Eugène Disdéri

Eugène Disdéri est un photographe français, né le à Paris, et mort dans la même ville le .

Il déposa le brevet de la photo carte de visite en 1854. Il mit également au point un appareil photographique multi-objectifs qui permettait de réaliser plusieurs poses simultanément sur un même négatif lors d'une même séance de prise de vue. Par là-même, il réduisait le coût de production de chaque photographie, qui pouvait donc devenir financièrement plus accessible. Il contribua ainsi à l'essor de la photographie et la rendit plus populaire.

Biographie

Famille

Eugène Disdéri naît en 1819 à Paris, de Jean-André Disdéri et de son épouse Louise-Eugénie. Il est l'aîné d'une fratrie de sept enfants[2]. En 1843, il épouse Geneviève Elisabeth Francard. Leurs deux premières petites filles meurent en bas âge[3].

Débuts

Disdéri est d'abord commis-voyageur, fabricant de lingeries en 1844, et bonnetier à Paris. Après avoir fait faillite, il part pour Brest fin 1846 pour y ouvrir un établissement de photographies avec son épouse Élisabeth Francart-Disdéri, qui poursuit seule l'activité après leur séparation[4].

Après avoir occupé divers emplois, dont dans une entreprise de diorama, il est fiché comme républicain et quitte Brest pour le sud de la France, où il devient photographe à Nîmes. Il travaille alors sur les techniques du collodion et du papier ciré[5].

Un studio à Paris

De retour à Paris en janvier 1854, il ouvre un des plus importants studios de photographie de l'époque. Il invente en effet un nouvel appareil photographique qui utilise la technique du collodion humide et qui peut reproduire six clichés sur la même plaque de verre. C'est le brevet du portrait-carte qu'il dépose en 1854, et dont les avantages sont la réduction du prix de la photographie pour les clients et la reproductibilité des portraits, à l'inverse du procédé du daguerréotype, plus coûteux et qui ne permet qu'un seul exemplaire. Avant lui, un autre photographe, Louis Dodéro, avait produit à Marseille des portraits photographiques au format dit carte-de-visite[6], mais c’est à Disdéri qu’on en doit le développement commercial à grande échelle.

Le portrait photographique entre alors dans l'ère industrielle et fonde son succès sur la représentation du statut social.

Signature manuscrite au dos d'une photo. Cette graphie est reprise en imprimerie sur certains dos de photo-carte de visite.

Les photographies obtenues par ce procédé ont un petit format assez proche de la carte de visite. Celles-ci deviennent assez vite à la mode, Disdéri devenant alors le photographe de nombreuses cours d'Europe. Parmi ses clients, on trouve : la princesse de Metternich, épouse de l'ambassadeur d'Autriche, Sosthène II de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia, le baron Salomon de Rothschild (en), la comtesse de Hatzfeldt.

Des portraits grandeur nature

Il est photographe officiel de l'Exposition universelle de 1855, et présente de très grands formats (portraits grandeur nature) à Amsterdam.

En 1856, une faillite personnelle et professionnelle le mène en prison[7]. Cependant, il reparaît en 1859 avec un nouvel appareil à quatre objectifs qui lui permet de réaliser huit clichés sur la même plaque.

En cette même année 1859, la légende raconte que Napoléon III, au départ de sa campagne militaire vers l'Italie, se serait arrêté dans la boutique de Disdéri pour s'y faire tirer le portrait. La nouvelle de la venue de l'empereur se serait répandue dans tout Paris et l'engouement fut tel que nombre de studios ouvrirent et se mirent à pratiquer cette technique. Si l'itinéraire du cortège impérial de ce jour-là infirme la légende, Disdéri est cependant bel et bien reconnu photographe officiel de l'empereur, avec Mayer et Pierson[8], et son succès devient considérable. Il est vraisemblable qu'à ce moment-là, faisant partie du cortège, le grand ami de Napoléon III, le comte polonais Xavier Branicki s'est fait photographier[9]. En 1860, il accompagne peut-être l'empereur à Alger : son catalogue Algérie de mars 1861 présente alors pas moins de deux cent cinquante-six photographies « algériennes » : « cartes-photos » ou « vues stéréoscopiques » dont plusieurs vues prises sur le vif de l'escadre impériale dans le port d'Alger et du débarquement de l'empereur.

L'Art de la photographie

En 1862, il publie L'Art de la photographie[10], où il entend prouver que la photographie relève de l'art.

