Claudette Colvin
Claudette Colvin, née le à Montgomery dans l'État de l'Alabama, est une Afro-Américaine qui, à l'âge de 15 ans, est devenue célèbre pour avoir refusé, le , de laisser son siège à une Blanche dans un autobus, cela en violation des lois Jim Crow des États du Sud qui imposaient la ségrégation raciale dans les transports publics.
Son rôle pour l'avancée des droits civiques, après avoir été éclipsé par celui de Rosa Parks, est redécouvert, réévalué et valorisé depuis le début du XXIe siècle.
Biographie
Jeunesse et formation
Claudette Colvin est la fille de Mary Jane Gadson et de C. P. Austin. Elle est née sous le nom de Claudette Austin, mais comme ses parents sont dans l'incapacité financière de faire face à son éducation, elle est adoptée et élevée par sa tante Mary Anne Colvin, une femme de ménage, et par son oncle Q. P. Colvin, un gazonnier. Elle grandit dans un quartier pauvre de la banlieue de Montgomery[1],[2],[3].
Événement
En 1955, Claudette Colvin est élève à l'école secondaire Booker T. Washington High School de Montgomery. Sa famille ne possédant pas d'automobile, elle a recours à l'autobus pour se rendre à l'école. Le 2 mars, elle monte avec trois autres élèves afro-américaines dans le bus au retour de l'école, au même arrêt que Rosa Parks empruntera quelques mois plus tard. Elle est alors assise à deux rangs de la sortie de secours[4] quand des Blancs montent. Le chauffeur lui demande, ainsi qu'à trois autres passagers afro-américains, de se lever. Claudette Colvin refuse de céder sa place à une jeune femme blanche. Le chauffeur du bus s'arrête, fait appel à la police. Des policiers montent dans le bus, questionnent Claudette sur ses raisons et son entêtement et lui réitèrent l’ordre de quitter sa place. Les négociations n'aboutissant pas, Claudette Colvin est expulsée sans ménagement du bus par deux policiers qui la mettent en état d'arrestation. Elle proteste en déclarant que ses droits constitutionnels avaient été violés « Nous venons d'étudier la Constitution [...] je sais que j'ai le droit ». Elle est mise en prison et accusée, en plus, d'avoir proféré des insultes, ce qu'elle niera[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11].
Son arrestation précède de neuf mois celle de la militante des droits civiques Rosa Parks, qui eut lieu le [12],[13]. Elle fut l'une des plaignantes devant la juridiction locale qui prononça la décision de justice Browder v. Gayle, mettant fin à la ségrégation raciale dans les bus d'Alabama[14].
D'après ses dires, sa décision fut motivée par l'étude en classe de la Constitution et des droits qui en découlent ainsi que des biographies de femmes afro-américaines comme Harriet Tubman ou Sojourner Truth, pionnières de la cause des droits civiques[15],[16],[17].
Procès
Claudette Colvin est déférée le devant le tribunal pour enfants[1]. Annie Larkins Price, une de ses camarades de classe, témoigne en faveur de Colvin devant le tribunal pour enfants, où Colvin est condamnée pour violation des lois sur la ségrégation et agression. « Il n'y a eu aucune agression » dit Price[18]. Elle raconte que « Le bus devenait bondé et je me souviens de lui [le chauffeur de bus] regardant dans son rétroviseur lui demandant de se lever de son siège, ce qu'elle ne fit pas. Elle n'a rien dit. Elle a juste continué à regarder par la fenêtre. Elle décida ce jour qu'elle ne bougerait pas. »
Réaction de la communauté noire
À cette époque, Claudette Colvin était membre du Conseil de jeunesse de la NAACP, où Rosa Parks tenait la fonction de conseillère. E.D. Nixon, le leader d'alors de la section locale du NAACP à Montgomery, attendait un tel cas pour remettre en question la ségrégation dans les bus et il promet d'aider Claudette Colvin après que son père eut payé la caution. Le père de Colvin tondait les gazons et sa mère était serveuse. C'étaient des gens pieux qui vivaient à King Hill, le quartier pauvre de Montgomery. De nombreux responsables noirs, dont Rosa Parks, collectèrent de l'argent pour payer la défense de Claudette Colvin. Les leaders noirs locaux pensèrent alors que son cas était parfait pour parcourir tout le chemin jusqu'à la Cour suprême américaine, dans le cadre de la lutte contre les lois ségrégationnistes des États du Sud. Mais peu après son arrestation, des questions se posent quant à la fiabilité de Claudette Colvin. Elle est émotionnellement instable, elle porte des tresses africaines (cornrows) et refuse de lisser ses cheveux comme le fait la majorité des femmes afro-américaines et enfin elle tombe enceinte des suites d'une relation non consentie, d'après ses dires[19]. Les leaders noirs locaux présumèrent que cette grossesse ne scandaliserait pas seulement la très religieuse communauté afro-américaine, mais qu'elle rendrait Claudette Colvin également suspecte aux yeux des sympathisants blancs. En particulier, ils redoutèrent que la presse blanche n'utilise la grossesse illégitime de Colvin pour saper son statut de victime et discréditer ainsi tout boycott consécutif des bus, aussi se sont-ils décidés à lâcher Claudette Colvin[20].
Certains historiens ont avancé que les leaders noirs locaux étaient principalement issus des couches moyennes de la société et qu'ils n'étaient pas à l'aise avec le milieu modeste des Colvin. En effet, avant le cas de Colvin, le NAACP avait rejeté d'autres cas qui ne lui semblaient pas assez solides pour s'attaquer à la législation[réf. nécessaire].
