Empire de Gao

L'empire de Gao précède l'empire songhaï dans la région du moyen Niger. Il tire son nom de la ville de Gao, située dans la boucle du fleuve Niger. Au IXe siècle, il est considéré comme le plus puissant royaume d'Afrique de l'Ouest.

Sources pour l'histoire de Gao

Concernant l'histoire de la ville, exceptées quelques épitaphes en arabe sur des pierres tombales découvertes en 1939 au cimetière de Gao-Sané, à km à l'est de la ville[1], ou [2],[3],[4], il n'existe pas d'écrits locaux antérieurs au milieu du XVIIe siècle[5]. Les informations concernant l'histoire ancienne se trouvent dans les écrits des géographes arabes du Maroc, de l'Égypte et de l'Andalousie, qui n'ont jamais visité la région. Les auteurs font référence à la cité sous les noms de Gawgaw ou Kuku. Les deux chroniques clés du XVIIe siècle, le Tarikh es-Soudan Histoire du Soudan ») et le Tarikh el-fettach Chronique du chercheur[note 1] »), proposent des informations sur la ville à l'époque de l'empire songhaï, mais elles ne contiennent que quelques vagues indications sur les temps antérieurs[7]. Ces chroniques, en général, ne citent pas leurs sources[8] et leurs comptes rendus pour les périodes anciennes sont probablement basés sur la tradition orale et, pour les événements d'avant la seconde moitié du XVe siècle, ils sont peu fiables, d'autant qu'en la circonstance les deux chroniques donnent parfois des informations contradictoires.

Histoire pré-islamique de Gao

La plus ancienne mention de Gao est due à Al-Khwârizmî, qui écrit dans la première moitié du IXe siècle[9]. À cette époque, Gao est déjà une importante puissance régionale. En 872, dans son Tarikh, Al-Yaqubi écrit à son propos :

« Voici le royaume de Gawgaw, qui est le plus grand des royaumes du Soudan[note 2], le plus important et le plus puissant. Tous les royaumes obéissent à son roi. Gawgaw est le nom de la ville. Outre cela, il y a un certain nombre de royaumes dont les dirigeants lui prêtent allégeance et reconnaissent sa souveraineté, bien qu'ils soient des rois sur leurs propres terres[9]. »

 traduction libre

Ibn al-Faqih, qui écrit vers , mentionne une route caravanière reliant l'Égypte à l'ancien Ghana via Gawgaw[10], mais Ibn Hawqal, écrivant en 988, constate que la vieille route venant d'Égypte et menant au Soudan[note 2] avait été abandonnée durant le règne de Ahmad Ibn Touloun (qui gouverna l'Égypte de à ) car des caravanes avaient été attaquées par des bandits et parce que d'autres avaient été ensevelies par le vent de sable[11]. Cet itinéraire direct était remplacé par un chemin passant par Sijilmassa avant de bifurquer vers le Sud pour traverser le Sahara.

Période islamique

Au Xe siècle, Gao est déjà islamisée et est décrite comme constituée de deux villes distinctes. Al-Muhallabi, mort en , note à propos de son roi, dans un document perdu mais cité dans un dictionnaire biographique compilé par Yaqout al-Rumi :

« Leur roi prétend devant ses sujets être un musulman et la plupart d'entre eux font aussi semblant d'être musulmans. Il y a une ville sur le Nil [Niger], sur la rive orientale, appelée Sarnah, où il y a des marchés et des maisons de commerce, avec un trafic intense avec tous endroits. Il a une autre ville, sur la rive occidentale du Nil [Niger], où il vit avec ses hommes et ceux qui ont sa confiance. Il y a une mosquée là où il prie, mais le terrain commun pour les prières est entre les deux villes[12]. »

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L'empire de Gao et les Almoravides

