Chute opérationnelle

La chute opérationnelle est le nom donné aux techniques de parachutage militaire de personnel et de matériel à haute altitude. Les techniques utilisées sont appelées MFF (Military Freefall, « chute libre militaire ») dans les Forces armées des États-Unis.

Ces techniques demandent une formation beaucoup plus pointue que le parachutisme militaire de base et elles sont essentiellement réservées aux forces spéciales. Leur principale utilité est de garantir une plus grande sécurité de l'avion largueur face aux défenses antiaériennes adverses car il opère à une plus grande altitude, et dans le cas des sauts type SOTGH/HAHO, à une plus grande distance de la zone d'atterrissage par rapport à un parachutage à ouverture commandée.

Deux chuteurs opérationnels avec leurs équipements.

Les différentes techniques de chute opérationnelle

La chute opérationnelle se divise en deux grandes catégories, selon que l'ouverture du parachute se fait à basse ou à haute altitude. Dans les deux cas, le largage des chuteurs se fait à haute altitude, de 8 000 à 10 000 m. Cela correspond à l'altitude limitée par les possibilités des transporteurs[1].

Les sauts se font le plus souvent de nuit.

Chute opérationnelle avec ouverture à basse altitude

La technique la plus ancienne de chute opérationnelle se fait avec l'ouverture du parachute à basse altitude. Elle est appelée HALO pour High Altitude-Low Opening, « haute altitude, ouverture basse ». Le SOGH, Saut Opérationnel à Grande Hauteur, de l'armée française n'est pas considéré comme une technique HALO car il se déroule entre 1 200 mètres et 4 000 mètres maximum[1].

Les techniques HALO se sont développées à partir des tests menées par l'US Air Force depuis les années 1940 sur des systèmes d'éjection et de parachute destinés aux pilotes d'avions volant à haute altitude. Dans le cadre de ces essais, le colonel Joseph Kittinger effectua le premier saut connu à haute altitude, le , à près de 31 300 m.

Il est difficile d'attribuer exactement la paternité des sauts HALO, le saut en ouverture retardée à des altitudes de plus en plus élevées ayant été testé dans diverses unités parachutistes depuis la fin des années 1950[2]. À cette époque, le 1er bataillon parachutiste de choc, un des deux bataillons de la 11e DBPC, explore ces techniques pour faciliter les atterrissages sur zones non préparées. Surnommés « chuteurs musette », ces chuteurs peuvent être considérés comme les précurseurs des chuteurs opérationnels[3]. De son côté, la CIA met au point des techniques similaires pour parachuter des Tibétains dans les montagnes himalayennes en Chine communiste[4].

Le premier emploi de ces techniques au combat eut lieu pendant la guerre du Viêt Nam par des commandos du MACV-SOG à la fin de 1970[5]. À la fin des années 1970, des unités de contre-terrorisme expérimentent des sauts HALO de masse pour infiltrer des équipes d'assaut de plusieurs dizaines d'hommes sur les lieux de prises d'otages[6].

Le HALO est utilisé pour parachuter des hommes à une altitude suffisamment élevée pour que l'avion vole au-dessus des niveaux d'engagement par les missiles sol-air adverses.

Lors d'un saut HALO typique, les chuteurs sautent de l'appareil, tombent en chute libre puis, une fois arrivés à basse altitude, ouvrent leur parachute. La combinaison de la haute vitesse de chute et de faible vitesse horizontale permet d'éviter la détection par radar.

Le matériel lourd à parachuter est extrait hors de l'avion par un parachute, puis tombe en chute libre jusqu'à une altitude où son parachute cargo s'ouvre pour permettre un atterrissage à basse vitesse. Le personnel doit ensuite le récupérer sur son lieu d'atterrissage.

Chute opérationnelle avec ouverture à haute altitude

La chute opérationnelle avec ouverture du parachute à haute altitude est appelée HAHO (pour High Altitude-High Opening, « haute altitude, ouverture haute ») en anglais et en français DSV (dérive sous voile) et SOTGH (Saut Opérationnel à Très Grande Hauteur).

Le HAHO apporte une sécurité supplémentaire à l'avion largueur par rapport au HALO, car il permet de rester à une grande distance de la zone d'atterrissage des chuteurs en plus d'une haute altitude. Le chuteur saute de l'avion et ouvre son parachute[7]. Sa « voile » lui permet de planer sur une très longue distance, le nombre le plus souvent donné étant de 40 km pour un saut à 8 000 mètres d'altitude. Le chuteur doit calculer sa propre navigation pendant sa dérive sous voile, avec un compas, un système gyroscopique ou un GPS, ou encore en se guidant grossièrement en repérant à vue la topographie du terrain. Toutes ces techniques lui permettent de naviguer vers le point de chute souhaité, malgré le vent, les nuages et autres phénomènes atmosphériques. Généralement, le premier chuteur à avoir sauté de l'avion assure la navigation et ceux qui ont sauté derrière lui le suivent.

La DSV est principalement utilisée pour larguer des petits groupes de commandos loin derrière les lignes ennemies. La dérive sous voile apporte aussi une sécurité pour les chuteurs car leur zone d'atterrissage est plus flexible, alors qu'elle doit être située sous la trajectoire de l'avion pour le HALO.

La création du saut HAHO est également imprécise, car il est probable que bon nombre d'unités qualifiées HALO ont progressivement tenté d'ouvrir leurs parachutes de plus en plus haut. L'Intelligence Support Activity américaine aurait été la première à ouvrir la voie et à présenter la techniques aux autres unités comme la Delta Force, le SEAL Team Six puis les autres forces spéciales[8].

