Droit administratif en France
Le droit administratif français constitue la partie la plus importante du droit public français. Il regroupe l'ensemble des règles juridiques qui régissent l'activité administrative des personnes publiques et des personnes privées. En France, le contrôle de son application est assuré par un ensemble de juridictions qui constituent la justice administrative.
Pour les autres articles nationaux ou selon les autres juridictions, voir Droit administratif.
À l'origine, c'est un droit prétorien, c'est-à-dire formé fondamentalement par la jurisprudence. Néanmoins, avec l'intégration de sources de droit de valeur supérieure ainsi qu'une tentative de codification du droit administratif (l'instauration d'un code des marchés publics ou encore plus récemment du code général de la propriété des personnes publiques en sont deux exemples probants), ce caractère est parfois profondément remis en cause, au détriment d'une certaine souplesse d'évolution et d'adaptation du droit.
Les sources actuelles du droit administratif
Les sources du droit administratif en France sont diverses. La valeur de chacune au sein de la hiérarchie des normes est dans certains cas discutée, néanmoins les sources suivantes sont placées par ordre décroissant de valeur dans cette dernière.
Les règles constitutionnelles
En raison de la présence d'une constitution écrite, les normes constitutionnelles ne sont pas en principe d'origine coutumière. Cela étant, la jurisprudence dégagée par le Conseil constitutionnel constitue une forme de « pratique constitutionnelle » et peut être considérée comme une source de droit non écrit (ou en tous cas non codifié).
Deux sortes de normes constitutionnelles existent : celle de la constitution et d'autres, appartenant au bloc de constitutionnalité. Ce dernier est notamment composé par la jurisprudence constitutionnelle et les grands principes qu'elle a pu dégager.
Les normes constitutionnelles écrites
La norme constitutionnelle écrite principale est, actuellement, la constitution de la Ve République.
Toutefois, le préambule de cette constitution a-t-il une valeur juridique ? Une décision du conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 ("Liberté d'association") l'a affirmé, tout comme le Conseil d'État en 1960 (C.E., Sect, 12 février 1960, Eky). Ces solutions sont fondamentales, car elles permettent d'intégrer dans les normes constitutionnelles écrites la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou encore les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République, tous deux contenus dans le préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère celui de la Constitution de 1958.
Les normes constitutionnelles non écrites
Ces normes sont composées par la jurisprudence du conseil constitutionnel et les grands principes qui en dégagent : les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR). Selon l'article 62 de la constitution de la Ve République, les décisions du conseil constitutionnel ne sont susceptibles « d'aucun recours » dans l'ordre juridique français et « s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles »[1].
Les normes internationales
Il s'agit de ce que l'on nomme aussi les « sources extranationales » qui désignent l'ensemble des sources internationales, notamment européennes. Depuis l'arrêt Nicolo (CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Leb. p. 190 avec les concl. de Patrick Frydman), le Conseil d'État reconnaît pleinement la primauté du droit international sur le droit interne, conformément à l'article 55 de la Constitution.
