Conrad Kilian

François-Théodore-Conrad Kilian est un géologue, né le au château des Sauvages, à Desaignes (Ardèche), et mort à Grenoble le .

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Il est connu pour son travail d'exploration du Sahara, y prédisant la présence de gisement d'hydrocarbures. Ce travail fait l'objet de convoitises de la part des services secrets des grandes puissances : plusieurs morts violentes ont lieu dans l'entourage de Kilian et son suicide en 1950 reste toujours teinté de suspicions.

Biographie

Il est le fils de Wilfrid Kilian, Alsacien installé à Grenoble après la guerre de 1870 qui fut un des pionniers de la géologie alpine, et de Ammie-Anna Boissy d'Anglas, petite-fille du conventionnel François-Antoine de Boissy d'Anglas, et arrière-petite-nièce du paléontologue Georges Cuvier[1].

Il suit des études secondaires au Lycée Champollion de Grenoble, puis s'inscrit en Mathématiques spéciales et veut préparer l'École navale à Louis-le-Grand, comme son frère aîné Robert. Des problèmes de santé l'obligent à renoncer à ce projet. En 1915, il regagne Grenoble et effectue ses premières recherches géologiques. Sur les conseils de son père, il participe en 1921 à une expédition dans le Hoggar destinée à retrouver le très hypothétique « trésor des guerriers Garamantes », composé d’émeraudes.

En conflit avec le chef de l'expédition, il abandonne celle-ci, poursuit ses observations géologiques, et parvient, épuisé, à Tamanrasset. De retour en France, il publie un mémoire dans lequel il soutient que les Tassili du Sahara central sont de formation ancienne, et que le Sahara lui-même était occupé il y a longtemps par une mer. Il a constaté la présence de micro-organismes, dont la décomposition a dû produire dans le sous-sol saharien des réserves de pétrole et de gaz. Il se heurte à l'incrédulité générale.

Jusqu'en 1939, il sillonne le Sahara à dos de chameau, mais il se heurte toujours au scepticisme des autorités. Lieutenant d’artillerie pendant la Seconde Guerre mondiale, il est fait prisonnier puis libéré en 1942. Nommé attaché au laboratoire de géologie de la faculté d’Alger, il continue ses prospections. En 1943, il découvre que dans le territoire français de l'Aïr, des minerais sont exploités par une puissance étrangère, le Royaume-Uni en l'occurrence. Il se dit suivi par des agents anglais et américains très intéressés par ses découvertes, les deux pays se livrant à la guerre du pétrole en Afrique alors que la France y a renoncé depuis la Conférence de San Remo en 1920. Il est ensuite victime d'un empoisonnement par une plante saharienne alors que son guide est assassiné[2].

Après guerre, il essaye d'intéresser les personnalités politiques à des gisements d'hydrocarbures dans le Sahara : le général de Gaulle, le général Juin, Vincent Auriol, etc. Seul le général Leclerc semble s'intéresser à son dossier (notamment les gisements d’Hassi Messaoud et du territoire libyen de Fezzan qu'il propose d’annexer au Sahara français), il laisse d'ailleurs une garnison de sa 2e division blindée derrière lui à chaque lieu cartographié par Kilian comme gisement potentiel.

À peine est-il à Alger que les émissaires de deux grandes compagnies pétrolières se présentent à son hôtel et lui offrent un pont d'or. On lui propose des moyens d'action considérables pour l'exploitation immédiate, on étale devant ses yeux des liasses de dollars, contre la remise de ses cartes. Déçus, les étrangers repartent, mais leur victoire est proche[3].

Chargé de mission par l'État-Major général de la Défense nationale, l'explorateur doit répertorier les richesses enfouies dans les sables. Il sait que le pétrole est un tabou, mais il ignore qu'il s'attaque à une puissance quasi-occulte, qui ne concerne plus les gouvernements mais les intérêts pétroliers des trusts pétroliers. Il part d'Agadès le 7 janvier 1943 et surprend dans l'Aïr des étrangers exploitant une mine de wolfram, minerai rare qui est nécessaire à la fabrication des aciers spéciaux. Scandalisé, il s'emporte, menace et rédige un rapport au gouverneur général de l'Algérie, et la mine est fermée. Quelques jours plus tard, son guide est abattu de deux balles dans la tête. Il a été torturé avant d'être assassiné. On a cherché à lui faire avouer les lieux où Kilian s'était attardé au cours de ses travaux de prospection[4].

Humilié, se disant traqué ou persécuté par les compagnies pétrolières ou les puissances étrangères (une carte de gisements pétrolifères aurait valu à son possesseur une immense fortune), Conrad Kilian est retrouvé pendu à l'espagnolette d'une fenêtre de la pension de famille qui l'hébergeait dans la rue Thiers à Grenoble[5], dans des conditions assez mystérieuses. Kilian mesurait 1,78 m, l'espagnolette était à 1,20 m du sol, son visage était tuméfié et les poignets tailladés[6]. L'enquête conclut au suicide bien que le Secret Intelligence Service soit nommé, les services secrets britanniques ayant pu protéger les intérêts de la Shell et de l’Anglo-Persian Oil Company[7].

Les découvertes des gisements de gaz et de pétrole sahariens à partir de 1954 confirment que les affirmations de Kilian étaient exactes.

Il est inhumé au cimetière Saint-Roch de Grenoble.

Publications

  • Conrad Kilian, Au Hoggar - Mission de 1922, Société d'édition géographique, maritime et coloniale, 1924

Notes et références

  1. Maurice Lelubre, « Conrad Kilian, géologue et explorateur saharien », in Travaux du Comité Français d'Histoire de la Géologie, 1992
  2. Gilles Munier, « Sahara et Fezzan - La mort mystérieuse de Konrad Kilian », blog, 2011
  3. Euloge Boissonnade, Conrad Kilian, le Lawrence d'Algérie, Historia N° 303, Février 1972
  4. Euloge Boissonnade, Conrad Kilian, le Lawrence d'Algérie, Historia N° 303, février 1972, page 88.
  5. Union de quartier de l'île verte, Mémoire de l'Ile, page 180.
  6. Adieu pétrole, chance de la France, René Sédillot, Le Crapouillot n° 93, Avril 1987
  7. Frédéric Tonelli, Le secret des sept sœurs. Le temps des mensonges, Arte, 2011

Bibliographie

  • Euloge Boissonnade, Conrad Kilian, explorateur souverain, France-Empire, 1971
  • Euloge Boissonnade, «Conrad Kilian, le Lawrence d'Algérie», Historia n° 303, février 1972
  • Euloge Boissonnade, Du Sahara de Conrad Kilian au Koweit de Saddam Hussein, un épisode de l'histoire occulte du pétrole, Ed. Albatros, 1991
  • Pierre Fontaine, La mort étrange de Conrad Kilian, inventeur du pétrole saharien, Les Sept couleurs, 1959
  • Jean Lartéguy, Sahara An I, Gallimard, 1958
  • Claude Muller, Les mystères du Dauphiné, Clermont-Ferrand, De Borée, , 423 p. (ISBN 2-84494-086-2)
  • Gilles Munier, Les espions de l'or noir, Édition Alphée-Koutoubia, 318 p., 2008
  • Yves Salgues, L'or noir du Sahara, Fayard, 1958
  • Union de quartier Île Verte, Mémoire de l'île, Grenoble, 2006

Autres médias

Liens externes

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