Commissions délibératives

Les commissions délibératives de Bruxelles sont des commissions permanentes mixtes au sein du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Parlement francophone bruxellois établies en 2019. Ces commissions délibératives sont nées à l'initiative d'un texte déposé par Magali Plovie. C'est la première fois que des commissions mixtes sont institutionnalisées dans un parlement[1]. Ces commissions sont constituées de 60 membres : 15 députés et 45 citoyens bruxellois tirés au sort. Les commissions se réunissent pour délibérer sur des sujets précis proposées par des députés ou par des citoyens via des suggestions citoyennes.

Genèse

Les commissions délibératives ont volonté d'apporter une solution à l'essoufflement démocratique[2] et la crise de représentativité démocratique observée en Belgique[3].

Inspirations

Au fil des dernières années, plusieurs initiatives délibératives ont servi d'inspiration aux commissions délibératives. En 2012, la Convention constitutionnelle irlandaise (ICC) a rassemblé 100 personnes, dont 66 citoyens, pour amender la Constitution irlandaise et légaliser l'avortement ainsi que le mariage pour tous. Cette initiative a souligné l'importance de bien penser le ratio de députés vis-à-vis des citoyens, afin de répondre à la dynamique de pouvoir déséquilibré. Le modèle Ostbelgien en Belgique, aussi établi en 2019, rend permanent un conseil de 24 citoyens pendant un an et demi qui déterminent l'agenda et qui peut faire appel à des panels citoyens pour délibérer sur certains sujets. Les députés de la région sont tenus de répondre aux recommandations des citoyens. Le G1000[4] est une autre initiative délibérative belge, initiée notamment par David Van Reybrouck, Min Reuchamps et Benoît Derenne, qui a inspiré les commissions délibératives[5]. Avec ces différentes expériences, en plus de celle des commissions délibératives, la Belgique se place en pionnière en termes de démocratie délibérative[6].

Structure

Comité d'accompagnement[7]

Les commissions délibératives sont supervisées par un Comité d'accompagnement, un panel de 8 membres non-politiques qui ont pour rôle de structurer et organiser le processus. Quatre des huit membres sont sélectionnés tous les deux ans :

Les deux derniers membres du Comité sont des experts du sujet traité par la commission délibérative. Ils sont sélectionnés spécifiquement pour chaque commission. Dans sa composition, le comité d'accompagnement doit respecter la parité des genres et les membres sont sélectionnés en fonction de trois critères différents :

  • Sociodémographiques (profession, origine nationale…) ;
  • Politique (vote/abstention, préférence partisane…) ;
  • Comportemental (mobilité, utilisation d'un service spécifique…).

Convocation de la commission délibérative

Une commission délibérative peut être convoquée pour traiter d'une thématique qui peut être proposée soit par un ou plusieurs groupes politiques, soit par un citoyen qui introduit une suggestion citoyenne. Pour qu'une suggestion citoyenne soit traitée en commission délibérative, elle doit être signée par 1000 Bruxellois âgés de minimum 16 ans et respecter certains critères[8] :

  1. la formulation ou le sujet de la suggestion citoyenne ne soit pas manifestement offensant, grossier ou contraire aux libertés et droits fondamentaux;
  2. la suggestion citoyenne vise une compétence de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Commission communautaire commune ou de la Commission communautaire française;
  3. la suggestion citoyenne soit formulée comme un mandat en vue de débattre à propos d’une problématique générale plutôt que comme une ou plusieurs questions fermées adressées à la commission délibérative.

Cependant, si une suggestion citoyenne respecte les critères et a récolté plus de 100 signatures, elle peut être publiée sur la plateforme des commissions délibératives democratie.brussels pour récolter les 900 signatures suivantes.

Tirage au sort des citoyens[9]

La sélection des citoyens se fait par un double tirage au sort. Le tirage au sort permet de faire participer des personnes qui sont éloignées de la participation et de la prise de décisions.

Le tirage au sort se fait via les numéros de registre national des citoyens bruxellois. Sont éligibles au tirage au sort les résidents de la Région de Bruxelles-Capitale et 16 ans ou plus. Il n'y a pas de critères d'exclusion sur base de la nationalité ou du temps de résidence.

Lors de la première étape, 10.000 courriers sont envoyés aux Bruxellois tirés au sort[10]. Les lettres sont envoyée dans deux des langues officielles du pays (français et néerlandais) ainsi que dans les 5 langues les plus parlées à Bruxelles (Arabe, Espagnol, Italien, Allemand et Portugais)[11]. Les personnes qui ont reçu ces lettres ont 30 jours pour s'inscrire via la plateforme digitale des commissions délibératives ou par téléphone et indiquer les informations sociodémographiques requises en vue du 2e tirage au sort.

Le deuxième tirage au sort est alors effectué parmi les répondants au premier tirage au sort. Ce deuxième tirage sélectionne les participants qui siègeront au Parlement lors des commissions délibératives ainsi que leurs suppléants. Il sert à compenser les inégalités devant la participation et prend en compte les critères socio-démographiques suivants : genre, âge, répartition géographique, langue, niveau de formation.

La taille de l’échantillon étant trop restreinte que pour permettre une représentation exacte de la population bruxelloise, il s’agit toutefois de tendre à la représentativité en déterminant, au travers de quotas, la « photographie » de la population bruxelloise.

Les citoyens qui participent aux commissions sont défrayés pour leur temps et leurs déplacements.

Les parlementaires

Les parlementaires qui siègent avec les citoyens lors des commissions sont ceux qui font partie de la commission parlementaire permanente liée à la thématique de la commission délibérative traitée.

