Fibrose néphrogénique systémique

La fibrose néphrogénique systémique est un syndrome impliquant une fibrose de la peau et des organes internes, causée par l'exposition au gadolinium dans les agents de contraste IRM à base de gadolinium (GBCA) chez les patients ayant une fonction rénale défectueuse[1],[2].

Fibrose néphrogénique systémique

Spécialité Dermatologie
MeSH D054989
Causes iatrogenic disease caused by exposure to gadolinium-based contrast agents

Mise en garde médicale

Signes et symptômes

Les caractéristiques cliniques de la fibrose néphrogénique systémique (FNS) se développent quelques jours à quelques mois après l'exposition à l'agent de contraste IRM à base de gadolinium (GBCA). Les principaux symptômes sont l'épaississement et le durcissement de la peau parfois associés à des exanthèmes (rougeurs), parfois à une sensation de chaleur cutanée ou d'une hyperpigmentation, et se présentant généralement de manière symétrique. La peau devient progressivement fibreuse et adhère au fascia sous-jacent[3],[4]. De nombreux organes peuvent être impactés, comme le cœur (myocarde), le diaphragme, la plèvre, le péricarde et les reins[5], ainsi que les poumons, le foie[6],[7] et le cerveau.

Causes

La fibrose néphrogénique systémique (NSF) est une maladie iatrogène causée par l'exposition à des agents de contraste à base de gadolinium utilisés en IRM[8].

Facteurs de risque

L'insuffisance rénale réduit la clairance des agents de contraste IRM à base de gadolinium (GBCAs) et est le principal facteur de risque de développement de la fibrose néphrogénique systémique (FNS). L'étiologie ou la durée de l'insuffisance rénale ne semblent pas être pertinentes, mais le risque de FNS dépend fortement de la fonction rénale résiduelle[9]. Des cas de FNS ont été identifiés chez des patients atteints d'insuffisance rénale chronique de stade 3-5[10], mais la FNS se développe également chez des patients présentant une insuffisance rénale aiguë, même si la fonction rénale est redevenue normale par la suite après l'administration de GBCA[11],[12]. Ainsi, la FNS doit être considérée comme un diagnostic différentiel chez tout patient ayant été exposé à un GBCA, quel que soit le niveau de fonction rénale[10].

Le gadodiamide, le gadopentétate diméglumine et le gadoversétamide, sont les principaux GBCAs causes de FNS mais des cas ont été reportés avec la majorité des GBCAs sur le marché, y compris macro-cycliques.[13]Des doses élevées d'administrations individuelles de GBCA et des doses cumulées élevées de GBCA au cours de la vie des patients atteints d'insuffisance rénale sont associées à un risque accru de FNS.[9]

Mécanisme

La déchélation de Gd(III) est responsable de la toxicité associée aux complexes de gadolinium tels que les GBCA. La déchélation semble être une conséquence de la transmétallation des chélates par Zn 2+, Cu 2+ et Ca 2+ in vivo[14],[15]. Cette hypothèse est étayée par des expériences de toxicité aiguë, qui montrent que malgré une fourchette de 50 fois les valeurs de Dose Léthale pour 4 complexes de Gd(III), tous deviennent mortellement toxiques lorsqu'ils libèrent exactement la même quantité de Gd(III)[16]. Elle est également étayée par des expériences de toxicité subchronique chez les rongeurs, qui démontrent un ensemble de résultats macroscopiques et microscopiques similaires à ceux connus pour être causés par une carence en Zn 2+.[16]

Diagnostic

Le diagnostic clinicopathologique se fait sur la présentation et les résultats histologiques[9] (notamment analyse élémentaire d'une biopsie cutanée au spectromètre de masse).

