Fret ferroviaire en France
En France, le transport de marchandises par train est, après le transport de voyageurs, la seconde activité de transport ferroviaire sur le réseau ferré.
Historique
Le , la première concession de chemin de fer pour le transport de marchandises, essentiellement de la houille est accordée. Elle est inaugurée en juin 1827, est hippomobile et transporte du charbon entre Saint-Étienne et Andrézieux[1]. La ligne est exploitée par la compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire.
Après 1870, le développement du chemin de fer permet le transport de marchandises, comme la nourriture, la mode ou les colis, principalement vers les villes. Cela permet l'émergence de techniques de conservation des produits frais et périssables, la démocratisation des produits de la mer dans les villes et la spécialisation des régions dans certaines productions[1].
À la suite de la Libération de la France, les infrastructures ferroviaires et les wagons sont en grande partie détruits. Le réseau est reconstruit et modernisé entre 1945 et 1950, et dès 1947 le tonnage, qui avait été divisé par trois pendant la Seconde Guerre mondiale, retrouve son niveau de 1939[1].
Pendant la sécheresse de 1976, 650 000 tonnes de paille sont livrées à l'aide de 100 000 wagons dans les régions les plus touchées[1].
Le fret ferroviaire commence son déclin avec le premier choc pétrolier. Le tonnage transporté passe de 75 milliards de t.km[N 1] en 1974 à 64 en 1975 puis 55 en 1998 et 40 en 2005[2].
Jusqu'en 2003, la SNCF dispose du monopole sur le transport ferroviaire de marchandises. La liberté d'autres entreprises ferroviaires de fournir des prestations de transport par train est entrée en vigueur le 7 mars 2003 pour les trafics internationaux[3]. Le premier train de ce type n’a toutefois circulé que le 13 juin 2005, et c'est Connex via sa filiale CFTA Cargo qui s'est lancé[4].
En 2004, Marc Véron, le président de Fret SNCF, lance un plan de redressement du fret sur trois ans, visant notamment à chasser les déficits[5]. Ce plan coûte 1,5 milliard d'euros, réparti entre l'État pour 800 millions d'euros et la SNCF pour 700 millions. Ce plan est considéré comme un échec. En novembre 2006, Marc Véron est débarqué de Fret SNCF pour ses mauvais résultats et remplacé par Olivier Marembaud, ancien président de Kéolis[6]. Celui-ci met en place en avril 2007 un nouveau plan fret, avec le lancement de nouvelles liaisons à grande capacité et la création de trois centres de triage. Le volet social du plan, qui visait plus de souplesse dans les horaires de travail en contrepartie de salaires plus élevés, n'est pas appliqué car il menacerait le statut de cheminot. Le plan Marembaud est également considéré comme un échec, deux ans après son lancement. Entre 2003 et 2009, 3,5 milliards d'euros ont été injectés dans le fret[7].
Jusqu'en juin 2005, la SNCF via Fret SNCF est ainsi la seule entreprise ferroviaire de fret à circuler sur le réseau ferré national français. Quelques petits opérateurs marginaux existaient déjà par ailleurs sur des lignes ne faisant pas partie de ce réseau (RDT 13, Chemins de fer de la Corse, etc).
Depuis 2005, le nombre de transporteurs de fret a progressivement augmenté, pour atteindre en 2011 une quinzaine d'entreprises différentes détenant une part de marché proche de 20 % (le reste étant toujours exploité par les entreprises de la SNCF).
Le , les trafics nationaux sont ouverts à la concurrence, marquant de fait la fin complète du monopole de la SNCF sur le transport ferroviaire de marchandises[8]. Les opérateurs privés détiennent 15 % du tonnage en 2008, 25 % en 2012, 40 % en 2017, 45 % en 2019[9]. L'opérateur historique est en effet 20 à 30 % plus cher que ceux-ci[2].
