Francesco Hayez

Francesco Hayez (prononcé : [franˈtʃesko ˈaːjets]), né le à Venise et mort le à Milan, est un peintre italien.

Artiste majeur du romantisme historique italien du milieu du XIXe siècle à Milan, il est reconnu pour ses grandes peintures d'histoire, inspirées du Moyen Âge et de la Renaissance, ses allégories politiques, et pour la grande finesse de ses portraits[1].

Biographie

Hayez a laissé à la postérité ses mémoires, publiés en 1890 à Milan sous le titre Le mie memorie avec une préface d'Emilio Visconti Venosta. De nombreux détails de sa vie entre 1791 et 1840 proviennent de cet ouvrage, fruit d'une collaboration avec la comtesse Giuseppina Negroni Prati Morosini, une amie, à qui il dicta ses souvenirs, entre 1869 et 1875, et qui légua le manuscrit à l'Académie des beaux-arts de Brera[2].

Jeunesse et formation

Ses parents vivent à Venise et semblent connaître une certaine pauvreté[2]. Sa mère, originaire de Murano, Chiara Torcellan, a épousé un pêcheur, Giovanni Hayez, dont la famille venait de Valenciennes (Nord de la France). Le jeune Francesco a quatre autres frères. Pour des raisons économiques, il est confié à la garde d'une tante maternelle, installée à Milan, épouse de Francesco Binasco, un antiquaire et collectionneur d'art[3].

Avec lunettes et casquette, Hayez s'est ici peint au milieu d'amis artistes, Pelagi, Migliara, Molteni et Grossi (toile inachevée, 1824-1826), musée Poldi Pezzoli, Milan.

Son oncle l'emploie comme assistant dans son commerce, puis, lui détectant un certain talent de dessinateur, il le confie à l'artiste Francesco Maggiotto. C'est donc à Venise, dans l'atelier du peintre, qu'il reçoit un enseignement artistique complet, dévorant de nombreux ouvrages et copiant les maîtres vénitiens, comme Gregorio Lazzarini. Après cette période d'apprentissage, Binasco le confie à un nouvel artiste, Filippo Farsetti (en), également vénitien, qui possédait une grande collection de sculptures antiques en plâtre ; là encore, dessinant, Francesco passe du temps à les reproduire. Le soir, il se rend à l'Académie des beaux-arts de Venise pour suivre des cours de nu académique. Il s'y fait de nombreux amis, dont Lattanzio Querena, de vingt ans son aîné, et qui était un proche de Maggiotto. Le , Francesco remporte le premier prix de l'Académie pour un nu[3].

En 1806, Venise tombe aux mains de l'Armée française. L'Académie doit déménager et en 1808, un nouveau directeur est nommé, l'archéologue Leopoldo Cicognara. Francesco se passionne pour les cours de peinture d'histoire prodigués par Teodoro Matteini (1754-1831), au style marqué par le néo-classicisme. En 1809, il reçoit une première commande, une Adoration des mages, pour les pères armériens de la paroisse de Lussingrande. La même année, il compose un portrait de groupe représentant sa famille, puis remporte le concours pour une bourse d'étude de trois ans à Rome où il arrive en octobre. Accompagné de son collègue Odorico Politi (1785-1846), recommandé par son oncle et surtout par Cicognara, Francesco peut se rapprocher du maître Antonio Canova et d'un mécène, le cardinal Ercole Consalvi. Il a accès à toutes les collections publiques et privées, visitant les Chambres de Raphaël au Vatican. Le soir, il profite des plaisirs de la grande ville, avec ses nombreux amis artistes, tels Pelagio Palagi, Tommaso Minardi, Ingres, Bartolomeo Pinelli et Friedrich Overbeck[2],[3].