Pathologie microscopique

Microscopiquement, la FNS est une prolifération de fibroblastes dermiques et de cellules dendritiques, des faisceaux de collagène épaissis, une augmentation des fibres élastiques et des dépôts de mucine[17]. Des rapports de cas plus récents ont décrit la présence de corps sclérosés (également appelés boules élastocollagènes) dans des biopsies cutanées de patients atteints de FNS. Bien qu'elle ne soit pas universellement présente, cette découverte est considérée comme unique aux patients exposés au gadolinium, bien qu'elle ne soit pas nécessairement limitée aux zones impliquées par la FNS.[18],[19],[20]

Prévention

La seule mesure de prévention connue est la non-utilisation ou l'utilisation prudente des GBCA chez les patients ayant une fonction rénale altérée, et l'utilisation préférentielle des macrocycliques, plus stables. Il est recommandé d'effectuer la dialyse immédiatement après l'examen IRM pour les patients déjà dialysés, mais il n'y a pas de preuve que l'introduction de la dialyse chez les patients non dialysés empêche la FNS.[21]. Le dépistage de l'insuffisance rénale effectué en routine réduit considérablement l'incidence de la FNS[22], les cas étants souvent causés par une insuffisance rénale aigüe (ex: néphrite interstitielle causée par le GBCA) ou à une insuffisance rénale chronique inconnue.

Traitement

Le traitements le plus efficace est la restauration de la fonction rénale par le traitement du processus pathologique sous-jacent ; le rétablissement d'une insuffisance rénale aiguë (IRA) ou la réalisation d'une greffe de rein peuvent ralentir ou empêcher la progression de la FNS. Quelques cas de transplantations rénales curatives ont été rapportés et il convient d'envisager la transplantation comme traitement,[9].

Épidémiologie

La FNS affecte indifféremment du sexe et de l'origine ethnique,.

Histoire

Cette affection était à l'origine appelée « dermopathie fibrosante néphrogénique » car au départ, seule une atteinte cutanée chez les patients présentant une insuffisance rénale a été observée, et plus tard rebaptisée «fibrose néphrogénique systémique» pour décrire sa nature systémique. Le terme « fibrose systémique associé au gadolinium ou 'induit par'» a également été proposé pour refléter le fait qu'une altération de la fonction rénale n'est pas en soi la cause de la FNS.

Les premiers cas de FNS ont été identifiés en 1997[23], mais elle n'a été décrit pour la 1re fois comme une entité pathologique indépendante qu'en 2000.[24] En 2006, le lien entre la FNS et les produits de contraste IRM à base de gadolinium est démontré.[25],[26],[27] En conséquence, des restrictions sur l'utilisation des GBCA chez les patients ayant un débit de filtration glomérulaire estimé (une mesure de la fonction rénale) inférieur à 60 et en particulier inférieur à 30 ml/min/1,73 m 2 ont été recommandées.[22]

Après plusieurs années de controverse, au cours desquelles jusqu'à 100 patients danois ont été intoxiqués au gadolinium après l'utilisation de l'agent de contraste Omniscan, la société pharmaceutique norvégienne Nycomed a admis qu'elle était consciente des dangers liés à l'utilisation d'agents à base de gadolinium, dont son produit.[28]

l'AEM a recommandé la suspension de l'autorisation pour le gadodiamide (Omniscan) et l'acide gadopentétique en intraveineux (Magnevist) en 2017[29].

