Créateur de caractères

Un créateur de caractères typographiques est une personne dont l’activité est de concevoir, dessiner et réaliser des caractères typographiques.

En français, on peut parler de concepteur, de dessinateur de caractères, de polices, il n’existe pas de terme clairement défini comme l’équivalent anglais type designer ou font designer. On emploie aussi le terme de typographe, qui peut néanmoins prêter à confusion avec le métier de l’imprimeur typographe, raison pour laquelle beaucoup refusent cette appellation.

Définition

À l’origine, c’était un dessinateur, qui confiait à un graveur le soin de réaliser des poinçons, qui servaient d’empreinte à des matrices pour la fonte des caractères en plomb dans une fonderie typographique. Beaucoup de créateurs de caractères étaient eux-mêmes auteurs des poinçons et fondeurs, ayant une formation d’orfèvre. Aujourd’hui, le créateur de caractères mène son travail de bout en bout, seul ou en collaboration, pour aboutir à des polices numériques. Sa formation est généralement assurée par des écoles d’art, généralistes mais aussi spécialisées dans les arts graphiques. Une formation en calligraphie est souvent complémentaire. Les créateurs de caractères travaillent soit en indépendant, soit au sein d’entreprises de création typographique qui ont conservé le nom de fonderies, bien qu’on n’y fonde plus du plomb, mais qu’on y réalise des polices numériques. Leurs clients peuvent être des collectivités (polices de signalisation routière, de transports), des entreprises commerciales (identités visuelles, logotypes), des entreprises de presse (l’exemple historique est la police Times créée pour le journal The Times par Stanley Morison en 1932)…

La création de caractères typographiques est une des disciplines da la catégorie « Arts graphiques » donnant accès au titre de Meilleur ouvrier de France.

Histoire

Dès les débuts de l’imprimerie, depuis Gutenberg, les créateurs de caractères sont les imprimeurs, donc le terme de typographe inclut naturellement la création des caractères et le travail de l’impression. Leur rôle consiste à suivre au plus près l’écriture manuscrite des copistes. À mesure de la diffusion de l’imprimerie, le dessin de la lettre typographique se différencie de plus en plus de l’écriture manuscrite. Les abréviations, les ligatures diminuent progressivement, tandis qu’apparaissent des signes nouveaux, la différenciation des u et des v, des i et des j, les signes de ponctuation, etc. Tout au long de l’histoire, les grands imprimeurs laissent leur nom à un caractère : Elzévir, Plantin, Garamond, Didot, etc. L’Italien Alde Manuce introduit l’italique. Un nouveau métier apparaît, celui de fondeur de caractères, qui fournit plusieurs imprimeurs avec ses productions, comme les Fournier au XVIIIe siècle, puis les fonderies qui se développent aux XIXe et XXe siècles (Deberny et Peignot en France), jusqu’à leur disparition et leur remplacement par des fonderies numériques.

Technique

La lettre est dessinée à la main, de manière sommaire, puis précisée progressivement, en fonction des choix établis par le créateur ou ses commanditaires. La police dessinée, avec la totalité de ses glyphes, est alors scannée et numérisée, généralement en dessin vectoriel, puis retravaillée. C’est un travail long, mais chaque famille de caractères présente de nombreuses caractéristiques communes qui permettent de simplifier la mise au point (épaisseur et hauteur des fûts, forme des empattements, courbes, etc.). Il faut ensuite régler les approches, distance idéale entre deux caractères pour une bonne harmonie visuelle et une bonne lisibilité.

Les quatre préceptes techniques du célèbre créateur de caractères Giambattista Bodoni (qui a réalisé et publié le premier Manuel typographique) sont les suivants[1] :

- Le premier est l'uniformité et la régularité du dessin qui consiste dans la compréhension que nombre des caractères d'un alphabet ont des éléments en commun qui doivent se retrouver dans chacun d'eux.

- Le deuxième est l'élégance unie à la pureté par la juste taille et la finition méticuleuse [pour obtenir] des caractères purs et délicats.

- Le troisième principe est le bon goût : le typographe doit rester fidèle à une pure simplicité et ne jamais oublier sa « dette » envers les meilleures lettres écrites dans le passé.

- La quatrième qualité, affirme Bodoni, c'est le charme, une qualité difficile à définir, mais qui est présente dans ces lettres qui donnent l'impression d'avoir été écrites (...) avec beaucoup de calme, comme un acte d'amour.

Bibliographie

  • Jacques André et Christian Laucou, Histoire de l’écriture typographique : Le XIXe siècle, vol. III, Méolans-Revel, Atelier Perrousseaux, , 383 p. (ISBN 978-2-911220-84-5)
  • Yannis Haralambous, Fontes et codages, O’Reilly, , 990 p. (ISBN 978-2-84177-273-5)
  • Thomas Huot-Marchand, Pour un apprentissage élargi du dessin de caractères, CNAP, (lire en ligne)
  • Jean-Baptiste Levée, Du facteur d'écritures typographiques, CNAP, (lire en ligne)
  • Theodore Low de Vinne, The Pratice of Typographe : A treatise on the processes of type-making, the point system, the names, sizes, styles and prices of plain printing types, New York, The Century Co., (lire en ligne)
  • Yves Perrousseaux, Histoire de l’écriture typographique : De Gutenberg au XVIIe siècle, vol. I, Méolans-Revel, Atelier Perrousseaux, , 427 p. (ISBN 2-911220-13-7)
  • Yves Perrousseaux, Histoire de l’écriture typographique : Le XVIIIe siècle, vol. II, t. 1, Méolans-Revel, Atelier Perrousseaux, , 239 p. (ISBN 978-2-911220-24-1)
  • Yves Perrousseaux, Histoire de l’écriture typographique : Le XVIIIe siècle, vol. II, t. 2, Méolans-Revel, Atelier Perrousseaux, , 239 p. (ISBN 978-2-911220-34-0)
  • (en) Richard Southall, Printer’s Type in the Twentieth Century : Manufacturing And Design Methods, Newcastle, Oak Knoll Press, , 238 p. (ISBN 1-58456-155-6)
  • Sous la direction d'Olivier Bessard-Banquy et Christophe Kechroud-Gibassier, La typographie du livre français, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, 275 p.

Voir aussi

Articles connexes


Notes et références

  1. Ces quatre principes sont exposés dans la préface du Manuel, 1788
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