Frères Arvales

Les Frères arvales (en latin Fratres Arvales) formaient un corps de prêtres de la Rome antique qui pratiquaient des sacrifices annuels en faveur de la déesse Dea Dia, divinité mal connue, pour garantir de bonnes récoltes. Leur culte est connu par les inscriptions qui sont des comptes-rendus de leurs rituels.

Commentaire épigraphique des frères arvales (CIL VI, 2051)

Origine

Quelques auteurs antiques évoquent les frères arvales, mais aucun ne précise quelle divinité était honorée. Selon la tradition romaine rapportée par Masurius Sabinus[1] et par Pline l'Ancien[2], ce culte était le plus ancien des cultes romains, et remontait à Romulus, qui avait formé le premier collège de frères Arvales avec les douze fils de sa nourrice Acca Larentia, d'où leur nom de frères et leur nombre fixé à douze. Toujours selon la tradition, Romulus remplaça un des frères décédé pour maintenir leur nombre.

Varron rattache l'origine de leur désignation au mot arva qui signifie « champs », et précise qu'ils faisaient des sacrifices pour la fertilité des champs[3].

Structures

Les Frères Arvales formaient un collège de douze flamines spécialisés dans la célébration du culte de Dea Dia, chaque année lors de la pleine lune du mois de mai. Pour cette célébration ils faisaient le tour des champs, arva, d'où le nom d'Ambarvales donné à la fête. Nommés à vie, ils avaient rang de pontifes majeurs, revêtaient la toge prétexte, et portaient sur la tête une couronne d'épis nouée de bandelettes blanches. Lors de ces festivités, qui duraient trois jours, ils pratiquaient des sacrifices et menaient des processions en chantant le Carmen Arvale.

Sous l'Empire, il était d'usage que l'empereur soit coopté dans le collège des Arvales, s'il ne l'était pas déjà antérieurement. Ainsi, les Acta Arvalium mentionnent, à la date d'août 118, la cooptation d'Hadrien.

Restauration de la prêtrise

C'est Octave qui restaure la sodalité en 28 av. J.-C., bien qu'on n'ait aucune trace du culte avant cette date. Cette restauration, au sortir des guerres civiles, n'est pas anodine : il cherche à reconstruire l'unité de Rome. En créant une fraternité (on parle bien de frater Arvales), Octave rejoue, par-dessus des liens d'amitiés, des liens familiaux ; son discours de réconciliation passe par le cadre familial.

Actes des frères Arvales

Les acta arvalium sont des comptes-rendus gravés sur plaques de marbre des réunions que tenaient les frères arvales pour célébrer le culte. Le premier fragment a été trouvé en 1570 dans une vigne à sept kilomètres de Rome sur la rive droite du Tibre. D'autres ont été trouvés dans la vigne des frères Ceccarelli, fortuitement, puis au cours de fouilles archéologiques menées à partir de 1866 et qui se poursuivent encore. L'emplacement fut identifié comme l'antique bois sacré dédié à Dea Dia, lieu de célébration des frères arvales. En 1980, on dénombrait environ 240 fragments de comptes-rendus pour 55 années différentes, comprises entre 28 av. J.-C. et 240 ap. J.-C., voire 304 ap. J.-C.[4].

Plusieurs types de comptes-rendus ont été retrouvés, une forme assez détaillée s'établit sous Domitien, dont la forme pratiquée à partir de 87 est connue. D'autres modèles suivirent, de plus en plus détaillés[5].

Actes de 38

Deux fragments découverts en 1978 utilisés en réemploi dans le dallage de l'oratoire des Catacombes de Generosa (it) ont été raccordés à d'autres morceaux[6] trouvés antérieurement en 1867/1869. L'ensemble forme un texte de plus de 70 lignes. La datation indiquée par le nom des consuls correspond à 38 ap. J.-C.[7].

