Corneille Theunissen
Corneille Henri Theunissen né le à Anzin et mort le à Paris est un sculpteur et médailleur français.
Sa carrière est fortement imbriquée avec celle de son frère cadet, le sculpteur Paul Theunissen. Les deux frères travaillent dans une grande complicité ; Paul fut non seulement l'employé de Corneille jusqu'à la mort de l'artiste en 1918, mais aussi son conseiller et homme de confiance.
Biographie
Corneille Theunissen grandit dans des conditions modestes à Anzin, au cœur du bassin minier du Nord. Ses parents sont belges ; son père, Pierre Ludovic, est cordonnier ; sa mère Henriette Sophie, est femme au foyer[1]. Excellent élève à l'école communale, Theunissen était voué à devenir cordonnier comme son père. Alors qu'il n'a que 14 ans, ses prédispositions pour le dessin sont remarquées par Constant Moyaux, architecte anzinois, qui convainc ses parents de le faire entrer aux académies des beaux-arts de Valenciennes. Moyaux restera un protecteur et un appui durant toute la carrière de Theunissen, lui procurant ressources et commandes[1]. De 1877 à 1881, Theunissen remporte à Valenciennes de nombreuses récompenses dans des genres très variés et y rencontre Jean-Baptiste Carpeaux qui est comme lui l'élève de René Fache. Au terme de ces quatre années, il obtient une bourse pour un voyage à Rome où il rencontre Léon Fagel[2].
En 1882, René Fache le convainc de poursuivre ses études à l’École des beaux-arts de Paris. Il quitte Valenciennes pour Paris, grâce à des bourses de la ville d’Anzin et du département du Nord, et toujours sous la protection de Moyaux. Il est reçu 10e au concours d'entrée et entre dans l’atelier de Pierre-Jules Cavelier le ; il ne le quittera qu'en 1892[3]. Son travail y est récompensé à plusieurs reprises[4].
À peine majeur, il demande la nationalité française le , en s'adressant au maire d'Anzin, Léopold Jacquemin[alpha 1]. Cet empressement s'explique par la nécessité de posséder la nationalité française afin de concourir au prix de Rome. Theunissen se présente six fois au concours entre 1885 et 1892[5], avant de recevoir la consécration le quand il devient lauréat du premier second grand prix de Rome pour son plâtre Oreste au tombeau d’Agamemnon[4].
Il reçoit en 1893 la commande du Monument commémoratif de la défense de Saint-Quentin contre les Espagnols en 1557 en tant que lauréat du concours ouvert par la ville de Saint-Quentin[6]. Sa carrière prend son envol avec cette œuvre monumentale, l’amenant à vivre à Paris tout en restant étroitement lié à sa région natale, le Nord[7]. Il est décoré de la Légion d'honneur en 1902 par Abel Combarieu[8]. Le , il reçoit la médaille d'or au Salon des artistes français pour Le Conscrit de 1814, commandé par École polytechnique[4].
Theunissen décède de la grippe espagnole en 1918 à l’âge de 55 ans au sommet de sa gloire[7], affaibli par le deuil[alpha 2] et moralement atteint par la destruction de nombre de ses œuvres pendant la Première Guerre mondiale. Il est inhumé à Anzin, où une rue porte son nom[4]. Malgré l'activité prolifique de son atelier dans lequel il travaille en étroite collaboration avec son frère Paul, Theunissen tombe dans l’oubli comme nombre de ses contemporains faute de documentation et suite aux importants dommages causés par les deux guerres mondiales sur ses œuvres[10].
Œuvre
Souvent qualifié de « sculpteur académique », Theunissen dépasse cette étiquette en cherchant à traduire l’action, le mouvement des corps et à retranscrire l’expressivité de ses sujets[11]. Ses productions se caractérisent par leur variété : il est sculpteur mais aussi médailleur et portraitiste. À la diversité des supports et des matériaux s'ajoute celle des thèmes : ses bronzes, plâtres et hauts-reliefs figurent aussi bien des scènes patriotiques que sociales[4].