Missions très pointues

Pour un parachutiste, le parachute n'est qu'un moyen de transport, le combat constitue sa vraie mission.

Pour le chuteur opérationnel, la mission peut présenter différents aspects dans la « profondeur », sur les arrières ou à l'intérieur du camp ennemi. La mission y fixera suivant les cas : la recherche du renseignement, l'action ponctuelle sur un objectif ciblé, l'intervention au profit d'amis, l'avant-garde d'une opération terrestre[1]...

Étant donné la spécificité des intéressés, aux effectifs modestes, les missions seront toujours très pointues et ponctuelles.

Risques pour la santé

À haute altitude, l'oxygène est trop rare pour assurer une respiration suffisante. Dans cet environnement, les personnes sans équipement subissent une hypoxie, qui mène à l'inconscience. Au fur et à mesure que le chuteur s'approche de la Terre, le taux d'oxygène augmente. Cependant, la chute est souvent trop courte pour que l’individu reprenne conscience avant de toucher terre. En cas de perte de conscience, un système ouvrira le parachute de secours (la réserve) automatiquement à une certaine altitude préprogrammée. En conséquence, les chuteurs opérationnels doivent porter un masque à oxygène.

Un autre danger guette les parachutistes à haute altitude : le froid. À haute altitude, la température est nettement inférieure à 0 °C ; de surcroît, la vitesse de descente provoque elle aussi un refroidissement. En conséquence, les chuteurs peuvent contracter des engelures. Des vêtements appropriés leur permettent de prévenir ces blessures.

Formation à la chute opérationnelle

Divers pays ont leur école de formation à la chute opérationnelle. Aux États-Unis, cette formation est assurée par la Military Free Fall School du John F. Kennedy Special Warfare Center and School (USAJFKSWCS)[9].

En France, seules des personnes déjà brevetées parachutiste et ayant une dizaine d'années d'expérience peuvent suivre la formation au SOTGH. La formation peut être suivie soit à l'école des troupes aéroportées (ETAP) de Pau, soit en interne au sein du commandement des opérations spéciales (COS), mais dans tous les cas, elle est validée par un personnel de l'ETAP[10]/.

Équipement

L'équipement individuel « oxy » est composé de matériels ultra-spécifiques et extrêmement coûteux : environ 75 000 . Par ailleurs, le poids du bardage atteint facilement les cent kilos[1].

  • un altimètre EL62 ;
  • un appareil de sécurité déployant automatiquement le parachute :
    • cet appareil estime la hauteur en mesurant la pression atmosphérique. Si le parachute n’est toujours pas ouvert à une hauteur inférieure à la hauteur minimale prévue, environ 300 mètres, il ouvre automatiquement un parachute d'urgence en brisant un câble d'ouverture.
  • un couteau ;
  • un casque EL50 avec son masque respiratoire ;
  • une paire de gants et tenues Gore-Tex ;
  • une paire de bottes militaires pour la chute libre (soulage les hanches) ;
  • un sac de matériel militaire d'une masse de 20 à 45 kg ;
  • arme HK MP5 SD ;
  • moyens de communication ;
  • système de navigation S.N.C.O ;
  • parachute Air Azur.

Liste d'unités militaires faisant du HALO/HAHO

Saut opérationnel d'un GCP du 1er régiment de hussards parachutistes.

Notes et références

  1. Pierre Montagnon, « Les exploits des chuteurs opérationnels », Paris Match Hors Série, , p. 106.
  2. Le développement de cette technique dans la 1st Force Reconnaissance company des Marines est quelque peu détaillée dans (en) Ray W. Stubbe, Aarugah! : Report to Director, Historical Division, Headquarters, Marine Corps, on the history of specialized and force-level reconnaissance activities and units of the United States Marine Corps, 1900-1974, Washington DC, US Marine Corps, coll. « Fleet Marine Force Reference Publication (FMFRP) » (no 12-21), , p. 86-88.
  3. Michel Viéville, Des précurseurs. Les chuteurs « ops » du 1er bataillon de choc (1960-1963), (ISBN 2-915960-12-7) .
  4. Robert Baer (trad. Daniel Roche), La chute de la CIA : les mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme [« See no evil »], Paris, Gallimard, coll. « Folio documents » (no 11), , 392 p. (ISBN 978-2-070-42854-0), p. 48
  5. (en) J. M. Peterson, « An Interview with a True Legend in the Special Operations and Counterterrorism Community, Author of Hunting the Jackal Sergeant Major Billy Waugh », Journal of Counterterrorism & Homeland Security International, vol. 11, no 3, (lire en ligne[archive du ], consulté le ).
  6. (en) Jack Murphy, « Blue Light (Part 7): Pioneering aircraft takedowns and free-fall jumps », sur SOFREP.com, (consulté le ).
  7. (en) Jack Montana, Parachute Regiment, Simon and Schuster, (ISBN 978-1-4222-9495-6, lire en ligne).
  8. (en) Michael Smith, Killer Elite: the inside story of America's most secret special operations team, coll. « Cassell Military Paperbacks », Wellington House, Londres, 2006 (ISBN 0-304-36727-3) p. 88.
  9. John F. Kennedy Special Warfare Center ? Military Free Fall School
  10. Les Chut OPS, Chuteurs Opérationnels, Forces-Spéciales.org

Voir aussi

Articles connexes

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