Son action ayant été éclipsée par celle de Rosa Parks, au début du XXIe siècle, son geste a été redécouvert, valorisé et jugé décisif. Ainsi, Fred Gray (attorney) (en) son avocat déclare le dans une interview donnée au magazine Newsweek : « Claudette nous a donné à tous un courage moral. Si elle n'avait pas fait ce qu'elle a fait, je ne suis pas certain que nous aurions pu mener à bien le soutien à Mme Parks »[21],[22],[23],[24].
Appel
Le , Claudette Colvin répondit de ses actes devant la Cour fédérale de Montgomery.
Vie privée
En 1956, Claudette Colvin donne naissance à son fils Raymond alors qu'elle a 15 ans, et est renvoyée de l'école[25],[26] Raymond était si pâle de peau (comme son père) que des gens l'accusèrent d'avoir un enfant blanc, il devint drogué et alcoolique et mourut d'une attaque cardiaque à l'âge de 37 ans dans l'appartement de Claudette Colvin[réf. nécessaire].
Elle quitte l'Alabama pour New-York en 1958 où elle travaillera pendant 30 ans de nuit comme aide-soignante dans une maison de retraite[5]. Elle prend sa retraite en 2004[27].
Claudette Colvin a eu deux fils et cinq petits-enfants, parmi lesquels un médecin, une infirmière, une femme d'affaires et un militaire[28].
De sa vie et ses rêves de devenir avocate, elle dit « Oui, je suis déçue (...) Au moins, mes petits-enfants ne devront pas souffrir ce que j'ai souffert. »[réf. nécessaire]
Selon le Montgomery Advertiser, Claudette Colvin dit qu'elle ne regrette pas sa décision de ne pas s'être levée. « Je suis fière de ce que j'ai fait. Je pense que ce que j'ai fait a été une étincelle et que cela a pris. »[réf. nécessaire]
Postérité
En 2017, Rita Dove, Poète lauréat des États-Unis de 1993 à 1995, lui consacre un poème Claudette Colvin Goes to Work[29].
En 2017, Todd Strange (politician) (en), maire de Montgomery, déclare que le 2 mars de chaque année sera le Claudette Colvin Day, une journée consacré à la mémoire de Claudette Colvin[30]
Bibliographie
Essais
- (en-US) Belinda Rochelle, Witnesses to Freedom: Young People Who Fought for Civil Rights, Puffin Books, 1er octobre 1993, rééd. 1er février 1997, 116 p. (ISBN 9780140384321, lire en ligne),
- (en-US) Ellen Levine, Freedom's Children, Avon Books, , 228 p. (ISBN 9780380721146, lire en ligne),
- (en-US) Stewart Burns, Daybreak of Freedom: The Montgomery Bus Boycott, University of North Carolina Press, , 396 p. (ISBN 9780807846612, lire en ligne),
- (en-US) Russell Freedman, Freedom Walkers: The Story Of The Montgomery Bus Boycott, Scholastic, 30 septembre 2006, rééd. 2007, 132 p. (ISBN 9780545034449, lire en ligne),
- (en-US) Phillip Hoose, Claudette Colvin, Twice Toward Justice, Farrar Straus Giroux, (ISBN 9780374313227, lire en ligne),
Articles
- (en-US) Paul Hendrickson, « The Ladies Before Rosa: Let Us Now Praise Unfamous Women », Rhetoric and Public Affairs, Vol. 8, No. 2, , p. 287-298 (12 pages) (lire en ligne),
- (en-US) Erin Cook & Leanna Racine, « The Children's Crusade and the Role of Youth in the African American Freedom Struggle », OAH Magazine of History, Vol. 19, No. 1, , p. 31-36 (6 pages) (lire en ligne),
- (en-US) Barry Schwartz, « Collective Forgetting and the Symbolic Power of Oneness: The Strange Apotheosis of Rosa Parks », Social Psychology Quarterly, Vol. 72, No. 2, , p. 123-142 (20 pages) (lire en ligne),
- (en-US) Rachel Malchow Lloyd & Scott Wertsch, « "Why doesn't anyone know this story?": Integrating Critical Literacy and Informational Reading », The English Journal, Vol. 105, No. 4, , p. 24-30 (7 pages) (lire en ligne),
Essais
- Audrey Célestine, Des vies de combat, L'Iconoclaste, 2020 (ISBN 978-2378801632).
Roman
- Tania de Montaigne, Noire : la vie méconnue de Claudette Colvin, Paris, Grasset, , 171 p. (ISBN 978-2-246-78528-6) — prix littéraire Simone-Veil 2015[31],[32], mis en scène en 2019, filmé en 2021.
Roman graphique
- Noire, La vie méconnue de Claudette Colvin, Dargaud, 2021
Scénario : Émilie Plateau d'après Tania de Montaigne - Dessin et couleurs : Émilie Plateau - (ISBN 978-2-20-507925-8).
Notes et références
- (en-US) Hannah Foster, « Claudette Colvin (1935- ) • », sur Black Past, (consulté le )
- (en-US) BlackFacts.com, « Claudette Colvin », sur Blackfacts.com (consulté le )
- (en-US) « Claudette Colvin born », sur African American Registry (consulté le )
- (en-US) WSBTV.com, « Claudette Colvin », sur daytondailynews (consulté le ).
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- (en-US) « Claudette Colvin », sur Britannica Kids (consulté le ).
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- (en-US) JR, « Claudette Colvin Goes to Work », sur Dissident Voices, (consulté le )
- (en-US) Andrew J. Yawn, « Claudette Colvin honored by Montgomery council », sur The Montgomery Advertiser (consulté le )
- Marie-Christine Imbault, « Tania de Montaigne reçoit le prix Simone Veil 2015 », sur livreshebdo.fr, (consulté le ).
- Myriam Thibault, « Noire de Tania de Montaigne », Blog de Myriam Thibault, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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