Il s'illustre en particulier dans des thèmes d’inspiration ouvrière ou paysanne, rappelant son extraction modeste et ses idées progressistes — il aurait cotoyé Louise Michel. Le plâtre Pendant la Grève, présenté au Salon des artistes français en 1891, dépeint ainsi la vie d’une famille ouvrière acculée à la misère, en hommage à la grande grève des mineurs d'Anzin en 1882. Les critiques y voient « une œuvre humaine montrant la douleur poignante et muette ainsi que l’accablement et l’obstination dans la révolte »[4]. Theunissen, en recherche de « sujets de composition modernes »[12], témoigne d'un grand intérêt pour le monde du travail et en particulier les avancées techniques et scientifiques du début du XXe siècle. Il visite ainsi à plusieurs reprises les mines d’Anzin, de Lourches, et de Denain dont il documente les forges avec minutie par ses croquis et ses notes[7]. En 1916, il se rend à l’hôpital mobile sous tentes de Wimereux installé pour soigner les blessés de la bataille de la Somme, où il retranscrit par ses portraits et dessins la souffrance des malades et l'application du personnel hospitalier[11].
Œuvres
- Oreste au tombeau d’Agamemnon, 1888, plâtre, hôtel de ville d'Anzin[13] ;
- Pendant la grève, 1891, plâtre, exposé au Salon des artistes français, Centre historique minier de Lewarde[14] ;
- Monument à Pierre-Joseph Fontaine, inventeur du parachute des mines, 1892, bronze, fondu en 1914, réédifié en 1923, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale[15] ;
- Buste d'Eugène Motte, maire de Roubaix, 1893, plâtre patiné, Roubaix, La Piscine ;
- Monument à la Défense de 1557, 1897, commémorant la défense héroïque de Saint-Quentin par ses habitants en 1557 contre l'armée du roi d'Espagne Philippe II, piédestal conçu par l'architecte Charles Heubès, Saint-Quentin, place du 8 octobre[alpha 3] ;
- Écoinçons du porche d'entrée de la Cour des comptes, 1898, Paris, Palais Cambon[alpha 4],[4] ;
- Buste d'Henri Harpignies, 1899, Lunéville, musée du château[18] ;
- Les Arts et les Sciences rendant hommage au nouveau siècle, 1899, haut-relief érigé pour l’Exposition universelle de 1900, Paris, Grand Palais[alpha 5],[19] ;
- Le Métal ou Le Forgeron, 1900, bronze, Denain, musée d'Archéologie et d'Histoire locale ;
- La Souris du fond, portrait de Jules Mousseron, 1904, plâtre patiné, Denain, musée d'Archéologie et d'Histoire locale ;
- Le Mineur, 1906, bronze, Denain, musée d'Archéologie et d'Histoire locale ;
- Buste de Victor Champier, 1908, bronze, Roubaix, La Piscine.
- Buste d'Adolphe Crauk, 1910, bronze, Denain, musée d'Archéologie et d'Histoire locale ;
- Le Conscrit de 1814, 1914, bronze, médaille d'or au Salon des artistes français, Palaiseau, cour de l'École polytechnique[alpha 6],[20],[4].
- Monument à la Défense de 1557 (1897), Saint-Quentin.
- La Souris du fond, portrait de Jules Mousseron (1904), photographie de la terre crue.
- Les Arts et les Sciences rendant hommage au nouveau siècle (1899), haut-relief, Paris, Grand Palais.
- L'Escaut et La Seine (1907), bronze, Saint-Quentin, pont du canal (œuvres détruites en 1927).
- Régis Jalliffier (1914), médaille.
Notes et références
Notes
- Il affirme « que son intention est de fixer à toujours son domicile en France. Qu'étant fils d'un étranger non naturalisé et qu'ayant l'âge de la majorité, [il promet de se conformer au lois françaises]. »[5].
- Son neveu, Apollon Meire, meurt à Verdun en 1916 ; sa sœur Marie-Louise Theunissen-Meire en 1918 ; sa fille Gisèle décède en septembre 1918, affaiblie par la tuberculose[9].
- Photographie du Monument à la Défense de 1557. L'inscription « Civis murus erat » inscrite sur le piédestal reprend les vers latins composés par Sauteuil en souvenir du haut fait, que Jacques Blondel, mayeur de Saint-Quentin, traduit ainsi : « Mes citoyens sont mes murailles »[16],[17]. Les groupes en bronze furent perdus pendant la Première Guerre mondiale puis reconstitués en 1932 d'après les plâtres originaux[4].
