Claude McKay
Claude McKay ( - ) est un romancier et poète jamaïcain, puis naturalisé américain.
Pour les articles homonymes, voir McKay.
Il a fait partie du mouvement littéraire de la Renaissance de Harlem (Harlem Renaissance). Il est l'auteur de trois romans : Home to Harlem en 1928 (Ghetto noir), un best-seller qui lui valut le Harmon Gold Award for Literature, Banjo en 1929, et Banana Bottom en 1933. Claude McKay est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles, Gingertown en 1932 et de deux autobiographies, A Long Way from Home en 1937 et Harlem: Negro Polis en 1940. Sa poésie, lyrique, nostalgique, et sociale, en fait un auteur majeur de la littérature afro-américaine de la première moitié du XXe siècle. Il fut un grand voyageur, passant la majeure partie de sa vie entre les États-Unis, l'Europe et le Maroc. Il visita longuement l'URSS après la Révolution d'Octobre. Marqué par le racisme et la ségrégation, il était un auteur engagé dans les milieux révolutionnaires et activistes en faveur des droits civiques, mais il resta toujours critique des appareils politiques. Malade et sans illusion, il se convertit au catholicisme à la fin de sa vie.
Biographie
Enfance et jeunesse en Jamaïque
Claude McKay[1] (Festus Claudius McKay[2]) est né à James Hill, Clarendon, Jamaïque. Il est le cadet d'une famille nombreuse. Il est le fils de Thomas McKay, un propriétaire foncier et de Hannah Ann Elizabeth McKay[3].
Il attire l'attention de Walter Jekyll (en)[4] qui l'aide à publier son premier recueil de poésie, Songs of Jamaica, en 1912[5]. Il s'agit du premier recueil comportant des textes écrits en dialecte. McKay publie la même année Constab Ballads, une évocation de son expérience comme officier de police.
Les États-Unis
Grâce à l'obtention d'une bourse, il peut partir aux États-Unis en 1912 pour étudier l’agronomie au Tuskegee Institute de Booker T. Washington[6]. Il éprouve un véritable choc en se trouvant confronté au racisme et aux lois ségrégationnistes en vigueur à Charleston (Caroline du Sud) où par exemple beaucoup de bâtiments publics sont interdits aux Noirs. Ne s'accommodant ni de ces pratiques ségrégationnistes ni de « l'existence mécanique et semi-militaire » qu'il rencontre à l'Institut, il le quitta rapidement pour aller étudier à l'université du Kansas[4]. Son engagement politique date de cette époque. La lecture de Souls of Black Folk de W. E. B. Du Bois le marque profondément. Malgré de bons résultats à ses examens en 1914, Claude McKay décide qu'il ne veut pas devenir agronome et se rend à New York avec l'ambition de devenir poète.
Harlem
À New York, il épouse son amour d'enfance Eulalie Lewars ; mais celle-ci se lasse vite de la vie new-yorkaise et retourne en Jamaïque au bout de six mois. McKay doit attendre plusieurs années avant de parvenir à publier deux poèmes en 1917 dans Seven Arts sous le nom de Eli Edwards. Il continue pendant ce temps à travailler comme serveur dans les trains.
L'activiste
À New York, il fréquente la bohème blanche et révolutionnaire de Greenwich Village. En 1919, il rencontra Max Eastman et Crystal Eastman, les éditeurs de The Liberator[7]. Il participe à l'équipe de The Liberator jusqu'en 1922. Il y publie l'un de ses plus fameux poèmes, If We Must Die pendant l'Été rouge de 1919, une période d'intenses violences raciales contre les Noirs américains.
McKay rejoint un groupe de militants noirs radicaux en désaccord aussi bien avec le nationalisme noir de Marcus Garvey qu'avec le réformisme de la NAACP. Le groupe inclut des Noirs antillais comme Cyril Briggs (en), Richard B. Moore (en), Wilfrid Domingo (en). Ils veulent lutter pour le principe d'autonomie noire au sein d'un mouvement socialiste révolutionnaire. Ensemble, ils fondent une organisation secrète semi-clandestine, l'African Blood Brotherhood. Cependant Claude Mckay quitte le groupe assez rapidement en raison de son départ pour Londres.
Hubert Harrison (en), un syndicaliste noir, avait demandé à Claude McKay d'écrire des articles pour le journal du mouvement de Marcus Garvey, The Negro World. Mais seuls quelques exemplaires du journal ont été préservés et aucun ne contient d'article de Claude McKay.
Londres
À Londres, il avait l'habitude de fréquenter un club de soldats sur Drury Lane et l'International Socialist Club à Shoreditch. C'est à cette période que son engagement socialiste s'approfondit. Il lut Marx assidument. À ce club, il rencontra Shapurji Saklatvala, A. J. Cook (en), Guy Alfred (en), Jack Tanner (en), Arthur McManus, William Gallacher, Sylvia Pankhurst et George Lansbury. On lui proposa rapidement d'écrire pour le journal, The Workers' Dreadnought.