Premiers succès

Hayez, vingt-et-un ans, peint Rinaldo et Armida (1812-1813), Gallerie dell'Accademia de Venise.
Une commande de Murat : Ulysse à la cour d'Alcinoos (1815), musée de Capodimonte, Naples.
Son premier tableau « médiéval » : Pietro Rossi prisonnier des Scaligeri (1820), collection San Fiorano, Milan.

En 1812, Hayez participe au concours de l'Académie des beaux-arts de Brera avec pour thème imposé le Laocoon, et remporte le premier prix ex aequo avec Antonio De Antoni, un protégé d'Andrea Appiani, premier peintre de l'empereur Napoléon. Déçu, Hayez n'en fait pas moins son entrée sur la scène publique. Durant l'été 1813, il envoie à l'Académie vénitienne, Rinaldo et Armida, une composition qui plait beaucoup à Leopoldo Cicognara qui lui accorde une quatrième année et une aide substantielle. Son Athlète triomphant, très marqué par Canova, remporte ensuite le prix Mecenate Anonimo remis par l'Accademia di San Luca[3].

Il vit à cette époque dans une demeure romaine prestigieuse, le palais de Venise, hébergé par l'archéologue et ambassadeur Giuseppe Tambroni. Il y connaît sa première histoire d'amour avec l'épouse du majordome de ce dernier, mais l'affaire s'ébruite et provoque un scandale. Canova ordonne à son protégé de quitter Rome et de se rendre à Florence. Le , Joachim Murat, mandaté par le ministre de l’Intérieur, Giuseppe Zurlo, sur intervention de Cicognara, lui alloue tout de même une bourse annuelle de 50 écus papaux, une somme assez modeste. Un an plus tard, avec l'accord de Canova, il retrouve Rome et se consacre à terminer une nouvelle grande composition, Ulysse à la cour d'Alcinoos ; la chute de Murat en 1815 n'empêche pas le roi Ferdinand Ier d'acheter la toile et de l'exposer à la Reggia di Capodimento, redevenue un musée[4].

Intermède vénitien

Le , Hayez épouse à Rome Vincenza Scaccia. Le couple quitte la ville pour se rendre à Venise et trouve refuge chez l'oncle Binasco, obéissant à la promesse faite à Cicognara qui voulait que son protégé peigne un portrait du souverain François 1er d'Autriche qui venait d'épouser Caroline-Auguste de Bavière. C'est en l'honneur de l'impératrice qu'il compose la Pietà di Ezechia. Puis, il offre à Cicognara, un tableau de groupe représentant la famille de son protecteur. Hayez entre ensuite au service de Giuseppe Borsato, peintre et décorateur prestigieux, avec qui il travaille jusqu'en 1821, améliorant son train de vie, mais finit par y renoncer, ayant le sentiment de s'éloigner de son art. C'est de cette époque que date sa première composition historico-médiévale, d'inspiration romantique, Pietro Rossi prisonnier des Scaligeri (Collection San Fiorano, Milan)[5].

L'exode milanais

Le Dernier Baiser de Roméo et Juliette (1823), Tremezzo, Villa Carlotta.
Portrait de Carolina Zucchi (1825), musée des arts anciens de Turin.
La Ballerine Carlotta Chabert en Vénus (1830), musée d'Art moderne et contemporain de Trente et Rovereto.

Son Pietro Rossi est exposé à l'Académie de Brera (Milan) durant l'été 1820 grâce à son ami le peintre Ignazio Fumagalli (1778-1842) ; dès lors, Hayez entre en contact avec la première génération des romantiques italiens, à savoir Alessandro Manzoni, Tommaso Grossi, Ermes Visconti (1784-1841), établis à Milan. Il reçoit alors de nombreuses commandes, dont la plus prestigieuse reste à cette époque celle du comte Francesco Arese Lucini, pour une composition inspirée d'une tragédie de Manzoni, le Comte de Carmagnole. Ce travail est vivement apprécié par Manzoni et ses amis, qui voient dans le peintre un artiste prêt à s'engager et à partager leurs idéaux, ancrés dans ce qui va devenir le Risorgimento. À cette époque, il rompt avec Cicognara qui voit son protégé accaparé par les milanais et Brera s'enrichir des talents du vénitien[6].

