Finances de Victor Hugo

Les finances de Victor Hugo désignent l'évolution de la situation financière de Victor Hugo, le rapport de celui-ci à argent, la place et le rôle que l'argent et les questions financières ont eu dans sa vie, et, d'une manière générale, l'ensemble des aspects financiers de la vie de Victor Hugo.

Début modestes

Les débuts de Victor Hugo sont modestes. Celui qui a écrit « Qui n’est pas capable d’être pauvre n’est pas capable d’être libre » sait ce que c’est que d’avoir à gagner sa vie pour ne dépendre que de soi [1].

D’ailleurs, Antoine Fontaney, le témoin ahuri des premières années de Victor Hugo littérateur reconnaît que vouloir gagner de l’argent n’a rien d’anormal pour un homme qui doit subvenir aux besoins de toute sa famille, sans pouvoir compter sur des biens familiaux ou des rentes, à l’instar des Lamartine, Vigny ou Musset. Hugo tente de l’expliquer à Armand Carrel, critique du quotidien Le National, dans une lettre du 15 mars 1830 : «  l’Empire et la fortune m’ont manqué. Je me suis trouvé à vingt ans marié, père de famille, n’ayant pour tout bien que mon travail et vivant au jour le jour, comme un ouvrier, [...] obligé par le malheur des temps de faire à la fois une œuvre et une besogne.[2]»

Âpreté au gain

Hugo le millionnaire, Hugo le pingre : les deux qualificatifs lui ont été associés de son vivant. Henri Guillemin nous dit qu’il fut chansonné pour sa ladrerie par Auguste de Châtillon, mais nous précise que ce personnage a lui-même bénéficié du secours financier de Hugo [3]. À la suite d'une anecdote qu’on lui a racontée sur le versement de certains droits d’auteur, un Goncourt écrit : « Hugo est rapace : on me l’avait déjà dit, je le vois[4]

Dès 1831, Antoine Fontaney, un habitué de la rue Jean-Goujon, où loge la famille Hugo, est choqué de constater que l’argent est la préoccupation constante du jeune auteur. Il nous montre Hugo contrarié que le beau temps et la venue du Dey d’Alger vont entraîner une baisse de la recette escomptée pour sa pièce Marion Delorme. Il se rappelle en septembre l’inquiétude du même Hugo face aux troubles de Paris qui auront à nouveau un effet déplorable. Devant l’acharnement quotidien de Hugo à produire vers et prose à la chaîne, il s’écrie : « Quel fabricant ! Comme il calcule sa production ! »[5]

Cette réputation de cupidité et d’avarice le poursuivra toute sa vie, y compris au sein de son entourage le plus intime. Ainsi, en mars 1857, Juliette Drouet l’appelle « mon cher petit Harpagon [6]».

Bien des années plus tard, en 1871, le Moniteur universel lui consacre un article qui rappelle avec sarcasme que sa « générosité et sa munificence sont très connues, surtout dans le monde des lettres »[7].

Évidemment, cette propension à thésauriser est mise en regard de ses gains énormes. Ses fils lui reprochent de leur compter son aide, sa femme regimbe devant sa sévérité financière, elle qui aime tant les soirées mondaines. En 1880, Juliette Drouet se voit contrainte de lui écrire qu’elle ne lui demandera jamais plus que ne l’exigent ses besoins et la nécessité de bien présenter devant les invités qu’ils reçoivent[8].

L’ironie s’exprime aussi chez certains de ses confrères. Ainsi lors de la publication des Misérables, les Goncourt relèvent qu’il est « assez amusant de gagner deux cent mille francs […] à s’apitoyer sur les misères du peuple. »[9]

Prospérité financière

Dans une lettre à un anonyme écrite en 1845, Hugo confie : « Vous me croyez riche, monsieur ? Voici : Je travaille depuis vingt-huit ans, car j’ai commencé à quinze ans » [10], et il détaille le montant total de son épargne pendant cette période. On peut l’estimer, en se fondant sur les estimations données par Henri Guillemin réactualisées, à l’équivalent de quelque 2.569.688 euros[11]. Mais il doit faire vivre onze personnes, aussi ajoute-t-il : « Je porte des paletots de vingt-cinq francs, j’use un peu trop mes chapeaux, je travaille sans feu l’hiver, et je vais à la Chambre des pairs à pied, quelquefois avec des bottes qui prennent l’eau ».

