en) Gustavo Raffi, Gran Maestro del Grande Oriente d'Italia, Erasmo notizie: Bollettino d'informazione del Grande Oriente d'Italia, anno II, n. 10, 15 novembre 2000, p. 8 : « Potreste forse notare che anche diversi tra gli studiosi italiani i quali si sono dedicati e ancora si dedicano allo studio delle culture, lingue e religioni indiane sono o sono stati massoni. Tra questi possiamo menzionare il compianto Prof. Giuseppe Tucci, che è stato uno dei più celebri studiosi di Sanscrito e Tibetano e un profondo e sincero amico degli Indiani ».
  4. Hans Thomas Hakl, « Giuseppe Tucci entre études orientales, ésotérisme et fascisme », Politica Hermetica, no 18, , p. 119-136.
  5. (en) James Kirkup, Fosco Maraini. Writer and traveller who photographed 'secret Tibet', The Independent, 19 juin 2004 : « Tucci was a supporter of Mussolini, and a close friend of the Fascist philosopher Giovanni Gentile. »
  6. James Kirkup, op. cit. : « When the Pacific War broke out, Tucci was sent by Mussolini to found the Italian Cultural Institute in Tokyo and travelled all over Japan giving lectures on Tibet and on "racial purity". »
  7. (en) The newsreel Giornale Luce B1079, 21 April 1937, on the opening entitled Giappone Tokyo. L'Istituto Italo-Nipponico, produced by Asahi and distributed in the Italian Cinemas, can be viewed at the site of Istituto Luce in Rome url=http://www.archivioluce.com/archivio/.
  8. (en) Per Kværne, Tibet Images among Researchers on Tibet, in Imagining Tibet: perceptions, projections, & fantasies, Thierry Dodin, Heinz Räther (eds.) 2001, p. 55 : « His attitude to fascism in Italy until the end of the Second World War was, however, apparently ambivalent; one of his close friends and associates was Giovanni Gentile, Mussolini's minister of education at the beginning of the fascist regime ».
  9. (en) Lawrence Venuti, Translation and minority, St. Jerome Publishing, 1998, (ISBN 190065010X et 9781900650106), p. 325 : « Later on, in the preface to A Lhasa e oltre (1950:7), an account of his 1948 journey, he even acknowledges that funding difficulties were resolved by the interest shown in his expedition by one of the most powerful politicians of post-war Italy, Giulio Andreotti ».
  10. Fosco Maraini, Segreto Tibet, Bari, Leonardo Da Vinci editore, 1951, chap. VIII.

Liens externes


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