De fait, comme le soulignera plus tard le journaliste et critique d'art Giuseppe Rovani (1818-1874), en s'adressant à Hayez à propos du tournant de l'année 1821 : « Canova est mort ; et tous les arts sont renouvelés. [...] C'est donc à votre tour de provoquer un tremblement de terre et vous n'êtes pas un homme à vous perdre dans la poussière »[7].

En 1822, il est nommé remplaçant de Luigi Sabatelli, qui travaille à la restauration des fresques du palais Pitti, à la chaire d'histoire de l'art italien de l'Académie de Brera. L'un de ses plus proches amis est alors le graveur Michele Bisi qui traduit son œuvre. Hayez produit de grands formats, tel Le dernier baiser de Roméo et Juliette, une commande datant de 1823 dédiée à Gian Battista Sommarivaref [3]. Outre Shakespeare, Hayez tire des sujets de compositions de Friedrich Schiller, Nicolas Machiavel ou Lord Byron. C'est aussi le moment où il exécute ses premiers portraits remarqués, comme celui de Francesco Peloso (1824), marqué par Le Tintoret, et le Portrait du comte Arese en prison (1828), où l'on sent encore l'influence de Jacques-Louis David. Le peintre porte également un regard sur lui-même à travers une série d'autoportraits en situation (1824 et 1831), qui montre qu'il est tenté par le registre du réalisme serein[8].

En 1823, il rencontre l'artiste et lithographe Carolina Zucchi qui devient son élève, puis sa maîtresse, son modèle et sa confidente ; elle tient salon à Milan où se retrouve Hayez, Gaetano Donizetti et Vincenzo Bellini. De cette époque daterait certains dessins très érotiques du peintre mettant en scène Carolina.

Le Salon des Cariatides

La notoriété d'Hayez gagne bientôt le centre de l'Europe, et le peintre reçoit des commandes venues de la cour de Guillaume Ier de Wurtemberg et surtout du prince Klemens Wenzel von Metternich qui le charge d'exécuter le plafond du Salon des Cariatides au Palais royal de Milan, pour commémorer le couronnement de l'empereur Ferdinand Ier. Le peintre se rend ensuite à Vienne, à la cour, pour présenter ses esquisses à Metternich et à François Kolowrat ; il en profite pour visiter les musées et ateliers d'artistes viennois, puis fait un crochet par Munich où il retrouve Peter von Cornelius et Julius Schnorr von Carolsfeld, connus lors du séjour romain. Revenu à Milan en , Hayez ne dispose plus que de quarante jours avant la date du couronnement impérial pour terminer son travail[3].

Le succès des thèmes romantiques

Hayez inaugure, à partir des années 1840, une phase plus mature, sa peinture historique évolue, ses portraits de femme prennent en gravité comme Malinconia (1840-1841, Pinacothèque de Brera) ou Accusa segreta (Accusation secrète, 1847, Galerie d'art moderne de Milan), cycle qui se termine par le Portrait de Matilde Juva Branca (1851, Pavie, Pinacothèque Malaspina) qui appartient à une série de trois tableaux ayant pour thème la trahison amoureuse. Puis, selon un rythme toujours croissant, des commandes prestigieuses, des nominations à des postes universitaires et des récompenses officielles s'ensuivent. Le , il deveint professeur de peinture à l'Academie de Breda, remplaçant Luigi Sabatelli, décédé. En , l'empereur François-Joseph lui remet l'ordre de la Croix de fer[pas clair]. En 1860, il est nommé professeur honoraire de l'Académie des beaux-arts de Bologne. La même année, il assume la présidence de celle de Milan, représentant son ami Massimo d'Azeglio. La production artistique liée à cette période est également très abondante. Elle a vu l’exécution du Martyre de Saint-Barthélemy réalisé en 1856 pour l’église paroissiale de Castenedolo et du Bacio. Peint sur commande du comte Alfonso Maria Visconti de Saliceto et présenté à Milan le , Le Baiser dépeint un couple de deux jeunes amoureux abandonné dans un baiser que le maître imprègne d'idéaux patriotiques en écho au Risorgimento ; c'est sans doute sa toile la plus célèbrée de son temps en Italie[3].