- Photographie du porche d'entrée de la Cour des comptes. Travail non signé. Corneille Theunissen participe à la construction du Palais Cambon avec son frère Paul, probablement grâce à leur bienfaiteur Moyaux qui en était l'architecte[4].
- Photographie des Arts et les Sciences rendant hommage au nouveau siècle. Le haut-relief représente différentes allégories : l’Architecture avec ses plans, la Sculpture avec son marteau et son ciseau, la Musique avec sa lyre, la Peinture avec sa palette ainsi que la « fée électricité », maniant la foudre de la main droite et tenant du bras gauche un rhéostat[4].
- Une réplique de ce monument se trouve à l'Académie militaire de West Point sous le nom de Monument de l'École polytechnique[20].
Références
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 19.
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 22.
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 25.
- Pierre Bouleistex, « Énigme polytechnicienne », La Jaune et la Rouge, no 620, , p. 32-35 (lire en ligne [PDF]).
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 26.
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 27.
- Les mines et les forges de Denain, Lourches et Anzin : dessins de Corneille Theunissen.
- « Cote LH/2585/58 », base Léonore, ministère français de la Culture.
- Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, p. 12.
- Marie-Christine Thooris, « De Polytechnique à West Point : un monument commémoratif signé Theunissen », sur memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr, .
- « The Gallant boys at the front ». Portraits de soldats australiens, anglais et écossais retrouvés dans quatre carnets de dessins inédits du sculpteur Corneille Theunissen et de son fils André Theunissen.
- Corneille Theunissen, Sujets de composition relevés d’après les croquis contenus dans mes albums : sujets divers – sujets modernes, , 14 p..
- « Collection du Centre national des arts plastiques : Oreste au tombeau d'Agamemnon », sur cnap.fr.
- « Archives nationales - Base Arcade : Pendant la grève ».
- « Monument à Pierre Joseph Fontaine, inventeur du parachute des mines – Anzin », sur e-monumen.net.
- St.-Quentin ancien et moderne ou Notice historique sur la ville de Saint-Quentin sur Google Livres.
- Voyage historique pittoresque fait dans les Pays-Bas, et dans quelques départements voisins, pendant les années 1811, 1812 et 1813 sur Google Livres.
- Notice no 000SC013272, base Joconde, ministère français de la Culture.
- Catherine Limousin, « Corneille Theunissen et les Expositions universelles à Paris : 1889-1900 », Valentiana : revue d'histoire des pays du Hainaut français, , p. 77-96 (lire en ligne).
- « Monument commémoratif de la bataille de Paris en 1814 », sur polytechnique.edu.
Annexes
Bibliographie
- Catherine Limousin, Corneille Theunissen et Paul Theunissen. Catalogue raisonné, Mare et Martin Arts, (ISBN 1092054359). .
- Catherine Limousin, Les mines et les forges de Denain, Lourches et Anzin : dessins de Corneille Theunissen (Anzin, 1863 - Paris, 1918), Denain, musée d’Archéologie et d’Histoire locale : La plume et le marteau, (lire en ligne [PDF]). .
- Catherine Limousin, « « The Gallant boys at the front ». Portraits de soldats australiens, anglais et écossais retrouvés dans quatre carnets de dessins inédits du sculpteur Corneille Theunissen et de son fils André Theunissen. », In Situ, no 25, (DOI 10.4000/insitu.12843, lire en ligne). .
- Catherine Limousin, « Corneille Theunissen et les Expositions universelles à Paris : 1889-1900 », Valentiana : revue d'histoire des pays du Hainaut français, , p. 77-96 (lire en ligne).
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- AGORHA
- Musée d'Orsay
- (en) Bénézit
- (en + nl) RKDartists
- (en) Union List of Artist Names
- « Corneille Theunissen » sur e-monumen.net.
- Pierre Bouleistex, « Énigme polytechnicienne », La Jaune et la Rouge, no 620, , p. 32-35 (lire en ligne [PDF]). .
- Catherine Limousin, « Festival de l'Histoire de l'art 2016 : Corneille et Paul Theunissen » [PDF].
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