Les juridictions administratives appliquent, et font prévaloir sur les normes de droit interne, à l'exception des normes constitutionnelles (CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, Leb. p. 368, GAJA no 113), l'ensemble des normes internationales :
- les conventions et traités internationaux ont une autorité supérieure au droit interne (V. par exemple : CE, Ass., 7 juillet 1978, Klaus Croissant, Leb. p. 292 ; Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, préc.). Cette force juridique ne vaut toutefois que « sous réserve de réciprocité » (article 55 de la Constitution), c'est-à-dire d'application par l'autre partie (en tant que de besoin, le juge administratif interrogeait auparavant le ministre des Affaires étrangères pour déterminer si cette condition est remplie : CE, Ass., 29 mai 1981, Rekhou, Leb. p. 220 ; Ass., 9 avril 1999, Mme Chevrol-Benkeddach, Leb. p. 115). Le juge administratif contrôle désormais la condition de réciprocité, il peut toutefois toujours interroger le ministère des affaires étrangères, sans être lié par sa réponse (CE, Ass., 9 juillet 2010, Mme Cheriet-Benseghir) ;
- le droit dérivé communautaire, c'est-à-dire les règlements, les directives et les autres actes émanant des organes de l'Union européenne ont les mêmes effets que les Traités, ainsi que l'a confirmé le Conseil constitutionnel (CC, déc. no 70-39 DC du 19 juin 1970, Rec. p. 24 ; no 77-90 DC du 30 décembre 1977, Rec. p. 44) : les règlements sont directement applicables et obligatoires en toutes leurs dispositions (CE, Sect., 22 décembre 1978, Syndicat viticole des Hautes-Graves de Bordeaux, Leb. p. 826 ; 24 septembre 1990, Boisdet, Leb. p. 251) ; en revanche, les directives sont regardées comme s'adressant à l'État, à qui il appartient de les transposer en droit interne, de sorte qu'elles ne peuvent être invoquées directement à l'encontre d'un acte individuel (CE, Ass., 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit, Leb. p. 524, GAJA no 97), mais elles prévalent en revanche sur les actes législatifs (CE, Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France, Leb. p. 81 et, Ass., même jour, Société Arizona Tobacco Products et SA Philipe Morris France, Leb. p. 78) ou réglementaires ;
- les principes généraux du droit international (CE, Sect., 23 octobre 1987, Société Nachfolger Navigation Company, Leb. p. 319, à propos des conséquences dommageables d'une mesure de police ordonnant la destruction d'une épave en haute mer) ;
- la coutume internationale (CE, Ass., 6 juin 1997, Aquarone, Leb. p. 206 avec les concl. de Gilles Bachelier). Si le juge reconnait l'existence de cette dernière, elle ne peut être opposée au droit national.
Le juge administratif se reconnaît désormais une pleine compétence pour interpréter les traités internationaux (CE, Ass., 29 juin 1990, GISTI, Leb. p. 171 avec les concl. de Ronny Abraham, qui revient sur la jurisprudence antérieure imposant un renvoi à titre préjudiciel au ministre des Affaires étrangères : CE, 3 juillet 1933, Karl et Toto Samé, Leb. p. 727).
La loi
Les sources du droit administratif comprennent naturellement les lois dont le respect s'impose dans tous les cas à l'administration. Le droit public français définit traditionnellement la loi d'un point de vue organique et formel : la loi est l'acte des organes législatifs élaboré selon la procédure législative prévue par la Constitution. À cet égard, on distingue plusieurs catégories de lois : loi constitutionnelle, loi organique, loi référendaire, loi de finances, loi ordinaire, etc. mais toutes ont la même force obligatoire pour les autorités administratives.
La jurisprudence administrative
Les jurisprudences du Conseil d'État et du Tribunal des conflits ont été déterminantes pour la formation et l'évolution du droit administratif français. On appelle « grands arrêts » les décisions qui ont eu une particulière importance de ce point de vue. L'étude du droit administratif passe nécessairement par la prise en compte de ces arrêts.
La jurisprudence a notamment permis de dégager les principes généraux du droit (ou PGD). Ces règles énoncent les principes fondamentaux du droit administratif.
Leur existence était implicite depuis la fin du XIXe siècle mais deux arrêts (C.E., Ass, 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier et C.E., Ass, 26 octobre 1945, Aramu et autres) les ont explicités.
Les principes généraux du droit ont une valeur législative, même si certains auteurs ont pu soutenir qu'ils avaient une valeur « infra-législative et supra-décrétale » (René Chapus).
Les règlements
À côté des lois votées par le Parlement, un certain domaine de compétence a toujours été reconnu aux règlements, qui sont des actes impersonnels et de portée générale émanant des autorités administratives.
Les autorités investies du pouvoir réglementaire par la Constitution sont au nombre de deux :
- Le Premier ministre est le détenteur principal du pouvoir réglementaire : selon l'article 21 de la Constitution il « exerce le pouvoir réglementaire ». C'est une solution conforme à la tradition républicaine.
- Le Président de la République, aux termes de l'article 13, « signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres ». Le Conseil d'État a jugé qu'un décret qui a été délibéré en Conseil des ministres alors même qu'aucun texte ne l'imposait ne peut ensuite être modifié que par décret en Conseil des ministres (CE, Ass., 10 septembre 1992, Meyet, Leb. p. 327 avec les concl. de David Kessler).