Actes de 218 et Carmen Arvale

On a trouvé à Rome en 1778, dans une fouille, des tables de marbre transcrivant les actes de cérémonies réalisées par les frères Arvales en 218. Le compte-rendu contenait exceptionnellement un chant[5], écrit dans un latin archaïque, qui n'était certainement plus compris à l'époque de sa transcription[8]:

enos Lases iuvate
enos Lases iuvate
enos Lases iuvate
neve lue rue Marmar sins incurrere in pleoris
neve lue rue Marmar sins incurrere in pleoris
neve lue rue Marmar sins incurrere in pleoris
satur fu, fere Mars, limen sali, sta berber
satur fu, fere Mars, limen sali, sta berber
satur fu, fere Mars, limen sali, sta berber
semunis alterni advocapit conctos
semunis alterni advocapit conctos
semunis alterni advocapit conctos
enos Marmor iuvato
enos Marmor iuvato
enos Marmor iuvato
triumpe triumpe triumpe triumpe triumpe

Si certains passages de ce texte demeurent obscurs, ce chant est généralement interprété comme une prière à Mars et aux dieux Lares (lases, avec rhotacisme) ; il est demandé à Mars, rassasié (« satur fu »), d'empêcher les fléaux et les éléments de s'abattre sur les cultures, et l'on invoque les « Semones », peut-être des semeurs sacrés[9].

Actes de 240

Les actes les plus récents datés de 240 ont été trouvés en 1914 en matériau de réemploi sous l'église San Crisogono in Trastevere[5]. Le texte[10] détaille plusieurs réunions avec le nom des participants, le détail des animaux sacrifiés et la description de rituels et des banquets pris en commun[11],[12].

Notes et références

  1. Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 7
  2. Pline l'Ancien, Histoires naturelles, XVIII, 2, 2
  3. Varron, De lingua latina, V, 85
  4. Broise et Scheid 1980, p. 215
  5. André Piganiol, Observations sur le rituel le plus récent des frères Arvales, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1946
  6. CIL VI, 2028
  7. Broise et Scheid 1980, p. 216-225
  8. E. H. Warmington, Remains of Old Latin, vol. IV : Archaic Inscriptions, Loeb Classical Library (réimpr. n° 359)
  9. Semo Sancus était une divinité agreste de la fidélité.
  10. Inscriptiones latinae selectae, III, 2, n 9522, p. CLXVI
  11. AE 1915, 102
  12. Xavier Loriot et Daniel Nony, La crise de l'Empire romain, 235-285, Paris, Armand Colin, 1997, (ISBN 2-200-21677-7), p. 213-216

Bibliographie

  • Henri Broise et John Scheid, « Deux nouveaux fragments des actes des frères arvales de l'année 38 ap. J.-C. », Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 92, no 1, , p. 215-248 (lire en ligne)
  • André Chastagnol, Observations sur le rituel le plus récent des frères Arvales, Scripta varia, III, collection Latomus 133, Bruxelles, 1973.
  • André Piganiol, Observations sur le rituel le plus récent des frères Arvales, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 90e année, N. 2, 1946. p. 241-251, consultable sur Persée
  • John Scheid, Les frères arvales. Recrutement et origine sociale sous les empereurs julio-claudiens, Paris, 1975.
  • John Scheid, Le collège des frères arvales. Études prosopographique du recrutement (69-304), Rome, 1990.
  • John Scheid, Nouvelles données sur les avènements de Claude, de Septime Sévère et de Gordien III, « Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France », 1988, 1990. pp. 361-371, lire en ligne.
  • John Scheid, Romulus et ses frères. Le collège des frères arvales, modèle du culte public dans la Rome des empereurs, Rome, 1990 Compte rendu par Ph. Moreau, AESC, 1992.
  • John Scheid, « Le dernier Arvale », dans Michel Christol, Ségolène Demougin, Yvette Duval, Claude Lepelley et Luce Pietri éd., Institutions, société et vie politique dans l'Empire romain au IVe siècle ap. J.-C. Actes de la table ronde autour de l'œuvre d'André Chastagnol (Paris, 20-21 janvier 1989), Rome, 1992, pp. 219-223 lire en ligne
  • John Scheid, Paola Tassini, Jörg Rüpke, Recherches archéologiques à la Magliana. Commentarii Fratrum Arvalium qui supersunt. Les copies épigraphiques des protocoles annuels de la confrérie arvale (21 av.–304 ap. J.-C.), Rome, 1998.
  • John Scheid, Quand faire c’est croire : les rites sacrificiels des Romains, Paris, Flammarion, (1re éd. 2005), 350 p. (ISBN 978-2-7007-0415-0).
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