Les deux villes de Gao

Les preuves archéologiques montrent qu'il y eut deux peuplements sur la rive est du Niger[13] : Gao l'ancienne, qui se situait là où se trouve la ville actuelle, à l’est du tombeau des Askia, et le site archéologique de Gao-Sané, situé environ km à l'est. Le lit de l'oued Gangaber passe au sud de la butte (tel) où se trouvait Gao-Sané, et au nord de Gao l'ancienne. Les poteries importées et le verre retrouvés à Gao-Sané montrent que le site fut occupé du VIIe au XIIe siècle[14]. Il est possible que Gao-Sané corresponde à la cité de Sarnah mentionnée par Al-Muhallabi[15]. Al-Bakri, écrivant en , relate aussi l'existence de deux villes[16] mais, vers , Al Idrissi n'en parle pas[17]. Al-Muhallabi et Al-Bakri situent tous les deux Gao sur la rive ouest (rive droite) du Niger[18]. Au XVIIe siècle, le Tarikh el-fettach dit aussi qu'au Xe siècle Gao était située du côté de Gourma, c'est-à-dire sur la rive droite (ouest) du fleuve[19]. Une grande dune, la « dune rose », se trouve sur la rive ouest en face de Gao, mais, à Koima, sur les bords de la dune à km au nord de Gao, des dépôts de surface indiquent un peuplement antérieur au IXe siècle. Cela pourrait être la ville mentionnée par les auteurs du Xe et XIe siècles. Le site n'a pas encore été fouillé[20].

Es Saâdi, dans son Tarikh es-Soudan, donne une date légèrement plus tardive quant à l'introduction de l'islam. Il recense trente-deux dirigeants de la dynastie Za (ou dynastie Zuwa) et affirme que, en -, le quinzième, Zuwa Kusoy, fut le premier à se convertir à l'islam[note 3]. Il ne précise pas où ils résidaient, à l'exception du fondateur légendaire de la dynastie, Zuwa Alayman, qui, selon lui, serait venu du Yémen pour s’établir dans la ville de Koukiya. Koukiya est mentionné dans le Tarikh el-fettach et le Tarikh es-Soudan. On pense qu'elle se trouvait aux abords du village actuel de Bentiya sur la rive est du Niger, 134 km à l'est de Gao[note 4]. Des pierres tombales avec des inscriptions en arabe, datant du XIVe siècle, ont été trouvées à cet endroit.

Les rois de Gao-Sané et les Almoravides

La découverte des pierres tombales de Gao-Sané en 1939 a fourni aux historiens de nouvelles informations sur l'empire de Gao. Les trois grands dirigeants musulmans, morts en , et , peuvent être identifiés comme appartenant la dynastie Zuwa. L'islamisation de la dynastie n'a donc pas commencé au début mais à la fin du XIe siècle, à l'époque des Almoravides. Le rôle des Almoravides dans le processus a été âprement débattu. Antérieurement, les rois de Gao-Sané étaient considérés comme issus des Almoravides[2], mais, plus récemment, il a été avancé qu'ils seraient, en fait, des convertis issus d'une grande dynastie africaine trouvant probablement son origine dans l'ancien empire du Ghana[22].

Le déclin de l'empire

Vers la fin du XIIe siècle, Gao perd son indépendance et devient une composante de l'expansionniste empire du Mali. Ce qui arrive aux rois Zuwa n'est pas connu[23]. Ibn Battûta visite Gao en , alors que la ville fait partie de l'empire du Mali. Il arrive par bateau à Tombouctou à l'occasion de son voyage de retour :

« Je suis allé à la ville de Gawgaw, qui est une grande ville sur le Nil [Niger], une des plus belles, plus grandes et plus fertiles du Soudan[note 2]. Il y a ici beaucoup de riz, de lait, de poulets, de poissons et le concombre n'a pas son pareil. La population achète et vend en utilisant des cauris, comme les populations du Mali[24]. »

 traduction libre

Après être resté un mois dans la ville, Ibn Battûta la quitte en direction de Takedda (en), partant avec une caravane comprenant 600 femmes esclaves.

