Eudes Le Maire
Eudes, dit le Maire, dit de Chalo-Saint-Mard est un régisseur du domaine royal de Chalo-Saint-Mars, près d'Étampes mentionné par une charte de Philippe Ier dont la date n'est pas certaine, la fin du document ayant été interpolée ultérieurement, comme l'a montré Noël Valois.
Contenu réel de la charte de Philippe Ier
Le texte cependant est clair. Eudes part en pèlerinage à Jérusalem. À cette occasion le roi promet en son absence de protéger ses enfants. Il lui accorde qui plus est un privilège assez courant en ce temps-là. Eudes est major de Chalo, régisseur du domaine, et serf lui-même semi-libre (latin famulus). Si ses descendants mâles épousent des serves, il les affranchit ; en revanche si ses descendantes épousent des serfs du roi elles resteront serves, elles et leur descendance. De plus la régie de Chalo est donnée en fief aux descendants d'Eudes ; ils ne seront justiciables devant aucun autre de leurs pairs, sauf si c'est au nom du roi, et on ne pourra leur imposer aucune taxation dans toute l'étendue du domaine du roi, c'est-à-dire évidemment d'après le contexte, dans toute l'étendue du domaine royal de Chalo. Enfin leurs pairs d’Étampes sont priés de leur prêter main-forte, car Chalo est « marche » (marchia), c'est-à-dire une zone tampon entre le domaine du roi et celui du puissant comte de Chartres.
Utilisation de ce texte
À partir du XVe siècle certaines familles d'origine étampoise prétendirent descendre d'Eudes et parvinrent à faire croire que ce texte exonérait tous les descendants d'Eudes de quelque forme d'imposition que ce soit à travers tout le royaume de France. Le succès de cette extravagante falsification n'est pas encore tout à fait expliqué.
Légende d'Eudes de Chalo développée par ses prétendus descendants et reprise par certains historiens anciens
Ces familles embellirent progressivement l'histoire et vers le XVIe siècle on commence à raconter que c'est à la place du roi lui-même qu'Eudes avait fait le voyage de Jérusalem, ce qui expliquerait l'extraordinaire faveur qui lui aurait été consentie. Le , Philippe Ier répudie son épouse Berthe de Hollande pour se remarier avec Bertrade de Montfort, qu'il a enlevée au comte d'Anjou Foulque IV le Réchin. Cela lui vaut d'être excommunié le par le concile d'Autun pour bigamie (ainsi que pour d'autres accusations telles qu'usurpation des biens de l'Église et simonie). Cette excommunication est confirmée par le pape Urbain II le , alors qu'il prêche la première croisade lors du concile de Clermont. Frappé d'anathème, le Roi ne peut participer à la croisade. C'est son frère Hugues de Vermandois qui en sera un des principaux protagoniste. Serviteur du Roi, voire son chancelier, Eudes de Chalo s'offre d'accomplir la croisade pour son souverain. Il propose d'accomplir le vœu de Philippe Ier d'aller au Saint Sépulcre de Jérusalem, en son nom. En récompense de ce service, le roi de France promet à Eudes une charte contenant un certain nombre de privilèges pour lui et ses descendants. Dans d'autres versions, Chalo aurait vécu sous Philippe le Bel.
Le pèlerinage d'Eudes le Maire
Voici de quelle manière différents historiens tels qu'André Favyn[2] en 1612 dans "Histoire de Navarre", Gilles-André de La Rocque en 1678 dans le "Traité de la Noblesse"[3], dom Basile Fleureau en 1683 dans "Les Antiquités de la ville et du duché d'Étampes"[4], Maxime de Montrond en 1836 avec Essais historiques sur la ville d’Étampes[5], François Guizot en 1839 avec Chartes et pièces relatives à l'histoire d’Étampes[6], Léon Marquis en 1881 avec Les rues d'Étampes et ses monuments, etc. racontent l'histoire d'Eudes le Maire :
Le roi Philippe Ier avait fait le vœu d'aller, armé de toutes pièces, visiter le tombeau du Christ à Jérusalem, de suspendre ses armes dans le temple et de l'enrichir de ses dons ; mais les prélats et les seigneurs du royaume, prévoyant les dangers qu'occasionnerait son absence, s'efforcèrent de le retenir. Alors, un de ses serviteurs nommé Eudes Le Maire, dit Chalo-Saint-Mard, né à Étampes, offrit d'entreprendre lui-même le voyage à la place du roi. Il partit à pied, armé de toutes pièces, comme dans un jour de bataille, et portant dans sa main un cierge qu'il allumait en certaines occasion. Il alla en cet équipage à pied jusqu'à Jérusalem, sans se dépouiller, ni ôter le heaume et le casque. Il employa, dit-on, deux ans à faire ce pèlerinage, tant pour la longueur et la difficulté des chemins, qu'à cause de la pesanteur de son armure, qu'il laissa suspendue dans le temple du Saint Sépulcre, ou plusieurs années après on la voyait encore, ainsi qu'un tableau d'airain, mémorial de son vœu.
