Ciblage d'inflation
Le ciblage d'inflation est une politique économique par laquelle une banque centrale rend public un objectif d'inflation de moyen terme. Le ciblage d'inflation est utilisé depuis plusieurs décennies, à la suite de la publication d'études mettant en lumière le rôle des anticipations de l'inflation dans l'activité économique, ainsi que le rôle bénéfique de la stabilité monétaire, qui exige que l'inflation probable soit connue d'avance par les agents économiques.
Concept
Le ciblage d'inflation est une politique économique menée par plusieurs banques centrales dans le monde dans le but d'assurer un ancrage des anticipations des agents économiques et, ainsi, favoriser la stabilité de l'économie. Le ciblage d'inflation consiste en l'annonce et en le maintien par une autorité monétaire d'un objectif d'inflation de moyen terme ; afin d'être optimale, la cible doit garder l'augmentation des prix à un niveau bas et stable[1].
Cette politique nécessite une certaine rigueur de la part de la banque, et l'interdit tout comportement erratique. La fixation de règles strictes au sein de la banque centrale aide en cela le ciblage d'inflation. Le ciblage d'inflation se fonde sur l'idée que les agents économiques sont « forward looking », c'est-à-dire qu'ils se projettent dans le futur grâce à des anticipations plus ou moins rationnelles ou efficaces[2].
L'utilisation du ciblage de l'inflation repose sur deux principaux arguments :
- Selon la nouvelle économie classique, les bénéfices retirés d'une politique monétaire expansionniste ne sont que transitoires, alors que les conséquences en matière d'inflation sont durables. Par conséquent, il est approprié de mener des politiques monétaires non inflationnistes. Dans la mesure où un engagement du gouvernement en ce sens n'est pas crédible (puisque non irréversible), il est nécessaire que la banque centrale soit indépendante pour contrer les anticipations inflationnistes. Robert Barro et David Gordon ont montré dans un article de 1982 l'intérêt de l'indépendance pour l'efficacité des politiques monétaires.
- Dans la mesure où les anticipations jouent un rôle fondamental dans la fixation des prix, il est important que la banque centrale soit crédible dans sa volonté de limiter l'inflation. L'utilisation d'une cible d'inflation permet au public de juger simplement l'efficacité des autorités monétaires. La banque centrale, plus crédible, voit l'efficacité de sa politique renforcée. Ce raisonnement liant règles et crédibilité a été développé par Finn E. Kydland et Edward C. Prescott dans un article de 1977.
Le ciblage d'inflation se distingue du ciblage monétaire car ce dernier vise à créer une cible d'inflation par le moyen d'un ciblage de la masse monétaire. La masse monétaire agit donc comme un intermédiaire pour cibler l'inflation[3]. D'inspiration monétariste, le ciblage monétaire est très utilisé dans les années 1980, mais est dépassé par le ciblage d'inflation par la suite.
Effets
Une étude de la Banque de France publiée en 2017 sur un échantillon de 76 pays sur la période 1976 - 2015 montre que le ciblage d'inflation a un effort absorbeur en cas de choc économique ou crise économique. En effet, « le ciblage de l'inflation améliore la performance macroéconomique à la suite de tels chocs car il réduit l'inflation, augmente la croissance de la production et réduit l'inflation et la variabilité de la croissance par rapport aux régimes monétaires alternatifs »[4].
Une analyse économétrique menée en 2012 montre toutefois que si le ciblage d'inflation est lié à une croissance plus élevée, il ne s'agit pas d'une garantie de stabilité monétaire. L'étude se base sur un échantillon de 36 pays émergents entre 1979 et 2009[5].
Historique
Le ciblage d'inflation émerge dans la recherche économique dans les années 1980. Un consensus émerge alors autour du ciblage monétaire, puis du ciblage d'inflation, afin d'éviter des augmentations excessives des prix, qui rogneraient sur le pouvoir d'achat et brouilleraient les signaux-prix dans les économies.
Un nombre croissant de pays adopte alors des politiques de cible d'inflation. Il s'agit d'abord de pays anglo-saxons : la Nouvelle-Zélande est pionnière en 1990, avant d'être rejointe par le Canada, puis le Royaume-Uni. Plus récemment, des pays émergents, notamment d'Amérique du Sud, ont opté pour cette politique. Concernant les deux grandes puissances mondiales États-Unis et Union européenne, elles ne pratiquent pas explicitement une politique de ciblage de l'inflation, quoique la Banque centrale européenne ait évolué sur ce sujet en adoptant un objectif d'inflation de 2%.
Notes et références
- « Le ciblage de l’inflation expliqué », sur www.banqueducanada.ca (consulté le )
- Yannick Lucotte, « Le ciblage d’inflation dans les économies émergentes », Revue française d'économie, vol. XXX, no 2, , p. 93 (ISSN 0769-0479 et 1760-7388, DOI 10.3917/rfe.152.0093, lire en ligne, consulté le )
- Thomas Brand, « Ciblage monétaire et ciblage d'inflation », Regards croisés sur l'économie, vol. 3, no 1, , p. 231 (ISSN 1956-7413 et 2119-3975, DOI 10.3917/rce.003.0231, lire en ligne, consulté le )
- « Ciblage d’inflation comme absorbeur des chocs économiques », sur Banque de France, (consulté le )
- (en) Beldi Amira, Djelassi Mouldi et Mete Feridun, « Growth effects of inflation targeting revisited: empirical evidence from emerging markets », Applied Economics Letters, vol. 20, no 6, , p. 587–591 (ISSN 1350-4851 et 1466-4291, DOI 10.1080/13504851.2012.718054, lire en ligne, consulté le )
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