C’est surtout à partir de 1870, avec la réédition régulière de ses œuvres, qu’il accumule une fortune que vient augmenter la vente des ouvrages plus récents. À leur sortie en 1862, Les Misérables lui avaient déjà rapporté plus de 2,5 millions d’euros. La première édition de Quatrevingt Treize, paru en 1873, lui rapporte environ 600 000 euros. À sa mort, il disposait d’environ 60 millions d’euros[12].

Bonne gestion

Hugo a fait fructifier sa fortune en préférant des placements sûrs, tels ses « consolidés anglais » mentionnés à diverses reprises dans ses carnets personnels. Toutefois, pour accumuler une telle somme, il s’est toujours fixé comme règle intangible de vivre sur les revenus de ses placements sans jamais toucher au capital. Il lui importe aussi de tenir un compte précis de ses dépenses et de ses dons.

Ses deux fils n’eurent jamais d’emploi digne de ce nom : il leur versait donc une allocation mensuelle de 1300 euros puis de 1700 euros[Combien ?]. Il fait à l’un et à l’autre des donations, comme cela apparaît dans plusieurs lettres [13]. Le journal des Goncourt rapporte que Charles n’hésitait pas à faire commerce des lettres qui lui écrivait son père, demandant même à ce dernier de les illustrer afin d’en tirer un bénéfice plus grand [14]. Au décès de Charles, en 1871, Hugo dut éponger les dettes énormes qu’il avait laissées [15].

En 1868, au décès de sa femme, il avait découvert qu’elle avait contracté pour 128.000 euros de dettes[13].

Quant à la veuve de Charles, qui se retrouva avec deux jeunes enfants, elle recevait de son beau-père près de 10000 euros mensuels[Combien ?] [8].

Pour sa fille Adèle, il avait provisionné un montant de 430 000 euros[Combien ?]. Ses carnets intimes témoignent, notamment en 1871, de l’aide qu’il lui envoya à la Barbade où elle avait suivi le lieutenant Pinson dont elle était éperdument amoureuse[16].

En remerciement à Juliette Drouet pour lui avoir sauvé la vie en 1851, il lui lègue près de 860 000 euros[Combien ?], qu'elle refuse[17].

On comprend mieux alors ces vers recueillis dans Océan « Pauvre père inquiet, travaille sans repos, /Porte de vieux habits, porte de vieux chapeaux, /[...]Fais pendant vingt-cinq ans la fourmi pour les tiens ; / les tiens, tous les premiers t’appelleront avare.»[18]

Indépendance financière

Hugo a très vite tenu à préserver son indépendance, ce qui par exemple, l’a conduit en 1829, après l’interdiction de Marion de Lorme, à refuser l’augmentation compensatoire de la pension que le roi Charles X lui versait. Même refus lorsque Abel-François Villemain, académicien et ministre de l’instruction publique, lui propose des bourses d’études pour l’éducation de ses fils [19].

Dans la même lettre à Armand Carrel, datée de 1830, citée plus haut, il se déclare fier de n'avoir pas d’autre moyen de subsistance que sa plume, et de l'avoir « maintenue pure de toute spéculation, libre de tout contrat mercantile ». [...] J’ai fait, dit-il, bien ou mal de la littérature, et jamais de la librairie. Pauvre, j’ai cultivé l’art comme un riche, pour l’art, avec plus de souci de l’avenir que du présent. [...] Je puis dire que jamais la besogne n’a taché l’œuvre ».

En 1866, Albert Millaud propose à Hugo de publier Les Travailleurs de la mer par épisodes dans son journal pour la somme colossale de quatre millions d’euros[Combien ?]. Hugo lui répond le 27 février 1866 : « [J’ai] la conviction que Les Travailleurs de la Mer ne sauraient se découper en feuilleton », [C’est] « ma conscience littéraire, [...] quelque regret que j’en puisse avoir, qui me force à baisser pudiquement les yeux devant un demi-million »[20].

Hugo tirait de ses œuvres des revenus importants, mais ses éditeurs n’étaient pas en reste. Ainsi, si Hugo a touché 300 000 francs pour Les Misérables, le contrat en prévoyait 517 000 pour Lacroix[6].