Il eut un fils Ansolde et 5 filles.
En témoignage d'estime et de satisfaction pour le service signalé qui lui était rendu, Philippe Ier par une charte datée du Palais d'Etampes, , lui accorda, ainsi qu'à ses 6 enfants et à tous leurs descendants, tant en ligne masculine que féminine, de très beaux privilèges, dont le plus remarquable était que tout fiscalin ou serf du roi qui épouserait une des filles de Chalo serait affranchi de toute servitude, ce qui a fait dire, mais peut-être à tort, que les filles de cette famille anoblissaient leurs maris.
La franchise aurait été remise à Eudes bien avant son départ, dès . En 1095, le départ du croisé est imminent, Eudes le Maire confie sa famille au Comte de Flandre, alors responsable de la Couronne de France. En effet, en raison de ses nombreuses exactions Philippe Ier est alors en exil à Londres, auprès des fils de Guillaume le Conquérant. Parti vers 1097, Eudes de Chalo revient à l'automne 1099 de la Terre Sainte, après avoir accompli la mission que le roi lui avait confiée : décorer le Saint Sépulcre d'un ex-voto de bronze, ainsi que de son armure.''
Eudes le Maire est cité dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, à l'article concernant la définition de "Noblesse par Lettres", qui sont des lettres d'anoblissement accordées par le Prince.
Le privilège de Chalo Saint Mard
L'original de la charte du privilège, datée de selon les uns et de selon les autres n'est pas parvenu jusqu'à nous. Mais en 1248, sous le règne de Saint Louis, trois abbés de Paris déclarent avoir vu et lu l'original, auquel ils ont déclaré conforme la copie qui leur fut soumise et qui servit de base dans les actes des différents gouvernements qui ont succédé à celui de Saint Louis. Ce procédé jeta la suspicion auprès de certains historiens sur le contenu véritable de la charte d'origine.
Noël Valois écrivit dans l'Annuaire Bulletin de la société de l'Histoire de France - en 1886[7] puis en 1896[8] - des réquisitoires contre le privilège de Chalo-Saint-Mard. Tout en insistant sur les nombreuses confirmations effectuées par les différents rois de France, il décrit les différentes tentatives de François Ier et Henri IV notamment à l'encontre du privilège. Il le qualifie même de « mystification ».
Malgré les doutes soulevés par les historiens sur l'existence des privilèges prétendument accordés par cette charte de Philippe Ier, les prétendus descendants d'Eudes le Maire ont bénéficié pendant plus de plus d'un siècle d'avantages importants. Il s'agit surtout de l'exonération de la plupart des droits et des impôts, tant par terre que par eau. La liste des exemptions fiscales est décrite par le prieur de Mondoville (Bibliothèque Nationale, manuscrits français 24, 126) : les péages, barrages, ports, passages, placeages, entrée du vin, huitième, douzième, vingtième, taille, taillon, fortifications, criées, emprunts travers, coutumes, boues, chandelles, gardes, droits d'entrée, gabelles, tous autres droits, charges de tutelle, curatelle, commissions et autres charges et servitudes quelconques. Une condition accessoire au privilège astreint les descendants d'Eudes à la défense d'Étampes par ses bastions Ouest, pendant au moins trois siècles (François Guizot - extrait de Cour d'Histoire moderne T.VI : "... Le roi ordonne en outre, à ses serviteurs d’Étampes, de garder la chambre de Challou, vu que les gens de Challou doivent faire la garde à Étampes, et, que leur chambre y étant établies, ils y feront meilleur garde..."[6]).