En décembre 2012, l'autorité de la concurrence sanctionne l'opérateur historique pour abus de position dominante. La cour d'appel de Paris confirme cette condamnation en novembre 2014 mais diminue le montant de l'amende[10].
En octobre 2016, les péages, alors fort inférieurs à la moyenne européenne, doivent être augmentés sur demande de l'Europe afin de correspondre à la réalité des coûts. Le gouvernement lance alors conjointement un plan de relance du fret, en améliorant l'infrastructure via SNCF réseau, et en compensant la hausse des péages[11].
En 2017, aucune société de fret ferroviaire ne fait de bénéfice[12].
En juin 2018, le gouvernement lance un plan de relance du fret, visant notamment à favoriser le transport combiné rail-route, à diminuer le poids des péages, et à investir dans les lignes locales, ou « capillaires »[13],[14].
En 2020, le Premier ministre Jean Castex annonce une série de mesures destinées à améliorer la compétitivité du fret ferroviaire : l'État accorde des aides de 63 millions € pour la gratuité des péages d'accès au réseau ferroviaire français de juillet à décembre ; toutes les entreprises de fret ferroviaire opérant sur le territoire national sont concernées ; les redevances d'infrastructures représentent entre 10 et 15 % des charges ; à partir du , l'État prendra en charge 70 % des coûts des péages facturés aux entreprises. Par ailleurs, il consacrera un financement annuel pouvant aller jusqu'à 35 millions €, sous forme d'aides au démarrage, afin de faciliter le montage de projets de nouvelles « autoroutes de fret ferroviaire »[15]. De plus, le nombre de conducteurs chez Fret SNCF doit être réduit de 10 %[16].
En 2021, avec une aide annuelle de 170 millions d’euros, le gouvernement prolonge la stratégie nationale d’un doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030. Il ne constitue que 9% du transport intérieur de marchandises, tandis le fret routier en assure 90%[17].
Caractéristiques du trafic
La part de marché du fret ferroviaire en France n'a cessé de s'éroder au profit du transport routier de marchandises, pour tomber à 9 % en 2019, soit cinq fois moins qu'en 1974 et environ la moitié de la moyenne européenne[15].
Le fret ferroviaire est principalement réalisé en France par trains massifs et secondairement par wagon isolé.
En 2017, 62 % du trafic ferroviaire est national, 15 % est de l'export, 12 % de l'import et 11 % du transit[18].
En 2005, sur le réseau ferré national, le transport ferroviaire national représentait 65,8 millions de tonnes et 23,5 milliards de tonnes-kilomètres[N 1],[19]. Ce trafic est essentiellement assuré par la SNCF, les nouveaux entrants représentant une part de l'ordre de 10 % en 2008[20]. La distance moyenne de transport est égale à 358 km, contre 160 par voie fluviale et 89 km par route. Exprimée en tonnes-kilomètres, la part modale du transport ferroviaire de fret s'élevait à 11,4 % contre 2,3 % pour la voie fluviale et 86,3 % pour la route. Cette part a diminué de 3,4 points entre 2001 et 2008.
Selon l'Association française du rail (Afra) le trafic de fret ferroviaire en France a chuté de 31 % entre 2003 et 2013[21]. Comparativement, sur la même période, le fret diminue de 6,4 % en Italie mais augmente de 15 % au Royaume-Uni et 43 % en Allemagne.
2014[22] | 2015 | |
---|---|---|
Ensemble (Md-t/km) | 339,6 | 335 |
Routier | 288,5 (85 %) | 281,7 (84,1 %) |
Ferroviaire | 32,22 (9,5 %) | 35,5 (10,6 %) |
La France est concernée par 3 corridors européens de fret[23] :
- Corridor Mer du Nord-Méditerranée (ex no 2)
- Corridor Atlantique (ex no 4)
- Corridor Méditerranée (ex no 6)[24].