Caractère généreux

Henri Guillemin renvoie à une étude détaillée menée par l’Académicien Jacques de Lacretelle sur les relations d’affaires qui liaient Hugo et ses éditeurs et qu’il a publiée dans La Revue de France les 15 octobre et 1er novembre 1923. L’auteur souligne chez Hugo un « correction absolue », du « désintéressement », voire « une indulgence extrême. »[6]

De fait, il cite un exemple parmi d’autres. L’année 1848 fut une année difficile pour l’édition, aussi Hugo offre-t-il à son éditeur (Duriez et Cie) de porter à onze ans au lieu de dix la durée de vente exclusive de ses œuvres complètes.

Toute sa vie, Hugo a consacré une part significative de ses revenus à la charité, soit par le biais d’œuvres ou de dons individuels. Pendant les années passées à Hauteville House, le tiers des dépenses annuelles passait dans les secours versés aux nécessiteux[13].

Un repas hebdomadaire réunissait les enfants pauvres, dont le nombre est passé de huit à quarante ; Noël était l’occasion d’une réception, avec distribution de friandises et de cadeaux[21].

Pour l’année terrible de 1870, Hugo fait l’addition des dons en argent qu’il a distribués : 35 000 euros, sans compter les représentations de ses œuvres qu’il autorise au bénéfice des malheureux[22].

En 1871, il récapitule le montant des droits d’auteur auxquels il a renoncé : plus de 200 000 euros[22].

Encore ne peut-il répondre à toutes les sollicitations, comme le rappelle son secrétaire Richard Lesclide[23]. Guillemin précise que les demandes d’aide adressées chaque semaine au maître représentaient plus de deux millions d’euros[8].

Notes et références

Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Victor Hugo » (voir la liste des auteurs).
  1. Victor Hugo - Rédacteur Henri Guillemin, Post-scriptum de ma vie, Paris, Ed. Ides et Calendes, , 137 p. (lire en ligne), p. 80
  2. « Correspondance de Victor Hugo - Année 1830 », sur Wikisource, (consulté le )
  3. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , p. 44
  4. Edmond et Jules de Goncourt, Journal – Tome 1, Paris, Robert Laffont, , 1218 p. (ISBN 2-221-05527-6), p. 734
  5. Alain Decaux, Victor Hugo, Paris, France Loisirs, , 1027 p. (ISBN 2-7441-5020-7), p. 415
  6. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , 191 p., p. 45
  7. France Auteur du texte, « Gazette nationale ou le Moniteur universel », sur Gallica, (consulté le )
  8. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , 191 p., p. 49
  9. Edmond et Jules de Goncourt, Journal – Tome 1, Paris, Robert Laffont, , 1218 p. (ISBN 2-221-05527-6), p. 808
  10. « Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/629 - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le )
  11. « CALCULATEUR D'INFLATION de 1901 � 2018 », sur france-inflation.com (consulté le )
  12. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , 191 p., p. 49
  13. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , 191 p., p. 48
  14. Edmond et Jules de Goncourt, Journal – Tome 2, Paris, Robert Laffont, , 664 p. (ISBN 2-221-06436-4), p. 664
  15. Victor Hugo, Choses vues 1849-1885, Paris, Folio, , 602 p. (ISBN 2-07-040217-7), p. 630, 631, 634, 968
  16. Victor Hugo, Choses vues 1849-1885, Paris, Folio, , 1011 p. (ISBN 2-07-040217-7), p. 621,658
  17. Victor Hugo, Choses vues 1849-1885, Paris, Folio, , 1011 p. (ISBN 2-07-040217-7), p. 517
  18. Alain DECAUX, Victor Hugo, Place des éditeurs, , 1041 p. (ISBN 978-2-262-04894-5, lire en ligne)
  19. Henri Guillemin, Hugo, Paris, Seuil, , 191 p., p. 46
  20. « Correspondance de Victor Hugo », sur Wikisource, (consulté le )
  21. Paul Stapfer, Victor Hugo à Guernesey, Paris, Forgotten Books, 247 p. (ISBN 978-0-282-87496-4), p. 57
  22. Victor Hugo, Choses vues 1849-1885, Paris, Folio, , 1011 p. (ISBN 2-07-040217-7), p. 581
  23. Richard Lesclide, Propos de table de Victor Hugo (Ed. 1885), Paris, Hachette – BnF – Gallica, , 345 p. (ISBN 978-2-01-187317-0), p. 272
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