Nadar serait bien mieux placé que lui pour mener à bien la démonstration, mais reconnaîtra l'habileté de son concurrent, concentrant ses critiques acerbes sur Pierre Petit et Mayer et Pierson. Disdéri obtient une médaille d'or à Londres où il tient une succursale, ainsi qu'à Madrid. Son luxueux atelier parisien se trouve alors juste au-dessus du théâtre de Robert-Houdin, au no 8 du boulevard des Italiens. Inauguré en grande pompe, on y trouvait notamment un véritable musée : « Le Louvre du portrait-carte » selon l'expression du Monde illustré du 14 avril 1860, « avec une collection de personnages et de simples personnes dont les originaux suffiraient à peupler une sous-préfecture de seconde classe ». Il est vrai que l'article rappelle aussi que, dans son premier salon, Disdéri avait d'abord gravé les noms de ses plus illustres clients et la date de leurs visites à ses ateliers : « On y voit à côté des noms de LL MM l'Empereur et l'Impératrice, ceux du Prince Impérial, du prince Jérôme, du prince Napoléon et de la princesse Clotilde, des princes et de la princesse Murat, etc. » À son apogée, Disdéri compta jusqu'à une centaine d'employés. Devenu riche, il fit construire une maison à Rueil-Malmaison, avenue Paul-Doumer, qui existe toujours.

Après l'écrasement de la Commune, il prit de nombreux clichés des corps des fusillés.

Fin de vie

À partir de 1874, son activité décline et ne suffit plus à payer ses dépenses somptuaires. Il part pour Nice en 1879 puis revient à Paris pour y mourir complètement ruiné le 4 octobre 1889 à l'hôpital Sainte-Anne, établissement réservé aux indigents, aux alcooliques et aux malades mentaux[11].

Il est inhumé le 6 octobre 1889 dans une tranchée (la 17e) de la 42e division du cimetière parisien de Bagneux[12], réservée aux inhumations gratuites.

Un fonds de 50 000 références

Il laisse 91 albums, avec 12 000 planches et 50 000 références, miraculeusement récupérés par Maurice Levert, le fils d'un ancien préfet de l'Empire, dont les héritiers vendirent le fonds aux enchères le 28 janvier 1995 à Drouot Richelieu. La Bibliothèque nationale de France, le musée de l'Armée et la Réunion des musées nationaux, dont le musée d'Orsay, se portèrent acquéreurs d'un peu plus de la moitié des lots environ. Les autres lots furent achetés par quelques collectionneurs et des musées étrangers. La vente généra des prix élevés pour l'époque.

Notes et références

  1. Musée d'Orsay, Résultat sur la base du musée avec notice de l'œuvre.
  2. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie, , p. 6 (ISSN 0399-1032)
  3. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie, , p. 10 (ISSN 0399-1032)
  4. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie, , p. 14 (ISSN 0399-1032)
  5. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie, , p. 16 (ISSN 0399-1032)
  6. Jean Sagne, L'Atelier du photographe (1840-1940), collection Histoire des hommes, Presses de la Renaissance, 1984 (ISBN 2856162886), p. 57 et 164.
  7. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disderi », Prestige de la photographie, , p. 24 (ISSN 0399-1032).
  8. Société des frères Mayer (Léopold-Ernest Mayer et Louis-Frédéric Mayer) associés à Pierre-Louis Pierson.
  9. Portraits de Xavier Branicki (1859) par Eugène Disdéri, musée d'Orsay.
  10. André-Adolphe-Eugène Disdéri, L'Art de la photographie, 1862 (disponible sur Internet Archive).
  11. Anne McCauley, « Adolphe-Eugène Disdéri », Prestige de la photographie, , p. 46 (ISSN 0399-1032).
  12. « Registre journalier d'inhumation du cimetière parisien de Bagneux en date du 6 octobre 1889 (page 3/31) », sur archives.paris.fr.

Voir aussi

Bibliographie

  • Dictionnaire de la photo, Larousse, 1996, 766 p. (ISBN 2-0375-0014-9)
  • Collectif : Identités (de Disdéri au photomaton), Centre national de la photographie, Chêne-Hachette, Paris, 1985
  • André Rouillé, La Photographie en France, textes et controverses : une anthologie 1816-1871, éditions Macula, Paris, 1989 (ISBN 2-8658-9021-X)
  • Histoire de voir, tome 1 De l'invention à l'art photographique (1839-1880), coll. « Photo Poche » no 40, éditions CNP, Paris 1989 (ISBN 2-8675-4057-7)
  • Sylvie Aubenas, « Le petit monde de Disdéri », dans Études photographiques (ISBN 2-9119-6103-X) no 3, novembre 1997, Société française de photographie
  • Fabrice Masanès, Eugène Disdéri : Essai sur l'art de la photographie, Seguier, 2003
  • François Boisjoly (préf. Evelyne Rogniat), La Photo-carte en France au XIXe siècle, Lyon, Lieux-Dits, , 159 p. (ISBN 291452823X)
  • Michel Mégnin, La Photo-carte en Algérie au XIXe siècle, Non Lieu, Paris et Edif 2000, Alger, 2007.
  • Thèse de Anne McCauley publiée dans l'édition de Prestige de la photographie de novembre 1978 (ISSN 0399-1032)

Articles connexes

Liens externes


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