La descendance d'Eudes le Maire
Des six prétendus enfants d'Eudes, la légende ne donne que deux noms.
Le premier est celui de son fils Ansoud, qui participa selon certains auteurs[Lesquels ?] à la première croisade. Né vers 1080, il rejoint en 1099 le duc de Normandie Robert de Courteheuse et Godefroy de Bouillon. Il aurait selon certains généalogistes parmi ses descendants des chevaliers (son fils Gilebert, coseigneur de Thieux), des croisés (son petit-fils Pierre Fruement, qui part lors de la troisième croisade en 1189 face à Saladin), et des gentilshommes (son arrière-petit-fils Manassé, qui participe à la bataille de Bouvines en 1214, avec Philippe Auguste) Il est l'ancêtre du chevalier Lancelot de Saint Mard, maréchal de France en 1270 sous le règne de Saint-Louis.
Parmi les cinq filles, la seule dont on cite le prénom et la postérité est Épiphanie (Tiphaine) de Saint Mard, dont prétend descendre la puissante famille Chartier. Tiphaine, dame de Chalo Saint Mars, aurait épousé vers 1103 à Étampes Alain Chartier, dit le Fiscalin. Celui-ci aurait été receveur général du fisc du Roi Philippe Ier depuis 1102. Ce couple serait à l'origine d'une nombreuse descendance, parmi lesquels on compte entre autres Godefroy de Boissy (dont le testament est à l'origine de la fondation du collège de Boissy[9]), Guillaume Chartier (conseiller au Parlement, évêque de Paris en 1447, qui a participé au procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc); et selon certains auteurs peut-être Alain et Jean Chartier[10].
Claude Hardy fait également partie de leur postérité.
Sources
- Notice sur une antiquité de l'église de Saint-Étienne-du-Mont Journal de l'Institut historique - Tome 5 par Auguste Vallet (1836)
- Histoire de Navarre André Favyn - 1612 (transcription)
- Traité de la noblesse, de ses différentes espèces... par messire Gilles-André de La Roque, chevalier, seigneur de La Lontière, chapitre XIV
- La franchise de Challo saint Mard dans Antiquitez d’Estampes I, 24a Dom Basile Fleureau - 1668
- Histoire d'Eudes-le-Maire, dit Chalo-Saint-Mard Essais historiques sur la ville d’Étampes (Seine-et-Oise) - Maxime de Montrond, tome 1, p. 75
- Histoire d'Étampes Cours d'histoire moderne par M. Guizot - 1829-1832, p 288.
- Annuaire-bulletin de la Société de l'histoire de France - Le privilège de Chalo-Saint-Mard, p. 185 Noël Valois - 1886
- Annuaire-bulletin de la Société de l'histoire de France - Note complémentaire sur le privilège de Chalo-Saint-Mard, p. 182 Noël Valois - 1896
- Le Collège de Boissy - Histoire de la rue Suger Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, 1875 - Tome 2 page 286
- Recherches sur la filiation de Guillaume, Alain et Jean CHARTIER (leur Généalogie de 1290 à 1900) Annuaire du Conseil héraldique de France par Francis Pérot, 1900
- Chanoine Hubert, Manuscrit : Généalogies orléanaises, vol. II, xviie siècle (lire en ligne), folio 64
- Alfred Besnard, La lignée de Chalo-Saint-Mard et la famille de Sainctes,
- (fr) Traité de la Police ecclésiastique René Choppin (1662), p. 454
- (fr) Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l'histoire et la chronologie des familles nobles de France - Tome 5, p.33 par de La Chenaye-Desbois et Badier
- (fr) Une Charte du onzième siècle - Le privilège d'Eudes le Maire et sa descendance Bulletin archéologique historique et artistique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, Tome XXXXV - année 1915 p. 77 à 85
- (fr) Généalogie descendante d'Eudes de Saint-Mard dit Eudes Le Maire (étude)
Reprise de textes
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