Dernières années

En 1861, Hayez décide de quitter son atelier de Brera et d'offrir son équipement artistique à l'Académie vénitienne. Il produit deux peintures monumentales, La Destruction du temple de Jérusalem et La Mort du Doge Marin Faliero (1867), qu'il destinait à cette académie vénitienne qui le vit initialement formé (seul le premier fut placé à Venise). La vieillesse commence cependant à affaiblir l'énergie créatrice du peintre, au point que, ses formats se réduisent. Il laisse encore sa marque, avec le portrait de Gioacchino Rossini (1870) ou encore celui de Massimo d'Azeglio (1864). En 1869, son épouse Vincenza meurt. Après ce deuil, Hayez passe les dernières années de sa vie à s'occuper d’Angiolina Rossi Hayez, une petite fille adoptée par l’artiste en 1873[3].

Son Autoportrait de 1878 le montre cramponné à son pinceau. De fait, ses dernières compositions sont des natures mortes, des bouquets de fleurs (1881). Hayez meurt finalement à Milan, le , à l'âge de 91 ans, pleuré par ses contemporains ; sa dépouille a été transportée au cimetière monumental de Milan et enterrée dans un columbarium de la crypte de la Famedio, lieu destiné à accueillir des personnalités illustres[9].

Œuvre

Dans les collections françaises

Galerie

Notes et références

  1. Guillaume Faroult, « Marie Stuart mise en scène », dans Grande Galerie - Le Journal du Louvre, mars 2013, no 23, pp. 11-12.
  2. (it) Francesco Hayez, Le mie memorie, édition établie par Fernando Mazzocca, Vicenza, Neri Pozza Editore, 1995, (ISBN 9788873054863).
  3. (it) [article] « Hayez, Francesco » par Michele Di Monte, dans Dizionario biografico degli Italiani, tome 61, Rome, Istituto dell'Enciclopedia Italiana, 2004 — en ligne sur treccani.it.
  4. (it) Ulisse alla corte di Alcinoo, Musée de Capodimento, sur archive.org.
  5. (it) Fernando Mazzocca, « Francesco Hayez: Catalogo ragionato », dans Cataloghi ragionati di artisti lombardi dell'Ottocento, Federico Motta Editore, 1994, pp. 52-54, 113.
  6. (it) Discorsi letti in occasione della pubblica distribuzione de' premj... nell'Accademia nazionale di Milano, Picotti, 1821, p. 19.
  7. (it) Giuseppe Rovani, Cento anni: romanzo ciclico, tome 2, Rechiedei, 1869, p. 575.
  8. '(it) 'Catalogo della mostra Hayez di Gallerie d'Italia, Milan, Gallerie di piazza Scala, exposition du 7 novembre 2015 au 21 février 2016.
  9. (it) Bruno Maffeis, Quelli che hanno fatto grande Milano, l'Italia: I personaggi sepolti nel Famedio del Cimitero Monumentale di Milano, 2015, p. 89-94.
  10. Un tableau sur un thème proche, Marie Stuart conduite au supplice (1827, huile sur toile, 211 × 290 cm) est aujourd'hui en collection privée (source : Guillaume Faroult, Marie Stuart mise en scène in Grande Galerie - Le Journal du Louvre, mars/avril/mai 2013, no 23, pages 11-12).

Voir aussi

Liens externes

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