Références

  1. (en) « Nephrogenic systemic fibrosis and gadolinium-based contrast media: updated ESUR Contrast Medium Safety Committee guidelines », European Radiology, vol. 23, no 2, , p. 307–18 (PMID 22865271, DOI 10.1007/s00330-012-2597-9)
  2. (en) « Nephrogenic systemic fibrosis: history and epidemiology », Radiologic Clinics of North America, vol. 47, no 5, , p. 827–31, vi (PMID 19744597, DOI 10.1016/j.rcl.2009.05.003)
  3. (en) « Nephrogenic systemic fibrosis: concepts and perspectives », Anais Brasileiros de Dermatologia, vol. 87, no 4, , p. 597–607 (PMID 22892775, DOI 10.1590/S0365-05962012000400013)
  4. « Current status of nephrogenic systemic fibrosis », Clinical Radiology, vol. 69, no 7, , p. 661–8 (PMID 24582176, DOI 10.1016/j.crad.2014.01.003)
  5. (en) « Safety of magnetic resonance contrast media: a review with special focus on nephrogenic systemic fibrosis », Topics in Magnetic Resonance Imaging, vol. 24, no 1, , p. 57–65 (PMID 25654421, DOI 10.1097/RMR.0b013e3182a14e79)
  6. (en) « Nephrogenic fibrosing dermopathy/nephrogenic systemic fibrosis with diaphragmatic involvement in a patient with respiratory failure », Journal of the American Academy of Dermatology, vol. 54, no 2 Suppl, , S31–4 (PMID 16427988, DOI 10.1016/j.jaad.2005.04.024)
  7. (en) « Nephrogenic systemic fibrosis with multiorgan involvement in a teenage male after lymphoma, Ewing's sarcoma, end-stage renal disease, and hemodialysis », Pediatric and Developmental Pathology, vol. 10, no 5, , p. 395–402 (PMID 17929984, DOI 10.2350/06-05-0093.1)
  8. « Pathophysiology of gadolinium-associated systemic fibrosis », American Journal of Physiology. Renal Physiology, vol. 311, no 1, , F1–F11 (PMID 27147669, PMCID 4967166, DOI 10.1152/ajprenal.00166.2016)
  9. « Current status of nephrogenic systemic fibrosis », Clinical Radiology, vol. 69, no 7, , p. 661–8 (PMID 24582176, DOI 10.1016/j.crad.2014.01.003)Daftari Besheli L, Aran S, Shaqdan K, Kay J, Abujudeh H (July 2014). "Current status of nephrogenic systemic fibrosis". Clinical Radiology. 69 (7): 661–8. doi:10.1016/j.crad.2014.01.003. PMID 24582176.
  10. « Nephrogenic systemic fibrosis: a systemic fibrosing disease resulting from gadolinium exposure », Best Practice & Research. Clinical Rheumatology, vol. 26, no 4, , p. 489–503 (PMID 23040363, DOI 10.1016/j.berh.2012.07.008)
  11. « Gadolinium-induced nephrogenic systemic fibrosis in a patient with an acute and transient kidney injury », The British Journal of Dermatology, vol. 158, no 3, , p. 607–10 (PMID 18076707, DOI 10.1111/j.1365-2133.2007.08369.x)
  12. « Nephrogenic systemic fibrosis following acute kidney injury and exposure to gadolinium », Indian Journal of Medical Sciences, vol. 64, no 1, , p. 33–6 (PMID 22301807, DOI 10.4103/0019-5359.92485)
  13. « Gadolinium-based contrast agents: A comprehensive risk assessment », Journal of Magnetic Resonance Imaging, vol. 46, no 2, , p. 338–353 (PMID 28083913, DOI 10.1002/jmri.25625)
  14. « Pathophysiology of gadolinium-associated systemic fibrosis », American Journal of Physiology. Renal Physiology, vol. 311, no 1, , F1–F11 (PMID 27147669, PMCID 4967166, DOI 10.1152/ajprenal.00166.2016)Wagner B, Drel V, Gorin Y (July 2016). "Pathophysiology of gadolinium-associated systemic fibrosis". American Journal of Physiology. Renal Physiology. 311 (1): F1–F11. doi:10.1152/ajprenal.00166.2016. PMC 4967166. PMID 27147669.