Inclusion[12]

Plusieurs catégories de personnes ont été identifiées comme étant les plus réticentes à prendre part aux commissions délibératives et des mécanismes ont été prévus pour faciliter leur participation.

  • Les jeunes : des contacts avec des associations travaillant avec des jeunes de 16 à 18 ans ont été pris en amont du processus pour faire connaître les commissions délibératives et augmenter la probabilité que les jeunes participent. Une lettre sera adressée aux parents ou tuteurs pour expliquer le processus et l'importance d'un accompagnement adéquat. Une séance préparatoire est prévue pour ces jeunes et leurs parents ou tuteurs.
  • Les personnes les plus éloignées de la participation et des prises de décisions : ce sont les personnes qui auront le moins de probabilité de répondre au tirage au sort et donc de prendre part aux commissions délibératives. Des réunions spécifiques pour ce public cible sont prévues pour accompagner ces personnes et les mettre en confiance.
  • Les personnes en situation de handicap : les bâtiments des assemblées sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Sur demande, une assistance est prévue pour les personnes sourdes, muettes et souffrant d’un déficit visuel.
  • Les personnes avec des enfants en bas âge : des ateliers gratuits sont prévus pour les enfants de 0 à 12 ans durant les différentes réunions. Les réunions sont également prévues pendant le weekend pour faciliter la participation.

Étapes de délibération

La délibération se déroule en trois étapes : la phase informative, la phase délibérative et la phase vote. Ces trois étapes sont précédées d'une phase préparatoire.

La phase préparatoire

À la suite du deuxième tirage au sort, une séance d'information sur le processus pour les participants et les parlementaires est prévue. Cette séance d’information a pour but d’expliquer les différentes étapes du processus, avec un focus particulier sur la publicité des débats et la question de l’anonymat, et d’examiner les éventuels accompagnements spécifiques nécessaires.

Une attention particulière est accordée aux quatre groupes-cibles, moins susceptibles de répondre : les jeunes, les personnes les plus éloignées de la participation et de la prise de décision, les personnes en situation de handicap et les personnes avec enfants en bas âge. Des sessions d'information spécifiques, ainsi que d'autres mesures (voir le point Inclusion), sont prévues pour ces groupes.

Phase informative

Lors des premières réunions, des personnes-ressources viennent présenter une fiche informative devant les participants et les parlementaires. Des auditions de divers acteurs sont organisées pour contribuer à l’appropriation et à la connaissance du sujet.

Phase délibérative

Les participants sont séparés en tables de 5 à 10 personnes, chaque table disposant également d'un facilitateur. Cette phase n'est pas publique. Le but de ces tables est permettre la délibération en petits groupes et de proposer des recommandations qui seront ensuite mises en commun.

Phase du vote

Les propositions de recommandations, accompagnées des éléments de réflexion qui les motivent, sont soumises au vote de la commission délibérative (citoyens et parlementaires) et transmises, avec les résultats du vote, à la présidence de la commission permanente concernée.

La Constitution belge ne permet pas que le vote citoyen porte le même poids que celui des parlementaires. Le vote des citoyens est donc consultatif, tandis que le vote des parlementaires est décisif. Par contre, les votes des parlementaires sont publics. Ainsi, dans le cas où leurs votes iraient à l'encontre de celui des citoyens, ceux-ci devront motiver leur décision face aux citoyens.

Suivi

Dans les 6 mois qui suivent la clôture de la commission délibérative, les parlementaires ayant participé à la commission délibérative sont tenus d'assurer le suivi des recommandations, qui sera présenté publiquement devant les citoyens participants à la commission délibérative et publiés sur la plateforme democratie.brussels.

Le suivi est une étape essentielle du processus délibératif qui permet d'établir la légitimité du processus auprès du public.

Mise en place

La première commission délibérative bruxelloise est prévue pour avril 2021 et portera sur les critères de déploiement de la 5G à Bruxelles.

Notes et références

  1. « Première mondiale à Bruxelles: des citoyens siégeront au Parlement », Le Soir, (lire en ligne)
  2. « En Quête de Sens : Libres, ensemble sur Auvio », sur RTBF Auvio,
  3. Olivier Mouton, « "Plus de démocratie, et mieux": pour une approche plus délibérative », sur Le Vif, (consulté le )
  4. « G1000 »
  5. Alice Dive, « Dix ans après le G1000, où en est la démocratie délibérative ? », sur LaLibre.be, (consulté le )
  6. (en) Min Reuchamps, « Belgium’s experiment in permanent forms of deliberative democracy », Constitutionnet, (lire en ligne)
  7. « Vade-mecum et glossaire établis par le groupe de travail « Commissions délibératives », en application de l’article 42ter du Règlement », Parlement francophone bruxellois, , p. 6 (lire en ligne)
  8. « Vade-mecum et glossaire établis par le groupe de travail « Commissions délibératives », en application de l’article 42ter du Règlement », Parlement francophone bruxellois, , p. 8 (lire en ligne)
  9. « Vade-mecum et glossaire établis par le groupe de travail « Commissions délibératives », en application de l’article 42ter du Règlement », Parlement francophone bruxellois, , p. 12 (lire en ligne)
  10. Alice Dive, « Dès 2021, 10.000 Bruxellois invités à décider avec les députés », La Libre Belgique, (lire en ligne)
  11. « BRIO-taalbarometer 4: De talen van Brussel | BRIO Brussel », sur www.briobrussel.be (consulté le )
  12. « Vade-mecum et glossaire établis par le groupe de travail « Commissions délibératives », en application de l’article 42ter du Règlement », Parlement francophone bruxellois, , p. 13 (lire en ligne)
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