En 1920, le Daily Herald, un journal socialiste publié par George Lansbury, publie un article raciste écrit par E.D. Morel. Sous le titre « Fléau noir sur l'Europe : la France laisse libre cours à la terreur sexuelle sur le Rhin », cet article évoque l'hypersexualité des peuples africains. Indigné, McKay rédige un droit de réponse, que Lansbury refuse de publier. Le réponse parait finalement dans le Workers' Dreadnought. C'est le début de la collaboration régulière de McKay avec ce journal et la Fédération Socialiste des Travailleurs (Worker's Socialist Federation), un groupe de communistes conseillistes actifs dans l'East End à Londres, et qui, à tous les niveaux de son organisation, comporte une majorité de femmes. Il devient un journaliste salarié pour le journal ; certains affirment qu'il fut le premier journaliste noir en Grande-Bretagne. À la même époque, certains de ses poèmes paraissent dans le Cambridge Magazine édité par C. K. Ogden.
Quand la féministe Sylvia Pankhurst est arrêtée selon les dispositions du « Defense of the Realm Act » pour avoir publié des articles « susceptibles de provoquer de manière préméditée la sédition au sein des forces militaires de sa Majesté dans la marine et au sein de la population civile », la chambre de McKay est perquisitionnée. Il est probablement l'auteur du texte Le Péril Jaune et les Dockers, attribué à Leon Lopez, qui fait partie des articles cités par le gouvernement dans son acte d'accusation contre le Workers' Dreadnought.
La Russie
En novembre 1922, il assiste au quatrième congrès de l'Internationale communiste[8]. Bien accepté par le public russe, il voyage dans tout le pays pendant six mois et donne des conférences sur l'art et la politique. Alors que plusieurs de ses articles sont réédités en Russie dans la presse soviétique sous le titre Negroes in America (1923); ces essais offrent une interprétation marxiste de l'histoire des Afro-Américains[réf. nécessaire].
Durant son séjour il rencontre par plusieurs fois Léon Trotski qu'il considère comme le meilleur leader communiste[9].
Trotski lui répondra au sujet de la « Question noire »[10].
Peu à peu, malgré son affection pour le peuple russe et son admiration pour Trotski, il prend des distances envers le communisme[9].
Vie en France et reconnaissance littéraire
Lorsque McKay quitte l'Union soviétique, McKay se rend à Paris où il fréquente les milieux culturels dont le salon littéraire de Jeanne et Paulette Nardal à Clamart. Il y rencontre notamment le Martiniquais Aimé Césaire, alors étudiant. Entre Berlin et Paris, il fait également la connaissance d'Alain Locke, de Jessie Redmon Fauset et de Jean Toomer. C'est à cette période que débutent les problèmes de santé et financiers qui marqueront le reste de sa vie.
En janvier 1924, avec l'aide financière d'amis, il déménage dans le Sud de la France pour récupérer de maladies répétées et terminer le roman Color Scheme. Ce manuscrit est finalement brûlé par McKay après qu'il a été refusé par plusieurs éditeurs. Malgré des divergences politiques significatives, Alain Locke sélectionne quelques-uns des poèmes de McKay pour le recueil Survey Graphic qui a servi de base pour The New Negro (1925).
En 1928, McKay qui vit toujours en France publie son roman considéré comme le plus fameux, Home to Harlem, qui remporte le Hamon Gold Award for Literature (en). Une traduction française due à Louis Guilloux paraît en 1932. Le roman, qui décrit la vie dans les rues de Harlem, va avoir un impact majeur sur les intellectuels noirs de la Caraïbe, de l'Afrique de l'Ouest et en Europe.
Ce roman attire pourtant les foudres de l'un des héros de Claude McKay, W. E. B. Du Bois. Pour Du Bois, les descriptions franches de la sexualité et de la vie nocturne à Harlem dans le roman ne font que satisfaire « les exigences de lascivité des éditeurs et des lecteurs blancs à la recherche de descriptions de la licence noire ». Du Bois ajoute : « Home to Harlem… dans l'ensemble me donna la nausée, et après ses morceaux les plus sales, je ressentis distinctement le besoin de prendre un bain ». Les critiques modernes rejettent aujourd'hui cette critique de Du Bois, qui se souciait plus de l'utilisation de l'art comme moyen de propagande dans la lutte de libération politique des Afro-américains que dans sa valeur artistique comme représentation de la véritable vie des Noirs.
Son deuxième roman, Banjo publié en 1929, est un commentaire sur le colonialisme qui se concentre sur la vie d'un groupe hétéroclite de vagabonds d'origines diverses qui vivent sur le front de mer de Marseille[11].
Le Maroc, Barcelone
Après avoir déménagé au Maroc, McKay publie Gingertown en 1932, une compilation d'histoires courtes se déroulant en Jamaïque et aux États-Unis.
En 1933, il publie son dernier roman Bas Banana, une histoire romantique qui se déroule en Jamaïque et qui explore les conflits à la fois individuels et culturels entre le colonisateur et la population. Aucun de ces romans n'a connu le même succès que Home to Harlem.