Dans le courant du XIVe siècle, Ali Kulun, le premier dirigeant de la dynastie Sonni (en), se rebelle contre l'hégémonie du Mali, mais il est vaincu[25]. Il faudra attendre la première moitié du XVe siècle pour que Sonni Souleimane Dama soit en mesure de se défaire du joug du Mali. Son successeur, Sonni Ali Ber (1464–1492), agrandira considérablement le territoire et établira l'empire songhaï.

Notes et références

Crédits

Notes

  1. « Chronique du chercheur pour servir à l'histoire des villes, des armées et des principaux personnages du Tekkrour »[6]
  2. Ce que les Arabes appellent « Soudan » n'est pas le pays actuel, mais désigne la partie de l'Afrique au sud de l'Égypte et du Sahara : Jean-Charles Ducène, « Conceptualisation des espaces sahéliens chez les auteurs arabes du Moyen Âge », Afriques, no 4, (lire en ligne).
  3. Une liste similaire figure dans le Tarikh el-fettach[21].
  4. Coordonnées géographiques de Koukiya : 15° 20′ 56″ N, 0° 45′ 36″ E .

Références

Bibliographie

  • (en) M Cissé, S.K. McIntosh, L. Dussubieux, T. Fenn, D. Gallagher et A. Chipps Smith, « Excavations at Gao Saney: New Evidence for Settlement Growth, Trade, and Interaction on the Niger Bend in the First Millennium CE », Journal of African Archaeology, vol. 11, no 1, , p. 9-37 (lire en ligne).
  • (en) John Hunwick, « Gao and the Almoravids: a hypothesis », dans B. Swartz et R. Dumett (éds.), West African Culture Dynamics, La Haye, , p. 413-430.
  • (en) John Hunwick, Timbuktu and the Songhay Empire : Al-Sadi's Tarikh al-Sudan down to 1613 and other contemporary documents, Leyde, Brill, (1re éd. 1999) (ISBN 978-1-4237-3418-5, OCLC 62413886).
  • (en) Timothy Insoll, Islam, Archaeology and History : Gao Region (Mali) ca. AD 900-1250, Oxford, Tempus Reparatum, .
  • Timothy Insoll, « Iron age Gao: an archaeological contribution », Journal of African History, vol. 38, no 1, , p. 1–30 (DOI 10.1017/s0021853796006822, JSTOR 182944).
  • Mahmoûd Kâti ben el-Hâdj el-Motaouakkel Kâti (trad. O. Houdas et M. Delafosse), Tarikh el-fettach ou Chronique du chercheur, pour servir à l'histoire des villes, des armées et des principaux personnages du Tekrour, Paris, Ernest Leroux, (lire en ligne).
  • Dierk Lange, « Les rois de Gao-Sané et les Almoravides », Journal of African History, vol. 32, no 2, , p. 251–275 (DOI 10.1017/s002185370002572x, JSTOR 182617).
  • (en) Dierk Lange, Ancient Kingdoms of West Africa, Dettelbach, J.H. Röll, (lire en ligne), p. 495-544.
  • (en) Dierk Lange, « Review of P. Moraes Farias, Medieval Inscriptions (2003) » (recension), Afrika und Übersee, no 87, , p. 302-305 (lire en ligne).
  • (en) Nehemia Levtzion et John F.P. Hopkins, Corpus of Early Arabic Sources for West Africa, New York, NY, Marcus Weiner Press, (1re éd. 1981), 492 p. (ISBN 1-55876-241-8).
  • (en) Paolo de Moraes Farias, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali, Oxford, — Pour les trois rois voir pp. 3, 7-8, 15.
  • Jean Sauvaget, « Les épitaphes royales de Gao », Bulletin de l'IFAN, vol. séries B, no 12, , p. 418-440.

Articles connexes

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