Les autorités investies du pouvoir réglementaire par des dispositions législatives ou réglementaires sont nombreuses ; ces autorités disposent alors d'une délégation de compétence :
- Les ministres ne sont pas détenteurs du pouvoir réglementaire général. Ils peuvent toutefois prendre des règlements, comme chefs de service, en vue de réglementer l'organisation de l'administration qu'ils dirigent (CE, Sect., 7 février 1936, Jamart, Leb. p. 172, GAJA no 52). En outre, il est fréquent qu'une loi ou un décret donne pouvoir à un ministre de prendre, par arrêté, des dispositions réglementaires dans un domaine déterminé.
- Les maires et les préfets disposent, en vertu de textes divers, de pouvoirs réglementaires importants, par exemple en matière de police administrative.
Les autorités investies du pouvoir réglementaire sans texte sont exclusivement les chefs de service. Selon la jurisprudence Jamart (CE, Sect., 7 février 1936, Jamart, Leb. p. 172, GAJA no 52), la qualité de chef de service permet d'adopter des mesures réglementaires afin d'assurer le fonctionnement régulier du service. Appliquée aux ministres (V. supra), cette jurisprudence vaut aussi pour les directeurs des services de l'État (CE, 13 novembre 1992, Syndicat national des ingénieurs des études et de l'exploitation civile, Leb. p. 966) ou des établissements publics (CE, 4 février 1976, Section syndicale CFDT du Centre psychothérapeutique de Thuir, Leb. p. 970), (la publication des AAU et les sanctions lors de son absence par M.D) les maires (CE, 25 juin 1975, Riscarrat et Rouquairol, Leb. p. 898), etc.
Contentieux administratif
Juridictions
Le contentieux administratif est assuré par les juridictions de l'ordre administratif et notamment :
Il existe par ailleurs des juridictions administratives spécialisées dont la plus importante en nombre d'affaires[2], la Cour nationale du droit d'asile qui a pour compétence d'examiner les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Recours
Il faut d'abord distinguer le recours gracieux et hiérarchique qui s'exerce auprès de l'administration et le recours contentieux qui fait intervenir le juge administratif. Ensuite, parmi les recours contentieux, on peut distinguer :
- le recours pour excès de pouvoir, qui vise à l'annulation d'un acte administratif.
- le recours de plein contentieux ou recours de pleine juridiction, qui permet au juge de condamner l'administration à réparer un préjudice subi par le requérant. C'est aussi le juge du contrat administratif.
- le contentieux de la répression : contraventions de grande voirie, sanctions disciplinaires et financières (Cour des comptes, Cour de discipline budgétaire et financière).
- l'interprétation et l'appréciation de légalité, par exemple sur recours préjudiciel d'un juge de l'ordre judiciaire qui souhaite obtenir du juge administratif l'interprétation d'un acte administratif.
- Le référé précontractuel et le référé contractuel
- Le référé liberté
- Le référé suspension
Bibliographie
- Bernard Asso et Frédéric Monera (avec la collaboration de Julia Hillairet et Alexandra Bousquet), Contentieux administratif, Levallois-Perret, Studyrama, , 463 p. (ISBN 2-84472-870-7, lire en ligne)
- René Chapus, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, , 12e éd. (ISBN 978-2-7076-1441-4)
- M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Delvové et B. Genevois, Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, , 16e éd. (ISBN 978-2-247-07424-2)
- Jean-Claude Bonichot, Paul Cassia et Bernard Poujade, Les Grands Arrêts du contentieux administratif, Paris, Dalloz, , 1re éd., 1182 p. (ISBN 978-2-247-07095-4)
- Pierre Tifine, Droit administratif français, Sarrebruck, Editions juridiques franco-allemandes, 5ème édition, 2020 (En ligne à la Revue générale du droit)
Références
Voir aussi
- Ordre administratif (France)
- Tribunal des conflits (France)
- Conseil d'État (France)
- Grands arrêts du Conseil d'État (France)
- Association française pour la recherche en droit administratif (AFDA)
- Institut français des sciences administratives
- Décision implicite en droit administratif français
- Droit des cultes
Liens externes
- Droit administratif français sur JurisPedia
- Actualité du droit administratif français
- Pierre Tifine, Droit administratif français, 5ème édition
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