Du ciel

Du ciel (en grec ancien : Περὶ οὐρανοῦ, et en latin : De caelo) est un traité d'Aristote constitué de quatre livres dans lesquels il expose ses théories astronomiques. Son attribution à Aristote a parfois été contestée. Ainsi, Proclos considère que Du ciel est l’œuvre de Théophraste[1], mais des savants, spécialistes d’Aristote comme Werner Jaeger et Eduard Zeller n’ont jamais mis en doute cette attribution à Aristote ; ils ont même proposé un ordre chronologique des ouvrages scientifiques du philosophe grec, le traité Du ciel s’inscrivant après la Physique et avant le traité De la génération et de la corruption[2].

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Du ciel

Première page du Traité du ciel (édition de 1837).

Auteur Aristote
Version originale
Langue Grec ancien
Titre Περὶ οὐρανοῦ
Date de parution 350 av. J.-C.

L'objet de l'ouvrage

« Mais disons d'abord ce que nous entendons par le ciel, et combien de sens a ce mot, afin que la recherche à laquelle nous nous livrons en devienne d'autant plus claire. En un premier sens, nous disons que le ciel est la substance de la périphérie dernière de l'univers, ou bien que c'est le corps naturel qui est à l'extrême limite de cette périphérie du monde; car l'usage veut qu'on entende surtout par le ciel la partie élevée et extrême où nous disons que réside inébranlable tout ce qui est divin. Dans un autre sens, le ciel est le corps qui est continu à cette extrême circonférence de l'univers où sont la lune, le soleil et quelques autres astres ; car nous disons que ces grands corps sont placés dans le ciel. Enfin en un troisième sens, nous appelons ciel le corps qui est enveloppé par la circonférence extrême ; car nous appelons ordinairement ciel la totalité des choses et l'ensemble de l'univers[3]. »

Malgré cette mise au point faite à la fin du livre premier du traité, une certaine confusion persiste, comme l'atteste le commentaire de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire :

« Le sujet de ce traité n'est pas très net, et les commentateurs grecs se sont divisés sur la question de savoir quel il est véritablement. Alexandre d'Aphrodise et Jamblique, après lui, ont cru qu'Aristote avait voulu, dans cet ouvrage, non seulement étudier le ciel, mais encore l'univers entier. Syrien et Simplicios ont soutenu qu'il ne s'agissait que du ciel, et selon eux de cette partie de l'univers qui s'étend de la sphère de la lune jusques et y compris notre terre. La question n'a pas grande importance, et l'on peut interpréter de différentes manières le but qu'Aristote s'est proposé. Mais l'opinion de Simplicios paraît plus conforme aux matières mêmes que ce traité discute. Il résulte de ces controverses et de cette incertitude que les scolastiques, pour ne pas trancher la question, ont donné à cet ouvrage un double titre : De caelo et mundo, comme on peut le voir par Albert le Grand et saint Thomas d'Aquin, et par tous ceux qui les ont suivis. Je crois que le titre seul : Du Ciel doit être conservé à ce traité, tandis que le titre : Du Monde devant être réservé au petit traité apocryphe qui porte cette dénomination spéciale, et qu'on trouvera après la Météorologie. Du reste, tous les commentateurs s'accordent pour placer le Traité du ciel à la suite de la Physique, dont il est en quelque sorte le complément[4]. »

Le Cosmos selon Aristote

Le Cosmos est divisé en deux zones par une partie infranchissable située entre la Terre et la lune[5], il n'est en effet pas infini[6] :

  • En haut, la région d'Ouranos ὑπερσελήνιος (du grec ancien ὐπερ, hyper, dessus, et de σελήνη, Lune), littéralement supralunaire, où existe un cinquième élément, la quintessence. Les corps célestes sont des réalités plus parfaites et leurs mouvements sont régis par d'autres lois que dans la région sublunaire. Aristote suit Eudoxe de Cnide et Calippe.
  • En bas, la Terre et la Lune constituent le monde, le cosmos ὐποσελήνιος (du grec ancien ὑπο, hypo (dessous) et de σελήνη, Lune), littéralement sublunaire : ce cosmos est corruptible et changeant (il a une naissance, un déclin...) ; il comprend les trois autres éléments (στοιχεία), l’eau, l’air, le feu. La sphère du feu est celle où apparaissent les étoiles filantes, les aurores boréales et les comètes.

Le monde céleste ou supralunaire

Il est à l'opposé du monde sublunaire désordonné. Ce monde est parfait et immuable et ses composants sont des sphères concentriques, tournant circulairement autour de la Terre. Les objets les plus idéaux, les étoiles fixes, les plus parfaits, ne se déplacent pas, mais sont à l'origine de tout mouvement.