En raison des caractéristiques variées du réseau, la longueur des trains de fret est généralement inférieure à 750 mètres, biens que certains trains de 850 mètres puissent circuler sur la ligne Le Havre-Marseille ou sur la ligne Bettembourg-Perpignan[24]. Le déploiement de trains de 850 m se fait de façon croissante, d'autant qu'il nécessite peu d'investissement, essentiellement des ajustements de signalisation. Le gain de productivité obtenu est de 10 à 15 %. L'étape suivante, des trains de 1 000 m, n'est pas prévue avant décembre 2021 [25].
Un train de 1 500 m, le plus long d'Europe, circule en 2014. Cela permet de ne commander qu'un seul sillon, et ainsi économiser les coûts[26].
Notes et références
- Les tonnes-kilomètres sont obtenues en multipliant pour chaque transport sa masse en tonne par la distance de transport en kilomètres.
- « FRET : UN RÔLE CRUCIAL DURANT LES CRISES », sur sncf.com, (consulté le ).
- Marc Carémantrant, « Quel avenir pour le fret ferroviaire en France ? », sur railpassion.fr, (consulté le ).
- Union des transports publics et ferroviaires, « Libéralisation en France du fret ferroviaire », sur utp.fr, (consulté le )
- « Départ contrarié pour le premier train de fret privé », sur l'expansion.com, (consulté le )
- « SNCF : Marc Véron défend son plan de redressement du fret », sur lesechos.fr, (consulté le ).
- AFP, « Le patron du fret de la SNCF débarqué pour mauvais résultats », sur lexpress.fr, (consulté le ).
- F.A., « Dix années de pertes et deux plans de sauvetage pour rien », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
- Bertrand Beauté, « Nouveau plan pour relancer le Fret SNCF », sur usinenouvelle.com, (consulté le ).
- Julien Chabrout, « Le fret ferroviaire, dossier brûlant du nouveau président de la SNCF », sur lexpress.fr, (consulté le ).
- AFP, « Concurrence sur le fret: la SNCF condamnée en appel », sur challenges.fr, (consulté le ).
- AFP, « Fret ferroviaire : pourquoi les péages vont (fortement) augmenter », sur latribune.fr, (consulté le ).
- Philippe Jacqué, « Le fret ferroviaire déraille (aussi) », Le Monde, (lire en ligne).
- AFP, « Fret ferroviaire: Borne dévoile les premières mesures du plan de relance », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
- Eric Béziat, « Fret ferroviaire : le gouvernement esquisse son plan de relance », sur lemonde.fr, (consulté le ).
- Antoine Boudet, Lionel Steinmann, « L'État une énième fois au chevet du fret ferroviaire », Les Échos, (consulté le ).
- « SNCF : 10 % de conducteurs en moins prévus pour le fret - Libération », sur www.liberation.fr, .
- « Fret ferroviaire : le gouvernement prolonge une aide annuelle de 170 millions d’euros », sur LeMonde.fr avec AFP, (consulté le ).
- Commissariat général au développement durable, « Le transport ferroviaire de marchandises en hausse en 2017 », sur developpement-durable.gouv.fr, (consulté le ).
- Données SITRAM, ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables.
- Sonya Faure, « Deux raisons pour une grève », sur Libération, (consulté le ).
- Le fret ferroviaire a chuté en France de 31% depuis 2003, 07/01/2015 - Challenges
- « Les chiffres clés dans le fret ferroviaire en 2015 », sur AFRA, (consulté le ).
- « Corridors européens de fret ferroviaire traversant la France », sur sncf-reseau.com, (consulté le ).
- DOCUMENT DE REFERENCE DU RESEAU FERRE NATIONAL « Horaire de service 2017 » Version 7 du 9 septembre 2016
- Olivier Constant, « Fret ferroviaire : Fret SNCF déploie les trains longs », sur actu-transport-logistique.fr, (consulté le ).
- « La SNCF lance le plus long train d'Europe », sur ouest-france.com, (consulté le ).