Collection Crozat

La collection Crozat est un ensemble d'œuvres d'art constitué de dessins et de peintures acquis par Catherine II de Russie en 1772 auprès des héritiers de Louis Antoine Crozat grâce à la médiation de Denis Diderot. Une grande partie des œuvres est ensuite entrée au musée impérial de l'Ermitage.

Histoire de la collection

Antoine Watteau, Acteurs de la Comédie-Française, ou La Mascarade (vers 1712), huile sur toile, 20,2 x 25 cm, musée de l'Ermitage. Inv. no 1131; autrefois partie de la collection Crozat[1].

Cette collection trouve son origine dans celle de Pierre Crozat (1665-1740), qui, entre 1683 et 1740, accumula un nombre considérable de dessins — sans doute la plus grosse collection de son temps[2] — et des peintures, principalement italiennes et flamandes, sans compter les artistes qu'il protégeait et commissionnait comme Antoine Watteau ou Charles de La Fosse. Pierre est un véritable amateur d'art, obsessif, traquant les ventes, les marchands et les artistes. Il a hérité de son père banquier une partie de la fortune familiale sous forme de terres et possède des parts dans les affaires coloniales et négrières de son frère aîné Antoine. Dès 1714, il se rapproche du futur régent Philippe d'Orléans, à la tête d'une importante collection de tableaux, et devient en quelque sorte son agent parce qu'il possède une connaissance du marché et de ses acteurs. En 1721, Crozat fait en sorte que le régent acquiert une bonne partie de la collection de Christine de Suède, prenant au passage quelques belles pièces. En 1729, commence l'édition d'un recueil d'estampes reprenant les plus beaux tableaux et dessins issus des collections des Orléans et de cabinets privés, dont celui de Crozat[3]. Pierre meurt en 1741 sans héritier : sa collection passe à ses neveux, qui, pour des raisons de partage, charge quatre experts, Pierre-Jean Mariette, Gabriel Huquier, Edme-François Gersaint et François Joullain, d'organiser en avril et à Paris, la vente de 19 000 dessins et des centaines de pierres gravées[4]. Dans la préface de ce catalogue, Mariette prévient que « plus de 400 tableaux, et autant de sculptures en marbre et en bronze » sont exclus de cette vente et l'inventaire n'en a pas été fait, et qu'ils sont transmis à son neveu Joseph-Antoine Crozat, marquis de Tugny (1699-1750).

Durant plusieurs décennies, on peut admirer en l'hôtel Crozat de la place Vendôme, les tableaux et les sculptures. Le marquis va enrichir ce fonds et mourir sans enfants en 1751. La collection passe alors à son frère Louis Antoine Crozat, baron de Thiers qui la conserve puis meurt en 1770. Il laisse trois filles, Antoinette Louise Marie, Augustine Sabbigothon et Louise Thérèse, qui décident de liquider cette collection, dans un contexte de crise financière internationale, le Royaume vient de perdre une partie de son empire colonial et les Crozat, très impliqué dans ce commerce, ont besoin d'argent.

Le acte est passé entre l'impératrice Catherine II de Russie, le prince Galitzine et Denis Diderot, de verser la somme de 460 000 livres aux filles Crozat[5]. Galitzine et Diderot s'étaient connus à Paris du temps où le prince y était ambassadeur de Russie.

La cargaison qui comprend tableaux, pastels et dessins, est expédiée par bateau et met plus de quatre mois pour atteindre Saint-Pétersbourg. Quatre cents œuvres de cette collection sont désormais en possession du Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg.

Miniature de Louis-Nicolas Van Blarenberghe décrivant le premier cabinet des Crozat en leur hôtel place Vendôme (dessous de boîte à priser, 1770).

Cette collection contient notamment un Raphaël, quatre Véronèse dont un autoportrait, douze Rubens, sept van Dyck, trois Watteau, huit Rembrandt, cinq Poussin, plusieurs œuvres des Frères Le Nain (dont La Visite à la grand-mère et La Famille de la laitière[6]) et quelques œuvres de Claude Lorrain dit le Lorrain ainsi que de Chardin, comme le fameux Bénédicité et La Blanchisseuse. Il s'y énonce également un goût prononcé pour l'estampe dont Pierre Crozat fut mécène avec notamment des planches de Nicolas-Dauphin de Beauvais, Charles-Nicolas Cochin, Louis Desplaces, Edme Jeaurat, Jacques-Philippe Le Bas, Jean-Baptiste Scotin ou Louis Surugue[7].

L'achat par la Grande Catherine de cette imposante collection, que l'on appelle alors la « galerie Thiers », pose à l'époque le problème de la fuite des éléments du patrimoine national vers l’étranger. Diderot s'exprime à ce propos dans une de ses lettres à l'impératrice-mécène le où il rappelle le contexte politique, celui de la guerre : « Je jouis de la haine publique la mieux décidée et savez-vous pourquoi ? Parce que je vous envoie des tableaux. Les amateurs crient, les artistes crient, les riches crient. »

D'autres pièces de la collection originelle se trouvent aujourd'hui au Nationalmuseum de Stockholm : elles proviennent de Carl Gustaf Tessin, ambassadeur de Suède à Paris, qui en 1741, avait racheté une grande partie des dessins de Pierre Crozat. En 1749, ruiné, il revend sa collection à la couronne danoise[8].

Quelques œuvres de la collection Crozat

Références

  1. Peinture d'Europe occidentale des XIIIe-XVIIIe siècles, Musée de l'Ermitage, éditions d'art Aurore, Léningrad, 1977, p. 63 (I. Némilova).
  2. Michael Jaffé (en), « Two Rediscovered Antwerp Drawings from Crozat's Collection », in: Master Drawings, 32.1 (été 1994), 54-59, p. 54.
  3. Pierre-Jean Mariette [préfacier-éditeur], Recueil d'estampes d'après les plus beaux tableaux et d'après les plus beaux dessins, qui sont en France dans le cabinet du Roy, dans celuy de Mgr le Duc d'Orléans, & dans d'autres cabinets, divisé suivant les différentes écoles, avec un abbrégé de la vie des peintres et une description historique de chaque tableau], Paris, de l'Imprimerie royale, deux tomes, 1729-1742 — sur Gallica.
  4. Description sommaire des desseins des grands maistres d'Italie, des Pays-Bas et de France, du cabinet de feu M. Crozat, avec des réflexions sur la manière de dessiner des principaux peintres, par P.-J. Mariette [suivi de] Description sommaire des pierres gravées du cabinet de feu M. Crozat, Paris, avril et mai 1741 — Bibliothèque de l'INHA.
  5. Minute de l'étude de Jules Le Pot d'Autheuil, France Archives.
  6. Mais la date de son acquisition n'est pas certaine
  7. Michael Huber et Carl Heinrich Rost, Manuel des curieux et des amateurs de l'art, contenant une notice abrégée des principaux graveurs et un catalogue raisonné de leurs meilleurs ouvrages, depuis le commencement de la gravure jusqu'à nos jours, Orell, Fusli et Cie, 1804. Sur les estampes de la collection Crozat, tome septième renfermant l'École de France, pages 24-27.
  8. « Un Suédois à Paris au XVIIIe siècle.La collection Tessin », Musée du Louvre.

Annexes

Bibliographie

Article lié

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