Le monde sublunaire

Les 4 éléments d'Empédocle, disposés en sphères concentriques.

Il est composé des quatre éléments, mélangés sur notre planète : il y a de l'air dans l'eau.... Dans ce monde, l'origine des mouvements des corps serait que chaque élément tend à se réunir en un unique endroit (ainsi ceci explique les météorites, la pesanteur — une pierre est attirée par la Terre — etc.) Il énonce par ailleurs un principe de dynamique erroné selon lequel la vitesse serait proportionnelle à la force de poussée : un objet irait d'autant plus vite qu'on le pousse avec plus de force, et quand on ne le pousserait plus, cet objet s'arrêterait. On sait depuis Galilée que ce résultat est faux[7].

La Terre (chapitre XIV du Livre II)

La Terre est selon lui placée au centre du monde, selon les preuves mathématiques données, à l’instar de Platon.

« Il est donc évident que la terre doit être nécessairement au centre et y être immobile, soit d'après les causes que l'on vient d'expliquer, soit par cette autre cause que les corps graves lancés de force en l'air, une fois parvenus à leur niveau, reviennent au même point, quand bien même la force qui les aurait poussés les lancerait à l'infini. On voit donc bien évidemment, par tous ces motifs, que la terre ne se meut pas et qu'elle n'est pas en dehors du centre. »

 Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, Traité du ciel[8],[9].

Aristote rappelle d'autre part la démonstration de la sphéricité de la Terre, toujours en partant des phénomènes (φαινόμενα), c'est-à-dire des apparences.

« J'ajoute que tous les astres ensemble, et un astre quelconque considéré isolément, doivent être tout pareils à cet égard. Or, il a été démontré dans les Traités d'optique, que la lune est sphérique ; car autrement elle n'aurait ni ces accroissements, ni ces décroissances, se présentant le plus souvent à nos yeux sous forme de disque ou de courbe tronquée, et ne se présentant qu'un seul instant à demi-pleine. D'autre part, on a démontré aussi dans les Traités d'astronomie, que les éclipses du soleil ne pourraient pas, sans cela, avoir l'apparence de disque. Par conséquent, un astre quelconque étant sphérique, il faut évidemment aussi que tous les autres astres le soient également. »

 Jules Barthélemy Saint-Hilaire, Traité du ciel, chapitre XI, livre II, paragraphe 3[10].

Il rapporte les dimensions de la circonférence de la Terre mesurer par des mathématiciens (ils ne les citent malheureusement pas): 400 000 stades soit environ le double de sa taille réelle (60 000 km au lieu de 40 000, comme l'ont d'ailleurs remarqué Simplicios et Saint Thomas d'Aquin[10]).

Notes et références

  1. Jules Simon, Du commentaire de Proclus sur le Timée de Platon, 1839 (p. 57)
  2. Werner Jaeger 1997, p. 303.
  3. 2015 (278 b 10), p. 724.
  4. Traité du ciel : Περὶ οὐρανοῦ, Paris, A. Durand, (lire en ligne)
  5. Jacques Blamont, Le Chiffre et le Songe, Histoire politique de la découverte, éditions Odile Jacob, 1993, p. 44-45.
  6. Aristote, au chapitre V du Livre II du Traité du ciel, démontre l'impossibilité de l'infinité du ciel (mais pas du monde tout entier selon Alexandre d'Aphrodise) : « Il n'est pas possible que l'infini se meuve circulairement ; et par conséquent, le monde ne pourrait pas davantage se mouvoir de cette façon, s'il était infini. »
  7. Le monde sublunaire (ou terrestre)
  8. Περὶ οὐρανοῦ, éditeur A. Durand, Paris, 1866 Lire en ligne
  9. Φανερὸν τοίνυν ὅτι ἀνάγκη ἐπὶ τοῦ μέσου εἶναι τὴν γῆν καὶ ἀκίνητον, διά τε τὰς εἰρημένας αἰτίας, καὶ διότι τὰ βίᾳ ῥιπτούμενα ἄνω βάρη κατὰ στάθμην πάλιν φέρεται εἰς ταὐτό, κἂν εἰς ἄπειρον ἡ δύναμις ἐκριπτῇ.
  10. (grc) (fr) Traité du ciel : Περὶ οὐρανοῦ, Paris, A. Durand, (lire en ligne)

Annexes

Éditions de référence

Bibliographie

  • Werner Jaeger (trad. Olivier Sedeyn), Aristote : Fondements pour une histoire de son évolution, L’Éclat, (1re éd. 1923), 512 p., p. 302 à 318 : « chap. XI : L’origine de la physique spéculative et de la cosmologie ». 

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