Fin de vie et conversion aux États-Unis
En 1934, McKay gravement malade et ruiné retourne aux États-Unis. Il s'efforce néanmoins de prolonger son œuvre littéraire malgré les difficultés à trouver des éditeurs. Il écrit de nombreux articles pour diverses revues. Il publie son autobiographie en 1937 : A Long Way from Home.
Déçu par le mouvement communiste, il publie en 1940 Harlem: Negro Metropolis, un traité anti-communiste appelant à un plus fort leadership de la communauté afro-américaine. En 1944, McKay se convertit au catholicisme[12] et épouse la doctrine sociale de l'Église catholique[13].
Pendant les dernières années de sa vie il rédige une autobiographie de sa jeunesse intitulé My Green Hills of Jamaica publié à titre posthume en 1979.
Il meurt d'une crise cardiaque à Chicago (Illinois) le à l'âge de 59 ans.
Son recueil de poèmes Selected Poems est publié à titre posthume en 1953.
Œuvres de Claude McKay
- Soviet Russia and the Negro, essai paru dans The Crisis, 1923[14]
- Home to Harlem (1928), il existe une traduction française de Louis Guilloux parue en 1932 chez Rieder sous le titre de Quartier noir.
- Banjo : A Story without a Plot (1929) a connu trois éditions françaises : Banjo, chez Rieder en 1931, traduit par Ida Trent et Paul Vaillant-Couturier ; Banjo, aux Éditions André Dimanche en 1999, traduit et avec une postface de Michel Fabre et Banjo, une histoire sans intrigue, chez L’Olivier en 2015, reprise de l'édition précédente légèrement remaniée.
- Gingertown, (1932)
- Banana Bottom (1933), a été traduit par F. W. Laparra et publié chez Rieder en 1934.
- A Long Way from Home (1937) a été traduit en français sous le titre Un sacré bout de chemin et publié aux Éditions André Dimanche en 2001.
- Harlem : Negro Metropolis (1940)
- Selected Poems (1953)
- Romance in Marseille, trad. de Françoise Bordarier et Geneviève Knibiehler, Marseille, Héliotropismes, 2021, 200 p. (ISBN 979-10-97210-06-9) [11],[15],[16]
Prix et distinctions
Postérité
Dans les années 1990, le libraire et éditeur André Dimanche, dont les locaux sont situés dans ceux de l'ancienne revue des Cahiers du Sud, réédite Banjo et fait valoir l'intérêt documentaire du roman à travers l'éclairage social et politique qu'il porte à l'attention du lecteur d'aujourd'hui. Selon lui, Banjo tranche sur les représentations qui nimbent la ville de Marseille et, en cela, les actualise : « dans l'imaginaire, le Marseille des années trente, c'est Pagnol et le Bar de la Marine. Les personnages et les situations de Pagnol ont vieilli ; il en reste un charme, mais un tantinet désuet. Avec Banjo, nous nous trouvons dans des situations actuelles ; l'écrivain a réussi à saisir les permanences de cette ville[18] ».
Notes et références
- (en) « Claude McKay | American writer », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
- (en-US) Poetry Foundation, « Claude McKay », sur Poetry Foundation, (consulté le )
- (en-US) « Claude Mckay | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
- (en-US) « Claude McKay: Harlem Renaissance », sur www.myblackhistory.net (consulté le )
- (en-US) Academy of American Poets, « About Claude McKay | Academy of American Poets », sur poets.org (consulté le )
- Encyclopædia Universalis, « CLAUDE MAC KAY », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- (en-US) « Claude McKay's Life », sur www.english.illinois.edu (consulté le )
- « Claude McKay Facts », sur biography.yourdictionary.com (consulté le )
- (en-GB) Owen Walsh, Leeds Marxists, « Claude McKay, the New Negro Movement, and the Russian Revolution », sur Socialist Appeal (consulté le )
- (en) « The Negro Question », sur www.marxists.org (consulté le )
- « Marseille noire, années 20 : de la musique, des filles qu’on paye et des marins africains avec ou sans pieds », sur France Culture, (consulté le )
- (en) « Claude McKay Biography », sur famouspoetsandpoems.com (consulté le )
- (en-US) « Claude McKay », sur Biography (consulté le )
- « "Soviet Russia and the Negro"--An Essay by Claude McKay », sur www.english.illinois.edu (consulté le )
- Gilles Rof, « Romance in Marseille », de Claude McKay, le roman sauvé de l’oubli, in M. Magazine du Monde, 22 mai 2021, N° 505, pp. 52-57
- François Bonnet, « Claude McKay : races, classes et genre dans le Marseille halluciné des années 1930 », sur Mediapart (consulté le )
- (en-US) « Who was Claude McKay? Everything You Need to Know », sur www.thefamouspeople.com (consulté le )
- « "Un pan de notre histoire a été occulté" », sur humanite.fr, L'Humanité, (consulté le )
Liens externes
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- (en) Poetry Foundation
- (en-US) « Claude McKay », sur Université de l’Illinois
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