  15. « Gadolinium-based contrast agents: A comprehensive risk assessment », Journal of Magnetic Resonance Imaging, vol. 46, no 2, , p. 338–353 (PMID 28083913, DOI 10.1002/jmri.25625)Fraum TJ, Ludwig DR, Bashir MR, Fowler kJ (August 2017). "Gadolinium-based contrast agents: A comprehensive risk assessment". Journal of Magnetic Resonance Imaging. 46 (2): 338–353. doi:10.1002/jmri.25625. PMID 28083913. S2CID 28114440.
  16. « The relationship between thermodynamics and the toxicity of gadolinium complexes », Magnetic Resonance Imaging, vol. 8, no 4, , p. 467–81 (PMID 2118207, DOI 10.1016/0730-725X(90)90055-7)
  17. « Nephrogenic Systemic Fibrosis », Emedicine, (lire en ligne)
  18. « Sclerotic bodies beyond nephrogenic systemic fibrosis », Journal of Cutaneous Pathology, vol. 40, no 9, , p. 812–7 (PMID 23808625, DOI 10.1111/cup.12187)
  19. « Sclerotic bodies in nephrogenic systemic fibrosis: a new histopathologic finding », Journal of Cutaneous Pathology, vol. 36, no 5, , p. 548–52 (PMID 19476523, DOI 10.1111/j.1600-0560.2008.01111.x)
  20. « The evolution of osseous metaplasia in localized cutaneous nephrogenic systemic fibrosis: a case report », The American Journal of Dermatopathology, vol. 31, no 7, , p. 674–81 (PMID 19633532, DOI 10.1097/dad.0b013e3181a1fb55)
  21. « Nephrogenic systemic fibrosis: concepts and perspectives », Anais Brasileiros de Dermatologia, vol. 87, no 4, , p. 597–607 (PMID 22892775, DOI 10.1590/S0365-05962012000400013)Igreja AC, Mesquita K, Cowper SE, Costa IM (2012). "Nephrogenic systemic fibrosis: concepts and perspectives". Anais Brasileiros de Dermatologia. 87 (4): 597–607. doi:10.1590/S0365-05962012000400013. PMID 22892775
  22. « Gadolinium-Based Contrast Agents in Kidney Disease: A Comprehensive Review and Clinical Practice Guideline Issued by the Canadian Association of Radiologists », Canadian Journal of Kidney Health and Disease, vol. 5, , p. 2054358118778573 (PMID 29977584, PMCID 6024496, DOI 10.1177/2054358118778573)
  23. « Nephrogenic fibrosing dermopathy: the first 6 years », Current Opinion in Rheumatology, vol. 15, no 6, , p. 785–90 (PMID 14569211, DOI 10.1097/00002281-200311000-00017)
  24. « Scleromyxoedema-like cutaneous diseases in renal-dialysis patients », Lancet, vol. 356, no 9234, , p. 1000–1 (PMID 11041404, DOI 10.1016/S0140-6736(00)02694-5)
  25. Grobner T, « Gadolinium--a specific trigger for the development of nephrogenic fibrosing dermopathy and nephrogenic systemic fibrosis? », Nephrology, Dialysis, Transplantation, vol. 21, no 4, , p. 1104–8 (PMID 16431890, DOI 10.1093/ndt/gfk062)
  26. « Nephrogenic systemic fibrosis: suspected causative role of gadodiamide used for contrast-enhanced magnetic resonance imaging », Journal of the American Society of Nephrology, vol. 17, no 9, , p. 2359–62 (PMID 16885403, DOI 10.1681/ASN.2006060601)
  27. Centers for Disease Control and Prevention (CDC), « Nephrogenic fibrosing dermopathy associated with exposure to gadolinium-containing contrast agents--St. Louis, Missouri, 2002-2006 », MMWR. Morbidity and Mortality Weekly Report, vol. 56, no 7, , p. 137–41 (PMID 17318112)
  28. « Nyhedsavisen: Medicinalfirma fortiede at stof var farligt » (consulté le )
  29. « Gadolinium-containing contrast agents »,

Lectures complémentaires

  • Portail de la médecine
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.